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Critiques de Erskine Caldwell (152)
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La route au tabac

Erskine Caldwell - La route au tabac -1937 : Steinbeck et Faulkner furent les nouveaux papes d'une littérature américaine qui disséqua sans ambages les conséquences sur le peuple de la crise financière de 1929. Eskine Caldwell dans la même veine descendait au plus profond d'une humanité massacrée par la pauvreté, l'ignorance et la consanguinité. Le vieux métayer qui voyait filer sa vie et sa ferme s'enfermait dans une paresse qui tenait autant du découragement que de l'indigence. Seul avec son épouse, un fils benêt et une fille provocante affligée d'un bec de lièvre l'homme ressassait le temps où ses autres enfants travaillaient avec lui aux champs. Mais cette époque n'était plus, quasiment tous les jeunes gens du comté étaient partis grossir la main d'œuvre des usines qui offraient un salaire fixe pour des tâches bien moins harassantes. Ce qui était parfaitement retranscrit ici c'était l'obscurité crasse d'une population bien trop pauvre pour avoir fréquenté l’école. L’enseignement public de toute manière était absent de ce sud si profond qu'il semblait oublié des dieux et des hommes. Eskin Caldwell habillait de son talent la nudité intellectuelle et culturelle de ces êtres humains qui ne vivait plus que pour justifier leur naissance devant la marche effarante de l’humanité vers le néant. La faim alors sévissait monstrueusement dans ces états abandonnés comme elle frappait la population dans certaines régions d’Afrique obligeant les habitants aux pires avilissements pour se mettre sous la dent quelques navets ou pommes de terre terreuses. La religion qui aurait pu servir de consolation se fourvoyait elle aussi dans le spectacle indécent de prêches hystériques et de miracles faciles. Il suffisait de voir le personnage lamentable de la sœur évangéliste, femme détraquée par l'envie et la perversion pour comprendre à quel point le secours moral ne pouvait aucunement venir du ciel pour cette population délaissée. En épousant l'adolescent de la famille cette matrone profitait du dévoiement forcé de leurs valeurs pour se procurer la chair fraîche indispensable à sa concupiscence. Chaque chose à son revers et la voiture neuve et rutilante achetée pour l'occasion ne sera plus qu'une épave au bout de la journée cabossée à plusieurs reprises par le jeune homme. Ce roman par l'absurde appelait au progrès social un peu comme les ouvrages de Zola au 19eme siècle. Le romancier français attaché à un certain progressisme avait donné à chacun de ses personnages une conscience et un but. Ce n'était pas le cas des protagonistes de ce livre qui erraient dans l’existence comme des esprits perdus dans un désert sans fin. "La route au Tabac" est une lecture qui reste dérangeante après tant d'années comme la mauvaise caricature d'une société en totale perdition. Pourtant ce désarroi abyssal existe encore dans cette Amérique où le rêve continue à se vendre en tubes métallique comme le beurre de cacahuète dans les rayons surchargés des supermarchés... terriblement cynique
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Le petit Arpent du bon Dieu

Au début des années trente, au fin fond du Sud des Etats-Unis, en Géorgie, le vieux Ty Ty et ses fils, pris par la fièvre de l’or, passent leur temps à creuser leur terre au lieu de la cultiver. Pendant ce temps, la beauté et la sensualité des filles et des brus du patriarche enflamment désirs et jalousies…





Immersion chez les blancs pauvres du Sud américain, ceux que l’on a nommé « White trash » tant leur niveau de vie et d’éducation les renvoie à un état intermédiaire entre « la bête et l’esclave, mais sans leurs avantages respectifs » pour reprendre les termes du journaliste et producteur radio François Angelier, ce roman s’ouvre sur une note burlesque – Ty Ty n’a pas compris que l’or qu’est supposée contenir sa terre mentionne le fruit de son travail de cultivateur, et non la présence de pépites -, s’installe dans la concupiscence charnelle qui obsède ses personnages, et finit dans la cruauté de destins voués à la catastrophe par la bêtise et l’ignorance.





Avec un cynisme noir et une crudité sans fard, Erskine Caldwell nous emmène au plus crasse de la misère sociale et intellectuelle de son époque, sur un fond de crise économique qui conduit les plus démunis à la détresse absolue et au drame, en tous les cas qui semble les réduire à une quasi animalité. Aussi crétins qu’obsédés, les personnages évoquent une bande de lapins occupés à copuler tout en creusant inutilement d’innombrables terriers qui détruisent leur habitat. Si confondante est leur pauvreté, de corps comme d’esprit, que, sur le fond plus bêtes que méchants, ils finissent par en devenir somme toute attendrissants.





Rien n’est ici édulcoré et, entre son humour aussi grotesque que pathétique, sa noirceur autant violente que désespérée, et son érotisme sordide quasi animal, il n’est guère étonnant que Caldwell vienne en tête des auteurs les plus censurés de l’histoire de la littérature américaine. Ce livre reste encore aujourd’hui profondément dérangeant.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La route au tabac

Erskine Caldwell nous offre une vision monstrueuse mais pleine de nostalgie de l'Amérique rurale de la fin des années 1920. Le style et le sujet annoncent grandement les merveilles que saura nous livrer John Steinbeck dans des romans régionalistes des années de dépression économique comme les deux ultra célèbres "Des souris et des hommes" et surtout "Les raisins de la colère".

