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Critiques de Estelle Faye (1488)
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Les Seigneurs de Bohen

Qui a dit que les empires sont éternels ?

Il suffit parfois d'un rien ! il suffit de l'amour improbable entre Saint-Étoile, bretteur itinérant, gredin vaguement schizophrène et de Sorenz, chien de guerre de haute volée, à la grâce toute féminine ; de Cigale, si fragile, si solaire, devenue La Voix des miséreux, des miteux, des va-nu-pieds, qui croupissent à l'ombre des hautes tours ; de la magicienne Maëve prête à donner son âme pour sauver sa cité des Vaisseaux Noirs ; de la rencontre entre le lumineux Wens, clerc déchu pour les beaux yeux d'une princesse, et du sombre Janosh, exilé à jamais pour avoir retrouvé les rites oubliés des anciens mages…

Il suffit parfois de pas grand-chose ! Il suffit de ce Livre Interdit dont les mots traversent les contrées à la vitesse d'un cheval au galop ; de ce vent mauvais qui chuchote à l'oreille des Hommes que l'Empire est bâti sur des couches et des couches de mensonges…

L'Empereur, de ses yeux de lynx, regarde ces misérables destinées s'agiter autour de lui. D'une chiquenaude, il pourrait si facilement les balayer…

Mais il suffit que par un heureux hasard du destin, tous, sublimes ou chancelants, blessés ou saufs, hagards ou fringants, vaincus ou triomphants, se retrouvent au même moment au même endroit pour soudainement prendre conscience que l'Empire n'est qu'une armure vide, une carcasse creuse.

Qui a dit que les empires sont éternels ?

Il y a du souffle épique dans ce livre. Les aventures de nos héros nous entrainent très loin. Il y a des drâmes, des rires et de l'amour. Beaucoup d'amour. J'ai adoré.

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Widjigo

L'atmosphère dégagée par ce roman est terriblement oppressante.

L'auteure maîtrise cela a la perfection a la fois lors d'un huis clos , mais également lorsque les personnages se retrouvent dans une contrée inconnue et mystérieuse.



Les personnages sont également très bien campés, ce qui permet à l'auteure d'assoir l'atmosphère oppressante et le suspens.



Si j'aime en général cette tension, j'ai trouvé un manque de rythme. Je sais pourtant que cette lenteur est voulue, justement pour bien poser cette sensation d'oppression.

Mais du coup, j'ai plus de mal de rester dans le récit sans ressentir un peu d'ennuis.



Donc malgré un scénario en béton et une atmosphère dégagée parfaitement maîtrisée, ma lecture a été en demi teinte.
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La Voie des Oracles, Tome 1 : Thya

Merci à Babelio, à l’opération Masse Critique et aux éditions Scrineo qui m’ont permis de chroniquer livre à moindre coût ! blink





Les livres d’Estelle Faye se suivent, mais ne se ressemblent pas : après la Dark Fantasy façon Renaissance, la magie de la Chine éternelle, le post-apocalyptique écologique, l’auteure française s’attaque au peplum fantastique… Enjoy !

Et nous suivons ici la quête de l’adolescente Thya, héritière des savoirs païens dans un Empire romain chrétien. Ses dons d’augure lui disent de rejoindre la forteresse de Brog dans les Vosges, lieu où son père Gnaeus Sertor s’est illustré contre les Vandales.

Plusieurs compagnons lui viennent en aide : le maquilleur métisse Enoch (version Young Adult du Chet de "L’Eclat de givre", qui rend hommage à la passion de l’auteur pour le monde du spectacle), le vétéran Mettius, ancien soldat de son père général, le jeune rebelle d’origine parthe Arsas, partisan du Diseur des Monts…

Plusieurs créatures anciennes lui prête main forte : faunes, harpies, ondines, homoncules sylvestres… Plusieurs divinités anciennes souhaitent sa réussite : Sylvanus, Nodens, Culsans…



C’est un roman historique :

C’est dingue, pendant longtemps, j’ai presque ressenti l’impression d’être dans la suite de "L’Aigle de Rome" / "L’Aigle dans la neige" de Wallace Breem, avec ce Gnaeus Sertor qui en remportant la victoire sur les Vandales au Mont Borg, aurait pu être ce préfet des Gaules qui n’est jamais arrivé à temps pour sauver Maximus et ses compagnons de ces mêmes envahisseurs vandales…

