Conférence Comment se conduire dans les lieux publics de Erving Goffman par Daniel Cefai
En France ce que Wolfgang Lepenies appelle la troisième culture ces sciences sociales coincées entre le littéraire et le scientifique est paradoxalement assez peu reconnue la culture générale semble en effet trop souvent pouvoir s'en dispenser C'est un paradoxe dans la mesure où la France est avec Comte Tocqueville et Durkheim notamment l'un des berceaux de ce pan considérable de la pensée Sise entre les rues Emile Durkheim et Raymond Aron la Bibliothèque Nationale de France a décidé de lancer un cycle dédié aux grands livres qui dessinent une bibliothèque idéale des sciences sociales Il s'agit d'inviter à lire et relire quelques-uns de ces grands ouvrages en compagnie d'un chercheur contemporain manière de replacer ces livres dans l'histoire des idées mais aussi et surtout de souligner leur pertinence contemporaine les usages qui peuvent en être faits Cycle proposé par Sylvain Bourmeau Par Daniel Cefai sociologue directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
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L'un des moyens traditionnels d'encourager les femmes à se tenir en retrait et à ne pas accorder leurs faveurs sexuelles trop facilement, ce qui, si tel devenait le cas général, pourrait déprécier la monnaie, a été de définir la sexualité comme quelque chose de sale et de mauvais, comme corruptrice, comme ce que seuls les homme désirent, quelque chose, donc, qui accable les honnêtes femmes et suscite les femmes de mauvaise vie.
Ce n'est probablement pas par un pur hasard historique que le mot personne, dans son sens premier, signifie un masque. C'est plutôt la reconnaissance du fait que tout le monde, toujours et partout, joue un rôle, plus ou moins consciemment. (...) C'est dans ces rôles que nous nous connaissons les uns les autres, et que nous connaissons nous-mêmes.
Le genre est l'opium du peuple, et non la religion.
J'ai suggéré plus haut qu'il peut exister un écart entre les identités virtuelle et réelle d'un individu. Cet écart, s'il est connu ou visible, compromet l'identité sociale : il a pour effet de couper l'individu de la société et de lui-même, en sorte qu'il reste là, personne discréditée face à un monde qui la rejette.
Il va de soi que, par définition, nous pensons qu'une personne ayant un stigmate n'est pas tout à fait humaine. Partant de ce postulat, nous pratiquons toutes sortes de discriminations, par lesquelles nous réduisons efficacement, même si c'est souvent inconsciemment, les chances de cette personne. Afin d'expliquer son infériorité et de justifier qu'elle représente un danger, nous bâtissons une théorie, une idéologie du stigmate, qui sert aussi parfois à rationaliser une animosité fondée sur d'autres différences, de classe, par exemple.
Parmi les adultes dans notre société, presque toutes les sortes de transactions, y compris la plus brève des conversations, s’ouvrent et se terminent par du rituel, réparateur ou confirmatif. (…) L’activité rituelle décrite permet aux participants de poursuivre leur chemin, sinon avec la satisfaction de voir l’incident clos, du moins avec le droit d’agir comme s’il était clos et l’équilibre rituel restauré
La nature la plus profonde de l’individu est à fleur de peau : la peau des autres.
L'information la plus pertinente pour l'étude du stigmate possède certaines propriétés. C'est une information à propos d'un individu. Elle touche à ce qui la caractérise de façon plus ou moins durable, par opposition aux humeurs, aux sentiments ou aux intentions qu'il peut avoir à un moment donné. De même que le signe par lequel elle se transmet, elle est réflexive et incarnée, c'est-à-dire émise par la personne même qu'elle concerne et diffusée au moyen d'une expression corporelle que perçoivent directement les personnes présentes. L'information qui possède toutes ces propriétés, je la nomme "sociale". Parmi les signes qui la transmettent, certains sont fréquents et stables, toujours recherchés et habituellement reçus ; ont peut les appeler des "symboles".
...nous ne gouvernons notre vie, nous ne prenons nos décisions, nous n'atteignons nos buts dans la vie quotidienne ni au moyen de calculs statistiques, ni par des méthodes scientifiques. Nous vivons sur des hypothèses. Je suis, par exemple, votre invité, vous ne savez pas, vous ne pouvez pas poser de façon scientifique que je n'ai pas l'intention de voler votre argent ou vos petites cuillers. Mais par hypothèse, je n'en ai pas l'intention et vous me traitez en invité.
Dans toutes les sociétés, le classement initial selon le sexe est au commencement d'un processus durable de triage, par lequel les membres des deux classes sont soumis à une socialisation différentielle. Dès le début, les personnes classées dans le groupe mâle et celles qui le sont dans l'autre groupe se voient attribuer un traitement différent, acquièrent une expérience différente, vont bénéficier ou souffrir d'attentes différentes.