Ici, cependant, la crise vient à peine de frapper, mais la misère est déjà là chez les cultivateurs de coton. Jeeter Lester, le vieux métayer ruiné est le véritable héros (ou plutôt anti-héros).

Il est roublard, voleur, fainéant, lubrique, faux croyant mais pourtant, l'auteur n'arrive pas à nous le rendre détestable, il est minable mais on a de la pitié et de l'affection pour lui car il n'aspire, dans le fond, qu'à poursuivre la vie qu'il a toujours menée sur sa terre médiocre.

Ses douze enfants l'ont plaqué les uns après les autres pour aller travailler à la ville sans se soucier de le voir crever de faim, tout comme lui d'ailleurs, se souciant comme d'une guigne de sa vieille mère devenue un vrai sac d'os fantomatique. Il est entouré de monstres, tous à leur façon, soit physiquement, soit moralement.

Sa fille laissée à l'état de bête sauvage avec son bec de lièvre, son fils simplet qui passe sa vie à balancer une balle de base-ball contre la baraque déjà croulante et qui s'entiche d'une pseudo prêcheuse elle-aussi monstrueuse pour la seule raison qu'elle lui autorise à conduire sa voiture et jouer du klaxon toute la journée.

La mère, aimante comme une vieille pierre sans mousse, le gendre qui les regarde crever de faim en s'empiffrant de navets.

Bref, une sacrée peinture, une vraie galerie de monstres, souvent drôle et grinçante de l'Amérique rurale, bouffée par le cynisme de l'économie moderne (cf., la scène de l'achat de la voiture neuve par Bessie, elle, ne sachant pas lire, les vendeurs lui vident les poches autant qu'ils peuvent).

En tous les cas, merci à Maurice-Edgar Coindreau pour cette superbe traduction de ce qui me semble une bonne porte d'entrée pour la littérature américaine régionaliste de l'entre deux guerres dont, bien évidemment, John Steinbeck reste le fleuron inégalé, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Les braves gens du Tennessee

Les braves gens du Tennessee, l'un des derniers romans d'Erskine Caldwell, s'ancre dans les années 60, et le lecteur se rend très vite compte que depuis ses premières productions littéraires dans les années 30, peu de choses ont changé dans les Etats du Sud.

Grover Danford est un homme débonnaire propriétaire d'un haras à Wolverton. Grover a épousé sur le tard Madge, une hystérique obsédée par son statut social qui s'est toujours refusée physiquement à lui et disparaît régulièrement de la propriété.

Depuis deux ans, Grover Hanford attend de consommer son mariage. Seuls ses souvenirs lui tiennent compagnie. Car Grover a un secret. Il a follement aimé la belle Kathlee dont il a eu un fils, Jeff Bazemore. Mais Kathlee était métisse, une « passée blanche », rejetée par les noirs comme par les blancs, obligée de se faire discrète tant sa beauté était un fardeau et un danger pour sa sécurité.

Les lois du Tennessee ont empêché le couple de se marier et de reconnaître ensemble leur enfant. Kathlee morte, d'autres ont élevé Jeff sur lequel Grover veille à distance et dans la plus grande discrétion. Aujourd'hui, Jeff a dix-sept ans et comme sa mère, il éveille le désir des blancs. La violence va de nouveau souffler sur la petite ville de Wolverton.



Erskine Caldwell excelle toujours dans la description des bassesses et de la bêtise crasse des habitants des Etats du Sud, de cette inhumanité banale, de l'habituelle violence exercée sur les femmes surtout lorsqu'elles sont noires, de l'exacerbation des désirs sexuels pétris de racisme et de fascination, des sinistres pantomimes des « cavaliers de la nuit » qui s'autoproclament justiciers… Dans le Tennessee des années 60, le viol et le concubinage interracial "clandestin", sont socialement acceptés mais l'amour est une abomination. Seuls personnages qui font preuve de noblesse d'âme, Grover père et fils apparaissent touchants dans leur naïveté. Mais dans le Sud, la noblesse se fait encore broyer par l'injustice institutionnalisée.
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Le petit Arpent du bon Dieu

Ty Ty est le patriarche d’une famille nombreuse du Sud des Etats-Unis. Ils sont ce que l’on appelle des « white trash », c’est-à-dire pour les uns des « salauds d’pauvres » et pour l’autre des « sans-dent », littéralement des « raclures de blancs ». Ils ont été bannis du rêve américain, de cette société qui voue un culte aveugle à ses héros les « self made men » car dans la pyramide des classes sociales ils arrivent en-dessous du dernier des « nègres » analphabètes. C’est cette population méprisée qu’Erskine Caldwell raconte dans « le petit arpent du Bon Dieu ».

Ty Ty creuse avec sa famille son terrain depuis quinze ans, à la recherche du filon d’or qui les rendra tous riches. Il l’explique lui-même : « Evidemment, je n’ai pas encore trouvé un vrai filon, dit Ty Ty, mais nous n’en sommes pas loin. Nous brûlons, je l’sens dans mes os. Mon père m’a dit qu’il y avait de l’or dans cette terre, et pour ainsi dire tout le monde en Géorgie me l’a dit aussi… ».

A aucun moment il ne s’est douté de la métaphore du père. La niaiserie du « white trash », l’innocence, la faiblesse d’esprit et la candeur feront qu’il mettra toute son énergie à creuser sa terre à la recherche de cet or fictif plutôt que de la cultiver pour en tirer profit et qu’elle lui amène les substantielles richesses auxquelles son père faisait allusion.