Nous somme donc dans l’Empire Romain du Ve siècle, une génération après la chute du limes du Rhin en 406/407 après J.-C. On retrouve cet aura de désenchantement, cette ambiance mélancolique, résignée voire désespérée où chacun est intimement persuadé que demain sera pire qu’aujourd’hui : on sent arriver la fin d’une époque, d’une civilisation. Ambiance « fin d’un monde » assez sombre donc, mais pas aussi dark que celle de "La Cité" de Stella Gemmell, qui empruntait beaucoup aux pepla et aux catastrophes de la fin de l’empire…

On retrouve donc tout naturellement les piques multiples contres ces élites hipsters qui se croient au-dessus du commun des mortel, qui se moquent des hommes e les femmes d’honneurs et de leur valeurs, qu’elles jugent désuètes et démodées, et qui comme elles n’ont absolument rien compris au sens de la vie, trompent leur ennui en games of thrones vains et stériles (qui ne servent qu’à assouvir les ambitions de leur ego démesurés), quand elles ne se perdent pas en inventant de nouvelles manières de tourmenter les esclaves de leurs caprices d’enfants pourris gâtés immatures au possible…

Les personnages côtoient et subissent toute une faune anthropophage d’homines crevarices composée, entre autres choses, d’aristocrates sociopathes prêtes à tout et au reste et d de prêtres intolérants qui prêche la parole de Dieu mais qui semble m’avoir jamais compris un traître mot de la parole de Jésus Christ portée par les Évangiles.

D’ailleurs en passant, un petit coup de gueule contre les auteurs modernes qui sont encore complètement dupes des Images d’Epinal des gentils chrétiens tolérants et libéraux martyrisés par les méchants païens intolérants et totalitaires. Le Bas Empire Romain fut marqué par une multitude de violents pogroms antipaïens, assortis de l’appareil la législation répressive qui va bien avec… Et ce n’est pas la Bibliothèque d’Alexandrie, le Sanctuaire d’Olympie, ou les philosophes athéniens réfugiés à la cour des shahanshah iranien qui vont me contredire)



C’est un roman fantastique voire fantasy :

Faunes, harpies, ondines, cthoniens, Culsans, Janus étrusque, Nodens, syncrétisme celte de Neptune et Pluton, mystérieux et inquiétant sorcier égyptien, prêtres intolérants qui peuvent aller jusqu’à organiser un nouveau procès de Salem, livres interdits semblant doué de vie, portail entre les dimensions, barrières entre les mondes qui s’affaiblissent…

Au départ je me suis persuadé qu’Estelle Faye faisait des clins d’œil au maître de Providence en faisant du fantastique lovecraftien Young Adult (y compris dans une très jolie prose sensorielle qui nous gratifie de belles des très immersives). Je m’attendais presque à voir débouler à un moment les adorateurs de Shug Niggurath, Nyalarthotep et autres Azathoth… ^^

La question se posait en effet, puisque qu’H.-P. Lovecraft en son temps n’avait pas hésité en moult occasion à faire des cultes païens antiques les paravents du culte de ses Grands Anciens.

Mais comme je commence à bien connaître la très sympathique auteure française que je suis depuis ses débuts, je me dis qu’on peut aussi y voir un univers à la Hayao Miyazaki : l’affrontement entre l’ancien et le nouveau, entre le monde de la nature et le monde des hommes, des divinités finalement assez proche du shintoïsme (ni bonnes ni mauvaises, mais gardiennes et garantes d’un équilibre associé au Bien Suprême, les êtres humains étant récompensés ou châtiés en fonction de leurs efforts pour le sauvegarder).

Je note également que la scène de l’invasion de la ferme abandonnée par les chtoniens ressemblent étrangement à l’invasion de la ferme abandonnée par les sombres sentes dans "Cœur de Phénix" de Mathieu Gaborit… Estelle se rappelle donc au bon souvenir de son mentor fantasy ! ^^



C’est un roman Young Adult :

On suit les aventures de héros adolescents (Thya la patricienne romaine et Enoch le barbare métisse) qui affronte des méchants, adolescent eux aussi (le fourbe Aedon le Namitius l’indolent). Les adultes surtout là pour jouer le rôle de protecteur (Metttius) ou de mentor (le Diseur des Monts). Encore que, il y avait quelque chose de très intéressant dans le lourd secret de Mettius et son sentiment de culpabilité :



C’est un très bon roman pour adolescents, mais comme je ne vais pas partie du public visé, je n’ai pas vu vibrer autant que je l’avais espéré : vous pouvez sans doute rajouter 1 voire 2 étoiles si vous avez des atomes crochus avec la littérature Young Adult. Pour autant, je me suis quand même vraiment pris au jeu, surtout quand les héros passait par chez moi ! (avec la vallée de la Garonne, le Plateau de Langres et les monts vosgiens, ce roman prend parfois des allures de littérature régionale ^^!) De la même manière l’incontournable romance adolescente (je dois bien l’avouer, ce n’est vraiment pas mon truc) est assez bien amenée et assez bien développée,

