Rencontre avec Christian Estèbe, La vie fugitive mais réelle de Pierre Lombard, VRP (Finitude)
Rencontre présentée par : Elodie Adde et Sarah David, étudiantes en apprentissage dans le cadre de la licence professionnelle librairie de l'IUT Bordeaux Montaigne.
Pierre Lombard a tout perdu : un poste prestigieux dans un grand groupe d'édition, sa femme, ses ambitions d'écrivain. Amer et désabusé, il accepte un poste de représentant en librairie pour de petits éditeurs.
Tournée après tournée, dans la solitude de sa voiture, il se nettoie des faux-semblants de sa vie antérieure et se reconstruit par la lecture.
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Inédite édition de l'Escale du livre, du 24 au 28 mars 2021 et durant tout le printemps
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Et puis l'enfant a grandi, et puis l'enfant n'a pas tout oublié, cela restait dans sa mémoire. Il s'est mis à lire des livres, beaucoup de livres, certainement beaucoup trop pour son âge, comme s'il ne voulait pas oublier, qu'il voulait savoir, comprendre. (p.189)
Orme n'a plus mal. Il mange lentement en regardant par la fenêtre. Il observe aussi les moines et se demande comment les gens, ailleurs dans le monde, peuvent engloutir tant de nourriture avec tant de bavardages (et lui-même, lorsqu'il était bien portant) (p.48)
Stève avait écrit un océan de mots pour tenter de se sauver du naufrage qu’était sa vie . (p.159)
Il arrange les nouveautés, trie les invendus pour les retourner aux éditeurs. Des centaines de livres que personne ne lira, que personne n'ouvrira, destinés à se perdre dans des entrepôts, puis à glisser lentement vers le pilon (100 millions d'ouvrages pilonnés par an) à moins qu'un bouquiniste ne leur offre une nouvelle vie (vive les bouquinistes!). Stève jongle, habile, entre la nouveauté et le fonds. Libraire ? Pourquoi pas ? Vendeur de livres en tout cas, commerçant. Un petit épicier de luxe, pour les affamés, pour les curieux, pour les chercheurs de trésors, les aventuriers en pantoufles, comme disait Mac Orlan. (p.40-41)
Parfois, Stève s'en va faire la tournée des poubelles pour ramasser des livres abandonnés. Il les recueille et leur parle doucement, comme ces vieilles femmes qui soignent les chats, les chiens errants et donnent à manger aux mouettes près du vieux port.
On pourrait croire que ces livres ne pouvaient plus parler, n'avaient plus rien à dire à personne, qu'ils étaient devenus muets et se tenaient sales et dépenaillés du côté de la langue arrachée. Mais il n'en est rien. Il les nettoie et les emporte chez lui, les range avec tous les autres, qui montent pour lui une garde silencieuse. Chers vieux livres amis. (p.98-99)
Ce qui est positif lorsqu'on est au fond d'une profonde dépression, c'est que peu à peu, toute peur, toute crainte s'évanouit. C'est un étrange lâcher-prise, qui confine plutôt à une sidérale indifférence à son soi social. Plus peur des coups, de la violence, du mépris, du regard des autres, de leur pitié, de leur curiosité ou de leur indifférence. (p. 97)
[Avec Yvan Audouard ]
Nous parlons aussi de Pagnol, de Félix Castan, de Giono et de son livre- L'Homme qui plantait des arbres-. Le succès venu, les touristes arrivèrent par cars entiers pour rencontrer cet homme qui plantait des arbres, alors Giono disait :
"Non seulement mon personnage leur plaît, mais en plus ils voudraient qu'il existe !" (p. 102)
Passer de l'écrit vain, à l'écrit vrai, lever le voile des mots d'usage, des mots d'usure. Comment gratter les mots. Ecrire pour retrouver en soi ce qui parle à soi, donc à tous. Etroite est la passerelle, et il faut être un peu funambule pour tirer l'or de cette vieille matière corrompue que sont les mots. (p. 147)
Je suis resté là un long moment, les mains dans les poches. J'avais terminé ma longue journée de vendeur de livres, je n'étais ni triste ni fatigué. (...) le moteur de la camionnette tournait bien, les caisses de bouquins étaient en place et je m'étais acheté un havane.
J'étais vivant, je n'avais pas fait la révolution, mais j'aimais la littérature et les écrivains. Il faisait un temps merveilleux, bleu et or, comme dans un livre d'images : profusion consolante des choses ! (p. 106)
_ Longtemps je me suis préoccupé du mal. J'ai voulu savoir à quoi ça ressemblait. Ca ne ressemble à rien, c'est commun, ordinaire, c'est presque comme tout le monde. C'est parfois un ami, parfois un ennemi, il n'a que le visage qu'on lui prête, mais il n'a pas de pitié. C'est sa différence avec le bien : le mal ne connaît pas la pitié. (p.84)