Les éléments de la farce d’Erskine Caldwell sont en place.

Ne manque plus qu’à capturer un nègre albinos qui vit dans les marais et qui aurait des dons de sourcier pour trouver le gisement aurifère. Or sur ce terrain, en bon croyant, Ty Ty a dédié un arpent au Bon Dieu, duquel, tout ce qui y est produit est donné à l’église. Il n’imagine pas que son filon puisse se trouver sur cet arpent. Alors il décide que désormais il se situera sous sa maison, à l’abris de toute prospection minière. Voilà bien une belle illustration du sens pratique du « white trash » !

A aucun moment Caldwell n’est dans le jugement. Il ne fait qu’échafauder une suite de situations dont la logique des réactions est propre à l’intelligence primaire de ses personnages, à leur raisonnement simplifié à l’extrême, pour en faire ce qui pourrait nous apparaitre comme une comédie humaine désopilante à la loufoquerie attendrissante et la drôlerie émouvante. Mais le rire a ses limites et Erskine Caldwell en observateur averti de la condition humaine sait rappeler la part de tragédie qu’il y a souvent dans les situations qui font sourire.

Editions Gallimard, Folio, 270 pages.

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La route au tabac

On dirait le sud... Non, c'est le sud auquel Erskine Caldwell a dédié ses mots les plus durs et des pages d'une indicible tristesse: Ceux et celles des laissés pour compte d'une prospérité en trompe-l'œil et d'une crise impitoyable... Mais aussi d'un sud rural resté arriéré et prisonnier de son racisme et de ses préjugés.

Cette histoire, La route au tabac, sous sa vieille couverture colorée des premiers Livre de poche, m'a foutu le bourdon à la fin des années 70... M'a fichu le cafard mais m'a tout de même incité à continuer de lire Erskine Caldwell heureusement parfois moins sordide et pessimiste!



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Un p'tit gars de Géorgie

J'avais bien apprécié ce Caldwell (Erskine)-là. Ces histoires changeaient de la veine triste de Nous les vivants, La route au tabac ou Une lampe, le soir.

Dans Un p'tit gars de Géorgie, place à l'insouciance du Sud, avec une famille pittoresque au chef très fainéant mais non dépourvu d'idées parfois farfelues!

Ainsi, cette acquisition d'une machine à faire des ballots de vieux papiers pour le chiffonnier!... Au grand dam de Mme Strout qui ne retrouve plus ses magazines!.. Et sous les yeux écarquillés du brave domestique noir!

Caldwell savait se diversifier, en laissant la noirceur hors de certains de ses livres... Des pauses bienvenues dans la visite de l'œuvre de ce grand auteur.
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Un p'tit gars de Géorgie

De cette lecture très ancienne, il me reste des bribes.

Le grotesque comme une caractéristique de la littérature du sud des États-Unis, de ses personnages, souvent simples d’esprit. L’auteur fait preuve de beaucoup d’humour, mais le rire est jaune et les clowns/épouvantails sont de chair. Les paysans sont pauvres, et cette pauvreté est la mère de tous les vices : le père est infidèle (mais drôle), la mère colérique, l’esclave simple d’esprit, l’oncle prisonnier.

Par ailleurs le fils, bien trop perspicace, a un point de vue qui est tout sauf celui d’un enfant.

À lire bien entendu !
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Bagarre de juillet

Les romans de Caldwell ne sont pas très longs, mais c'est du costaud !

A la parution de la "Route au tabac" (1932) de cet auteur encore inconnu, le monde littéraire se divise...

"Excellent, tellement réaliste !", s'extasient les uns. "Livre immoral !", crient les autres, qui reprochent à Caldwell de "rabaisser l'être humain au niveau d'un animal primitif" et qui refusent de croire que dans un pays "civilisé" peut exister une TELLE pauvreté, arriérisme et pourriture morale.



"Bagarre de juillet" date de 1940. Le titre original est "Trouble in July" - et à mon humble avis il va nettement mieux avec l'esprit du livre. Il n'y est pas vraiment question d'une quelconque "bagarre", bien au contraire. Mais des SOUCIS, Sonny Clark il en a... et, ma foi, de sacrés soucis !



Nous sommes en Géorgie, pendant la période de la Grande Dépression. Sonny Clark, un noir un peu simple, est accusé de viol. C'est Katy Barlow qui l'accuse - une jeune fille qui s'ennuie et dont les tentatives sont, justement, repoussées par Sonny - mais elle se fait tout un cinéma hystérique dans sa tête... et la rumeur commence à courir.



Le livre pourrait presque être drôle, s'il n'était pas si terriblement noir et le thème si sérieux. La chasse à l'homme commence, mais l'histoire ne tourne pas tellement autour de ceux qui veulent faire du mal; elle parle plutôt de ceux qui ne font rien pour empêcher cette folie.

le Sheriff McCurtain n'est pas un mauvais bougre, mais les élections approchent; alors, tel Ponce Pilate, il s'en lave les mains et va à la pêche. Il ne prend ni la responsabilité d'arrêter Sonny, ni de démentir la rumeur.

La pétition fantasque "contre les nègres" de la folle Narcissa est subitement prise au sérieux.

Harvey Glenn aime bien Sonny et il n'a rien contre lui - mais il le balance quand-même..

Cette journée chaude et orageuse se finit par un lynchage.

Mais voilà Katy qui se "réveille" et dit la vérité. Et la meute assoiffée de sang se retourne contre elle.