Reste que comme souvent avec l’auteur, il y a encore des hiatus dans la narration : au bout de 300 pages le Faune est toujours en chasse-patate, et on ne sait pas vraiment quel est la mission de Thya, ou quelles sont les motivations des forces en présence… Du coup, passé un cap je ne savais plus trop qui voulait quoi et finalement pourquoi tout monde voulait/devait rejoindre Brog…



Mais ce coup-ci Estelle Faye s’est lancée dans une trilogie, et devrait éclaircir tout cela dans les suites ! ^^

Et je note que de livre en livre ceux-ci arrivent de plus ne plus tard le récit. Donc l’auteure continue de progresser dans sa voie, et c’est très bien ainsi…





C’est la première fois que j’ai entre les mains un poulain des éditons Scrineo et il faut dire que c’est du bel ouvrage : magnifique illustration d’Aurélien Police, couverture solide, papier épais, mise en page claire et aérée… et le tout 100% « made in France » s’il vous plait. (N’en déplaisent à ceux qui viennent cracher leur venin sur les « parvenus » qui ne font pas comme tout le monde en ne rognant pas sur la qualité du livre objet… Oui je te vois Olivier Girard…). Bref rendez-vous pour le tome 2, que le lirai avec grand plaisir !

Et si des professeurs documentalistes passent par cette chronique, je ne saurais trop leur conseiller de jeter un coup d’œil au catalogue des éditions Scrineo pour renouveler leur fond SFFF à destination des adolescents. blink
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Hollywood Monsters

En 1932, sortait le tout premier film mettant en scène des zombies : White Zombie de Victor Halperin, avec en tête d’affiche, l’illustre Hongrois Bela Lugosi, connu pour avoir jouer Dracula de Tod Browning… Ce n’étaient pas les goules de Romero, mais plutôt les zombies Vaudou d’Haïti, esclaves sous poudre blanche, dont l’horreur émanait plus de la source et de l’état, que de l’action (ils ne mangeaient pas le cerveau des vivants).

Avec son personnage Feodor Varozslo à l’accent slave et ses zombies, il est clairement évident qu’Estelle Faye et Fabien Legeron nous livre un hommage à ce film américain des années 30…



***



Maquilleur, costumier, coiffeur, accessoiriste, monteur, électricien, producteur, réalisateur, acteur, ingénieur du son, etc… !! Ce livre œuvre également pour rendre hommage à la magie du cinéma. Doublé d’une intrigue à travers les yeux de deux enfants enquêteurs, dans le but d’interagir avec un lecteur adolescent, nous avons ici un roman atypique : une fiction dans un Hollywood jazzy (Hollywoodland à l’époque), avec des caves secrètes pendant la prohibition, un flottement pessimiste d’une pauvreté lié au krach boursier de 1929, une mafia organisée et un passé esclavagiste qui ramènera les superstitions africaines dans une Amérique ségrégationniste. Mais également, les starlettes enfants (je penserais à Shirley Temple, même si le personnage de Doris est un peu plus vieille), un vocabulaire riche en référence cinématographique, un « Bela Lugosi » très ambigüe qui portera la cape de différents personnages. Tout cela compacté habilement, pour développer un petit roman jeunesse, où rien, il me semble, n’est oublié... Même pas le sirop de maïs coloré…

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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

Je ne connaissais pas du tout cette auteure qu'est Estelle Faye. C'est grâce à la lecture commune faite sur le forum SFFF que j'ai donc pu entrer dans l'univers de ce conte.



Je me suis fait un véritable plaisir de faire la connaissance des personnages, de plonger dans la Chine du IIIème siècle. J'ai beaucoup apprécié l'écriture de l'auteure qui est fluide, poétique a souhait et très descriptive.

L'entrée en matière était très prometteuse, une vraie immersion dans un conte. On sent la magie, la féérie, les démons roder autour de nous tout en avançant allègrement aux fils des pages.



J'ai ensuite été un peu déçue par le parti pris d'Estelle Faye en ce qui concerne le caractères des personnages.. du coup ma lecture a un peu ressemblé a une montagne Russe qui monte doucement mais qui fini avec une seule pente très rapide, pour s'arrêter brusquement.. bref une dégringolade alors que ce roman semblait si prometteur.