L'histoire a, au début, quelques ressemblances avec "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" de H. Lee, mais Caldwell ne propose aucun personnage comme Atticus Finch pour sauver la mise. Avec lui, c'est une plongée dans les ténèbres.

Lit-on encore Caldwell de nos jours ?

Dans les années 30 on le mettait à côté d'Hemingway, Faulkner, Dos Passos ou Steinbeck - mais il tombe peu à peu dans l'oubli. A cause de son "régionalisme" ? Dommage... "Bagarre de juillet" est un livre toujours actuel.
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Jenny toute nue

Sallysaw, une petite ville de Géorgie, au sud des Etats-Unis…

Une petite ville avec son prédicateur, le frère Clough, ministre du culte de « la Croix déchiquetée », son juge, Milo Rainey, son magnat de l’immobilier, Dade Womack…

Mais Sallysaw, c’est aussi là où s’est retirée Jenny Royster, qui fit dans son jeune temps la joie de tous les hommes alentour, et qui désormais loue des chambres. Ses clients ? , un nain, Veasey (dit Shorty) Goodwillie, Betty Woodruff qui fait commerce de ses charmes (et ils sont grands) après une déception amoureuse, et Lawana Neleigh qui cherche du travail et qu’on accuse d’être une mulâtresse…



Jenny, c’est une forte femme. On aura bien cherché à lui nuire en essayant de lui faire mettre à la porte de sa maison, aussi bien Shorty le contrefait, que Betty pour turpitudes morales ; de plus, le frère Clough a des vues expansionnistes pour son église sur la propriété de Jenny. Mais Betty fera de la résistance. Alors quand la belle Lawana Neleigh lui demandera de l’aide, elle qui cherche un emploi de secrétaire, et un toit, elle n’hésitera pas un seul instant, et résistera encore et toujours à la populace qui exige l’hébergement de Lawana dans le quartier noir de la ville.

Un drame se prépare… Et si les différents protagonistes de cette histoire se rendaient compte, mais un peu tard, que rien ne se serait passé si l’amour avait triomphé en lieu et place des petites (voire grandes) compromissions quotidiennes ?



J’ai découvert Erskine Caldwell avec « Un petit gars de Géorgie » et « La route au tabac », il y a bien longtemps ; viendra « Le petit arpent du Bon Dieu » ; et maintenant « Jenny toute nue »… et le plaisir de lecture reste le même : une faconde, une ambiance du sud des Etats-Unis, les petites et les grandes compromissions des hommes, pour le moins bruts de décoffrage, et pour finir, un témoignage des errements de l’époque dans les villes du sud…



On espère que les temps ont changé en se remémorant le « Times they are a-changing » du grand Bob Dylan. Mais est-ce si sûr, que les temps ont changé ?

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Le quartier de Medora

Ayant lu il y a longtemps La route du tabac et Le petit arpent du bon Dieu d’Erskine Caldwell, les ayant adorés, je n’ai pas hésité lorsque j’ai trouvé ce roman dans une boîte aux livres.



« Quand Mefora Earnshaw, à l’âge de quarante-six ans, épousa Beejay Leffaway, sept semaines seulement après la mort subite de son premier mari, après vingt-quatre ans de vie commune, de nombreux habitants d’Upper Greenwood Avenue la critiquèrent durement », ceci n’est pas un spoiler mais telles sont les premières lignes de ce roman.



Erskine Caldwell nous décrit avec ironie, tendresse et beaucoup d’épisodes burlesques cette femme volontaire, assoiffée d’amour au point d’acheter par de somptueuses voitures les hommes qui lui plaisent.



Les scènes , surréalistes, parfois outrancières se succèdent avec l’apparition de personnages hauts en couleurs, Medora bien entendu, mais également son nouveau mari, sa domestique, la fille de celle-ci, ses voisines, un professeur et un escroc charismatique.



Tout ceci m’a procuré une lecture facile, mais hélas à mille lieues du plaisir que m’ont laissé La route du tabac ou Le petit arpent du bon Dieu. La satire était forte ici comme toujours, elle touchait une bourgeoisie minable ; je préfère Caldwell dans ses portraits du petit blanc pauvre de l’Amérique profonde.



Un résultat positif toutefois : je compte bien relire les œuvres lues autrefois !

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Un pauvre type

Comment ce livre est-il arrivé dans mes mains, sur les conseils de quel lecteur ou de quel libraire attentif ? Sur la suggestion de quel algorithme à la voix sirupeuse ? Je l’ignore, et d’ailleurs peu importe.



Le pauvre type en l’occurrence, c’est Blondy, un boxeur cabossé par les combats truqués, les managers véreux, les femmes vénales. Blondy c’est un gosse dans un corps de colosse, un cœur tendre sous des pectoraux gonflés à la dure. Mais c’est surtout un raté magnifique, extrêmement lucide sur sa condition, et prêt à venger la seule nana à l’avoir jamais aimée, Louise, la putain qui ne supportait pas la solitude.



L’ambiance est celle des tripots malfamés, fréquentés par la faune nocturne des ouvriers, des saisonniers et des petits truands, attirés par le whisky, les steaks sanguinolents, les petites pépées, et surtout par les notes entrainantes des premiers tubes du jazz naissant (nous sommes dans les années 1930), joués sur des pianos mécaniques qu’il faut laisser reposer au milieu de la nuit pour ne pas endommager la belle mécanique trop sollicitée. Cela m’a rappelé l’ambiance des dynamiteurs de Whitmer.