Néanmoins, après mure réflexion, je me suis quand même dit que comme l'histoire se déroulait sur 15 siècles et que les personnages avaient une durée de vie assez longue.. peut être qu'ils ont été "blasés" par la vie , par cette éternité que je ne souhaite a personne, par une vie qui fini par devenir monotone et qui donc modifie le caractère des personnages pour finir par les rendre assez fades.



Enfin même si l'histoire ne m'a pas convaincue entièrement, je reste séduite par la plume de l'auteure et je m'aventurerais encore très certainement dans son univers.

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La dernière lame

D’emblée je tiens à préciser que je ne faisais pas partie du public visé et que je ai très peu de références en littérature jeunesse ou Young Adult, donc je me garderais d’apporter un jugement sur la qualité du roman. Je ne suis jamais vraiment entré dans l’histoire mais ces chroniques d’un monde à l’agonie m’ont beaucoup touché. En marchant sur les traces de Fabrice Colin (osons faire des parallèle avec la trilogie eschatologie douce amère "Winterheim") et Mathieu Gaborit (osons comparer Marie à Scende des "Chroniques des Crépusculaires"), on se retrouve avec une émule de Charlotte Bousquet : Estelle Faye nous livre un univers sombre et violent avec un bel imaginaire qui laisse des images plein la tête car sa prose est joliment évocatrice (on sent dans les petites descriptions une vraie passion pour l’océan).



Le roman est divisé en 3 parties :

- une partie centrée sur Marie l’amnésique qui perd peu à peu ce qui lui reste d’humanité

- une partie centrée sur Joad, l’handicapé lui aussi amnésique qui va tenter de s’opposer à Marie

- une partie centrée sur le destin de Jester la jeune acrobate encore une fois amnésique

Finalement les chapitres pré-Marie sont les plus homogènes du roman. Les chapitres suivants sont plus décousus puisqu’on change de personnages, de lieu et d’époque dans ce qui ressemble à une succession d’interludes. Et c’est écrit sur le ton de la chronique : faute de fils conducteur autre que la lente chute vers le néant, difficile de s’attacher à quoi ou à qui que se soit. La figure de Joad permet ensuite de s’accrocher enfin à quelqu’un et on entre plus volontiers dans le roman, mais cela repart de plus belle avec l’ellipse de 7 ans qui sépare les 2e et 3e parties.

Autre souci, on se retrouve donc avec quantité d’éléments mal amenés ou mal exploités : le concept d’Ombre reste flou (on pensera aux Goju de L5R). Et on pourrait dire pareillement de l’histoire du capitaine Julian, des interventions des Façonneurs, de l’attaque des crocodiliens ou la découverte du Labyrinthe… Certains d’entre arrivant comme des cheveux sur la soupe. Cela constitue le gros point faible du roman, mais dans le cadre d’un premier roman il s’agit sans doute d’erreurs de jeunesse...





Sinon, et l’auteur me l’a confirmé de vive voix, impossible de ne pas songer au manga culte de l’immense Hayao Miyazaki : "Nausicaä de la Vallée du Vent" !

On retrouve donc toute une galerie de petites gens ni bons ni méchants : ils sont justes broyés individuellement ou collectivement par des puissants qui cherchent juste à être les derniers à sombrer avant la fin des temps… (d’ailleurs pas mal de personnages secondaires auraient mérité plus de pages comme la bourgmestre romantique Annelise ou le mafieux animaliste Kwanjaï). Certains essayent de retarder l’inévitable fin, d’autres essayent d’hâter l’inéluctable fin. Mais ici l’océan infini et ses créatures marines remplacent la forêt toxique et ses insectes géants. Dans les 2 cas, un messie féminin apporte le chaos de la destruction et de la miséricorde :

- Nausicaä était une Jeanne d’Arc post-apo de lumière qui apportait compassion et espérance

- Marie est une Jeanne d’Arc post-apo de ténèbres qui apporte violence et désespérance

De plus des thèmes très profonds sont abordés : outre écologie et développement durable, citons

- l’ambiance délétère de cette apocalypse lente est étouffante car les personnages savent qu’ils vont connaître de leur vivant la fin du monde (difficile de ne pas songer à notre temps présent où demain sera probablement pire qu’aujourd’hui car en nous retirant l’espérance, nos élites ont commis un génocide culturel à l’échelle planétaire)…

- l’église des Cendres promeut l’ignorance contre la connaissance : on reconnaît là tous les mouvements fondamentalistes qui veulent nous retirer les moyens d’établir un monde meilleur où ils n’auraient plus leur place, ou l’establishment qui veut retirer aux masses les moyens intellectuels de ne plus gober leurs mensonges...