Et puis il y a Mrs Boxx, « aux courtes cuisses grasses » et aux « seins qui pendaient comme deux bouillottes en caoutchouc à moitié vides ». Auprès de cette femme qui le gave de pain et de sexe, il redevient un petit enfant, perd tout libre arbitre et toute volonté. Peut-être une métaphore de l’aliénation du confort matériel et sentimental. Ou des mères castratrices … Et il y a l’ inquiétant Mr Boxx, nécrophile castré, soumis à sa femme, lui aussi. Atmosphère poisseuse, à la Roald Dahl, Mrs Boxx me faisant penser à une certaine logeuse, connaissance de Dahl.



Caldwell, un auteur dont je poursuivrais la découverte.

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La route au tabac

Un livre lu il y a déjà longtemps, que j'ai apprécié même si je l'ai trouvé sordide. L'auteur nous dépeint la misère qui frappe des fermiers du sud des Etats-Unis (Géorgie) pendant la grande dépression de 1929. Les gens ne sont pas seulement victimes de la faim, ils connaissent aussi une grande misère morale. Les situations décrites dans ce roman sont très souvent glauques. C'est un bon livre, cependant il est très déprimant puisqu'il nous invite à visiter les bas fonds de l'Amérique profonde.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Le doigt de Dieu

Le doigt de Dieu a distribué une bien mauvaise main à Molly Bowser, cette représentante du "sexe faible" (sic[k]) pour qui y'a pas à dire "c'est la dégoûtation" (sic sic) cette mauvaise étoile sous laquelle elle est née et qu'elle n'arrive toujours pas à semer à l'aube de la quarantaine.

Alors bon c'est de la dégoûtation, d'accord, mais finalement elle en prend son parti, poissarde un jour poissarde toujours, allez d'acc va pour une vie d'abonnée au guignon jusqu'au bout.

Non, ce qu'elle n'accepte pas Molly, c'est que Lily, sa fille de dix-sept ans dont personne ne saura jamais vraiment qui est le père, suive sa voie. La mouscaille, les bons partis qui après avoir fricoté assez longtemps finissent par se calter avec une autre et pour ceux, rares, qui acceptent de rester et de se marier, eh bien ceux-là finissent immanquablement par calancher avec plus de dettes que de patrimoine.

Tout ça, Molly elle connait par coeur, pas question donc que Lily y goûte à son tour et le seul moyen de lui éviter cette vie misérable serait de la marier au plus vite avant que, comme un beau fruit sur l'étal, elle ait été trop tripotée pour intéresser qui que ce soit. Mais l'entreprise est tout sauf simple, la réputation de mauvaise vie de Molly précédant de peu celle de sa fille, trouver un mari capable de l'entretenir et qui ne soit "point trop faiblard du fond de culotte", c'est comme les braves gens chez Flannery O'Connor, ça ne court pas les rues...



Le doigt de dieu est un roman souvent considéré comme mineur dans l'oeuvre d'Erskine Caldwell. Malgré tout, pour les aficionados, les éléments incontournables sont là : dèche dans le Sud profond, religion, goût prononcé pour l'absurde et l'amoralisme, rednecks roublards et alcooliques, désoeuvrement et ribambelle de divers personnages qui n'étaient pas derrière la porte le jour de la distribution, le tout contribuant à la farce tragique si typique de l'univers Caldwellien (!)

Alors ok, peut-être pas son meilleur, mais certainement pas une oeuvre de troisième ordre, loin de là. Non, disons plutôt un petit livre qui vaut le jus et que ne renieront sûrement pas les adeptes de ce génial écrivain du Sud.

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Le petit Arpent du bon Dieu

Comme le disait si bien Blondin à Tuco dans "Le bon, la brute et le truand" : Toi, tu creuses.



Et ici, pour creuser, ça creuse ! Mais personne ne s’est creusé la cervelle trente secondes pour réfléchir à l’inutilité de faire des trous dans la terre…



Dans la fable de Lafontaine, intitulée "Le laboureur et ses fils", l’homme mourant disait à ses fils qu’un trésor était caché dans la terre et qu’il fallait la retourner.



Ceci pour leur expliquer que le travail était un trésor. Ses fistons le comprenaient à la fin de la fable.



Apparemment, Ty Ty Walden a pris la fable au pied de la lettre, les derniers mots de son grand-père aussi et depuis, il creuse, à l’aide de ses deux fils, pour trouver de l’or, sois-disant enterré là par papy.



Des années qu’ils creusent (presque 20 ans) et ne trouvent rien, mais chaque jour, Ty Ty le sens bien et n’a jamais été aussi proche de mettre la main sur le filon d’or. Un peu comme un jouer au casino qui sent bien que cette fois-ci, c’est le jackpot (qui ne vient jamais).



L’absurdité poussé à son paroxysme : le père et les deux fils creusent depuis des années, les fils creusent là où le père dit de le faire, leurs cultures sont à l’abandon et s’ils n’avaient pas leurs deux ouvriers Noirs, plus rien ne serait planté dans ces terres remplies de trous.



Le petit arpent du bon Dieu, lui, désigne en fait un lopin de terre dont la récolte est supposée revenir à l'Église, signalé par une croix blanche. Petit arpent qui, au fil des années, a changé maintes et maintes fois de place, puisqu’ils creusent partout et que personne ne voudrait que l’or trouvé revienne à l’Église.



Portraits d’une famille pauvre du Sud des États-Unis, ce roman noir met en scène des cas sociaux, des cas pour la science, des cas irrécupérables dont un père plus borné qu’un troupeau d’ânes qui se fatigue pour rien alors qu’il pourrait dépenser cette énergie à planter quelque chose dans cette putain de terre et faire vivre sa famille.



N’allez pas croire que ce roman noir ne fasse que dans la farce et dans le burlesque, parce qu’il n’en est rien. À un moment donné, le livre bascule dans le concupiscent, dans l’horrible et on comprend que certains aient voulu le faire interdire à l’époque !



Véritable satire sociale, véritable critique sociale car l’auteur va tacler les courtiers qui jouent avec la vie des fermiers en jouant à la bourse le prix du coton, les gros industriels propriétaires des filatures qui paient mal leurs ouvriers et sont prêt à tout pour les empêcher de remettre le courant dans l’usine et faire refonctionner les métiers à tisser.



Ce roman sombre est une véritable descente aux enfers pour les différents personnages qui finiront tous brisés, à divers degrés.



C’est le portrait d’une Amérique Sudiste qui est ouvrière, qui dépend du coton, des filatures, des terres cultivées et qui, une fois qu’elle a perdu son emploi, ne sait plus quoi faire d’autre car elle ne savait faire que ça.



La folie de l’or est une vraie folie et on verra jusque Ty Ty sera prêt à aller pour trouver son filon qui est comme la licorne : il n’existe pas. Il a transformé sa terre en champ de bataille, remplie de trous, comme des tranchées et lorsque la guerre éclatera dans sa famille, tels un bon général, il ne sera bon à rien pour empêcher le sang de couleur sur sa terre.



C’est un récit magnifique, mais horrible, un portrait au vitriol de cette Amérique rurale et pas toujours très instruite, ces paysans incultes, ces rednecks purs jus, de ces fainéants magnifiques (Pluto Swint), de ces travailleurs acharnés qui dépensent leur énergie bêtement (Ty Ty et ses fils, Buck et Shaw), de ces chômeurs qui ne pensent qu’à relancer l’entreprise au lieu d’aller voir ailleurs (Will Thompson), de gens superstitieux au possible et des femmes fatales (Griselda et Darling Jill).



Assurément, la famille Walden, c’est pas la Petite Maison dans la Prairie… Ou alors, sa version white trash.



Erskine Caldwell mériterait d’être mis lui aussi sur le devant de la scène, au même niveau qu’un Faulkner ou qu’un Jim Thompson car il en est digne et ses portraits de l’Amérique rurale et pauvre est aussi cynique que les deux autres, la loufoquerie en plus.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La route au tabac

Dans la masse des sorties de 1937, j’avais ce petit roman de ce grand auteur qu’est Erskine Caldwell !



Petit à petit je comble mon retard dans les rentrées littéraires et donc, aujourd’hui, on met un oldies sous la lumière des projecteurs.



80 ans de retard dans la lecture, une paille ! Je ne fais pas mon âge non plus…



Direction la Georgie très profonde (et pas la Gorge) pendant cette période noire que fut Grande Dépression de 1929.



La famille Lester possède une maison délabrée sur la route au tabac et cette famille est ravagée par la faim et la misère… Le père Lester, son épouse Ada, leurs deux enfants et la grand-mère ne mangent pas à leur faim tous les jours. C’est même rare qu’ils mangent de tout leur soûl.



Non, ne plaignez pas le père, Jeeter Lester, il est seul responsable de la misère crasse dans laquelle il vit, lui et sa famille, car c’est un grand fainéant devant l’Éternel dont il pense que ce dernier va pourvoir à sa survie et faire pleuvoir de la nourriture sur sa pauvre carcasse.



C’est beau de croire… Bien que chez lui, ce soit plutôt une des excuses dont il se sert à tout bout de champ.



Il rejette la faute sur les autres : ce n’est pas de sa faute s’il ne sait pas cultiver son champs car personne ne veut lui vendre des semences et du guano à crédit, lui prêter une mule et il ne peut pas aller bosser à l’usine puisque Dieu l’a fait naître sur cette terre et donc, il doit y rester et y faire pousser du coton… mais puisque personne ne lui fait crédit… Le chien se mord la queue.



Jeeter Lester, c’est le type même de personne à qui l’on a envie de botter les fesses tant il n’arrête pas de se plaindre, de gémir, d’envier les autres et surtout, de reporter à demain ce qu’il pourrait faire aujourd’hui. Le roi de la procrastination, c’est lui ! Le plus gros poil dans la main, c’est lui qui le possède.



Sur ses douze enfants vivants, dix sont déjà parti sans demander leur reste pour bosser en ville ou dans des usines. Les deux qui restent sont Dude, un garçon de 16 ans un peu simplet et Ellie May, pauvre fille pourvue d’un bec de lièvre et qui a le feu au cul.



Ajoutez à cela que Jeeter est un pitoyable voleur, un faux croyant doublé d’un roublard avec un petit air lubrique, un prometteur des beaux jours qui ne tient jamais ses promesses… Bref, vous avez face à vous le portrait d’un type détestable et minable. Et pourtant, on a du mal à le détester…



On se demande même ce qu’il va nous inventer comme excuses pour ne pas accomplir le travail et le reporter aux calendes grecques !



Mais qu’on ne s’y trompe pas, sous ses dehors de gros looser, de doux rêveur, de "procrastineur" et d’adepte des excuses faites pour s’en servir, Jeeter ne dit pas que des conneries quand il gémit sur le monde ou sur la vie.



Son discours, sur les banquiers qui prêtent des sous à de pauvres fermiers qui veulent de l’argent pour cultiver leurs terres, a tout de la critique et de la satire sociale : ces avides banquiers réclament leurs intérêts, le montant de la dette, et encore des intérêts et il ne reste qu’au pauvre fermier, après la vente de sa récolte, que quelques dollars en poche, ou pire, il se retrouve avec encore des dettes.



Un roman court dont la plume d’Erskine Caldwell m’a enchanté ! On dit toujours du bien de Faulkner pour parler du Sud Profond, mais c’est injuste de laisser Caldwell méconnu car il a tout d’un Grand et le portrait qu’il nous brosse du Sud durant la Grande Dépression vaut bien Faulkner et Steinbeck !



C’est cru, c’est trash, c’est la misère sociale, la misère morale, la misère crasse et la crasse absolue car cette famille se lave une fois l’an et a des habits qui partent en couilles.



Pourtant, j’ai passé un excellent moment de lecture avec cette famille improbable, mais comme il doit encore en exister, celles qui dans "Aide-toi et le Ciel t’aidera" ne retiennent que "Le Ciel t’aidera".



Un grand roman noir…


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Le bâtard

Gene Morgan a grandi sans véritable famille - sa mère, une prostituée qui voulait s'en débarrasser à sa naissance et son père inconnu, un client de passage - est un jeune homme paumé. Sachant à peine lire, amoral, il s'est battu avec le souteneur de sa mère, l'éliminant sans état d'âme, froidement. Il traîne de ville en ville effectuant des petits boulots, s'acoquinant avec d'autres gars de la même espèce. De retour à Lewisville, il travaille d'abord dans une huilerie puis une scierie où il fait la connaissance de John, du même âge avec lequel il partage le même désœuvrement et les mêmes perversions. Quand il rencontre Myra, la fille d'un riche homme d'affaires, il décide de changer et de partir avec elle à Philadelphie pour construire enfin une nouvelle vie, mais les évènements vont contrecarrer son destin et lui refuser toute rédemption.

Le bâtard est un roman bien sombre qui relate les errements de ce jeune homme sans structure, sans conscience du mal, primitif, qui agit et réagit animalement se contentant de manger boire dormir et forniquer, sans passé et sans avenir et quand, saisissant enfin sa chance lors d'évènements plus favorables s'offrent à lui, joue toujours de malchance...C'est un portait dur que propose Erskine Caldwell , dans un style très distancié, presque chirurgical qui renforce l'absence de sentiments ou d'empathie de tous les protagonistes et qui n'offre au final aucune rédemption possible à ce héros malheureux, un héros qui aurait pu être un des personnages étudiés par Truman Capote dans "de sang froid".

Un roman sombre écrit en 1929 qui a fait scandale tant il dépeint une Amérique sordide et sans fard.
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Le petit Arpent du bon Dieu

Toujours à la pointe de l’actualité littéraire, je découvre tranquillement Erskine Caldwell avec ce roman de 1933 (mais traduit en français en 1936 seulement, tu parles d’une excuse).

Nous sommes donc au début des années 1930 dans un patelin du fin fond de la Georgie. Là, tenaillé par la fièvre de l’or, Ty Ty Walden, avec l’aide de ses fils Buck et Shaw et de ses nègres, creuse méthodiquement sa propriété à la recherche d’un improbable filon. Mais dans ce Vieux Sud bigot, on garde un arpent pour le Bon Dieu : tout ce qui y est produit ou récolté va à l’Église. Et Ty Ty, au fur et à mesure qu’il troue sa terre, déplace régulièrement ce petit arpent sur lequel, de fait, il ne produit plus rien. Et puis s’il y a les fils de Ty Ty, il y a aussi les filles, Rosamond et Darling Jill et, plus séduisante encore, Griselda la belle-fille. Et Will, le gendre ouvrier d’une filature prête à fermer si les ouvriers n’acceptent pas la baisse de leur salaire, meneur d’hommes et séducteur. Autant dire qu’il n’y a pas que la fièvre de l’or qui touche la famille Walden.

Le petit arpent du Bon Dieu commence comme une farce. Alors que Ty Ty et ses fils creusent au milieu de cette propriété transformée en immense champ de trous et de bosses, débarque Pluto Swint, personnage falot épris de la fantasque Darling Jill et candidat au poste de shérif du comté. Pluto, soucieux de séduire celui qui pourrait devenir son beau-père si ses rêves se réalisaient, vante les mérites des noirs albinos et plus particulièrement leurs capacités magiques à trouver les filons d’or. Ça tombe bien, Pluto en a justement vu un dans les marais. Et Ty Ty de décider de partir en quête de ce drôle de nègre pour le capturer et le mettre au travail sur sa propriété.

Mais la comédie verse peu à peu dans le roman noir à mesure que se révèlent les tensions entre les personnages, les dissensions et les points de rupture. Minée par une concupiscence qui s’affirme autant dans la recherche obsessionnelle de l’or que dans le désir sexuel et les relations consommées ou pas entre les différents personnages, la famille Walden s’achemine lentement mais sûrement vers le drame. Un drame à plusieurs facettes par ailleurs puisque la crise vient aussi s’immiscer dans le récit au travers de la fermeture annoncée de la filature contre laquelle combat Will.

Ce qui séduit chez Caldwell, c’est cette capacité à passer de loufoquerie au noir le plus profond – sans doute parce que la vie est un peu comme ça – et à décrire ces paysans incultes, ces rednecks superstitieux en se gardant bien de les juger. Les Ty Ty, Griselda, Pluto, Will ou Darling Jill sont comme ça, un point c’est tout et ce qu’ils sont dicte leurs comportements qui, pour ne pas être forcément en accord avec ce que la société juge admissible ne sont ni pire ni meilleurs que ce que ladite société a à proposer en retour à ces ploucs que vient heurter la Grande Dépression.

Dans le genre strict du roman noir ont porte légitimement aux nues un Jim Thompson ou, un peu plus récent, un Harry Crews qui eux aussi décrivent ces moins-que-rien du trou du cul de l’Amérique, leurs pulsions, leur rapport au sacré. Nul doute qu’ils doivent beaucoup à Caldwell qui, alors que l’on encense Faulkner, un de ses contemporains, mérite d’être redécouvert.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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La route au tabac

+++Lu en VO +++



Il est difficile de parler d'une oeuvre littéraire qui se trouve au croisement de plusieurs genres, ce roman d'Erskine Caldwell est une sorte d'OVNI littéraire qu'on ne sait par quel bout décrire. Car c'est tantôt un roman bien sombre qui décrit une misère noire, avec des personnages qui ont depuis longtemps perdu toute dignité, toute décence, toute volonté et peut-être bien tout espoir. Mais Caldwell les place parfois dans des situations burlesques qui donnent alors un ton tragi-comique au récit.



L'auteur parle d'une époque et d'un lieu qu'il a bien connu puisqu'il situe son roman dans une ferme un peu décrépite du sud des Etats Unis au début des années trente, au moment de la grande dépression qui ruina tant de fermiers. Il semble même que c'est là qu'il a écrit trois de ses romans dont celui-ci.



La famille Lester de petits métayers, fut jadis nombreuse. Elle se réduit maintenant à cinq de ses membres les autres ayant fui vers les usines de la ville. Jeeter le père est toujours entre la nostalgie de la terre qu'il ne travaille plus et ses velléités freinées à la fois par le manque de ressources et une paresse qui touche au fatalisme. Pour subvenir aux besoins de sa famille il ne recule devant aucun stratagème, la faim ayant depuis longtemps effacé chez lui scrupules et dignité. Il a d'ailleurs vendu pour quelques dollars sa plus jeune fille Pearl, 12 ans, à son voisin Lov. Ce dernier se plaint d'ailleurs amèrement qu'elle ne veuille pas coucher dans son lit et voudrait ben que Jeeter la raisonne. Il y a aussi Ada, la mère, usée par les 17 enfants qu'elle a mis au monde et dont on fait bien peu de cas. La grand-mère est là qui guette, à l'affût des moindre faits et gestes de la famille Elle ne représente plus qu'une bouche inutile à nourrir, on ne la nourrit plus d'ailleurs. La sensuelle Ellie May est la seule fille qui soit restée à la ferme, on ne peut la marier car elle a un bec-de-lièvre et personne ne l'embaucherait à l'usine. Ses sens exacerbés et la faim la pousse à se donner au voisin Lov, qui pendant ce temps se fait dérober un sac de navets par Jeeter dans la scène tragi-comique incroyable qui ouvre le roman. Il y a aussi Dude, le fils de seize ans, un bon à rien qui ne vaut guère mieux que son père et qu'on mariera lui aussi à profit.



Ce serait trop dévoiler du roman que de continuer, mais on comprend que Caldwell parle de la misère, du dénuement le plus total de ces êtres paumés qui ne voient pas plus loin que la possibilité d'un prochain repas dans ce coin du sud où les ventres crient leur faim et leur concupiscence. Tous profitent sans scrupules de la moindre opportunité, ayant perdu tout sens moral, dans des scènes burlesques où on ne sait si le comique l'emporte sur le tragique et vice-versa. C'est un livre noir troublant où les effets comiques renforcent la sensation d'une misère mentale et matérielle jusqu'à la nausée. Je l'ai lu lentement, car chaque plongée dans le roman me mettait mal à l'aise. C'est néanmoins du grand art littéraire et je ne regrette pas ma lecture.

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La route au tabac

A lire La route au tabac, j’ai été partagée entre l’envie de rire et un certain malaise.



Au début du siècle dernier dans le Sud des Etats-Unis, c’est le début de la crise, le coton ne se vend plus bien. Jeeter Lester ne rêve que de planter une nouvelle récolte, mais il n’a plus ni mule, ni argent pour acheter les graines ou le guano. Il faut dire qu’il n'est pas très énergique, entre autres défauts. Ses nombreux enfants sont partis travailler à la ville dans les filatures sauf une jeune fille qui a un bec de lièvre que Jeeter se promet depuis des années de faire opérer, un fils un peu limité, et une fillette de 12 ans qu’il a donnée en mariage à un voisin qui se désole qu’elle ne se laisse pas approcher. Complètent la famille la mère silencieuse, et une grand-mère dont personne ne se soucie et qui mange encore moins que les autres.

Autour d’eux d’autres personnages aussi minables et roublards.



C’est mon troisième Erskine Caldwell J’en lirai d’autres.





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