Un livre qui avait bine inauguré la collection "Pandore" avant qu’elle ne soit arrêtée par les éditions du Pré aux Clercs qui n’a même pas respecté ses engagements auprès de son directeur Xavier Mauméjean, du coup c’est un peu les éditions Scrinéo qui on plus pu moins repris le flambeau : on nous dépeint une histoire sombre et violente où l’univers et les personnages n’en finissent plus de sombrer… Mais au bout du tunnel se trouve malgré tout la lumière (je déconseillerais néanmoins ce livre aux dépressifs chroniques). Un roman sincère écrit par une auteure qui veut vraiment (trop) bien faire. Personnellement, c’est avec grand plaisir que j’ai ensuite retrouver son imaginaire ! (et dans tous les cas, un roman qui ne méritait pas la critique semi pourrie des blasés d’en face)
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L'arpenteuse de rêves

Première lecture de décembre et premier roman que je lis d'Estelle Faye, L'Arpenteuse des rêves fut vraiment une belle découverte.



Cette année j'ai fait de belles découvertes en littérature jeunesse de l'imaginaire mais si je devais recommander sans trop de doute un seul roman à un jeune adolescent sans le connaître c'est sans doute vers ce titre que je me pencherais. Pourquoi ? Pour une très simple et bonne raison : je l'ai trouvé vraiment très chouette ! Cela ne vous suffit pas pour aller acheter ce roman, d'accord je vais donc développer un peu car il serait dommage de passer à côté de ce roman jeunesse.



Je trouve pour commencer que Rageot a fait un travail remarquable sur l'objet livre, ce dernier est tout simplement beau et donne envie. Un premier bon point qui n'est pas à négliger et qui a pour ma part grandement contribué à l'achat de ce dernier.



J'ai compris dès la lecture du prologue que je ne regretterai pas cet achat, ce dernier s'avère percutant, intrigant et tragique. Dès les premières pages Estelle Faye donne le ton et nous embarque dans une histoire rondement menée de la première à la dernière page avec une plume fluide et agréable. Bien rythmé avec des chapitres courts, c'est un roman qui se laisse dévorer avec grand plaisir.



Estelle Faye m'a ici entraîné dans un univers assez sombre et plus particulièrement dans la ville de Claren représentée sur la couverture dans laquelle se déroule toute l'histoire. Claren, cette ville bâtie sur une colline sous laquelle prend source un fleuve qui serpente en bas de celle-ci. Claren avec son magnifique Palais à son sommet entouré de maisons de noble luxueuse mais aussi Claren complètement pourri à sa base ou toute une population vit dans la pauvreté au bord de ce fleuve charriant nombres de déchets toxiques et eaux usées des ateliers construits sur ses rives tandis que la fumée de ces derniers intoxique les habitants de la ville basse où seuls rats et cafards prospèrent.



C'est dans cette ville basse que Myri a toujours vécu, survécu, utilisant durant un temps son don pour survivre. En effet, Myri personnage principal de ce roman est une arpenteuse, elle a la faculté rare de s'introduire dans les rêves d'autrui et d'interférer dans ceux-ci. Un don ou une malédiction dans le lieu où elle vit qu'elle décidera de ne plus jamais utiliser voyant en ce dernier la cause du décès de sa petite soeur. Une décision qui sera abandonnée des années plus tard dès lors que la vie du jeune Miracle sera menacée. Il est impensable pour Miry d'abandonner à son sort cet enfant de 2 ans qu'elle a recueilli nourrisson sur le pas de sa porte. La ville basse se retrouve en effet peu à peu envahie de fantômes une fois la nuit tombée. Ces derniers sont la source d'horribles cauchemars répétitifs pour certains habitants qui finissent par s'écrouler d'épuisement ou tomber dans la folie. Se servant de son don Miry se plongera au coeur du cauchemar de Miracle afin de sauver ce dernier renouant ainsi avec son don qu'elle n'avait pas utilisé depuis de nombreuses années.



C'est dans cet univers ainsi assez sombre que nous plonge Estelle Faye avec beaucoup de talent entre rêve et réalité en compagnie d'un personnage principal attachant. Miry est une adolescente indépendante qui fera tout son possible pour protéger les personnes auxquelles elle tient. Déterminée et courageuse elle fera connaissance de Lélio qui lui permettra d'accéder aux plus hauts étages de cette ville aux multiples facettes. Lélio est lui aussi un personnage attachant et j'ai trouvé que le duo qu'il forme avec Miry fonctionnait vraiment bien.



Si ainsi l'histoire en elle-même est des plus sympathiques à suivre les thèmes abordés lors de la lecture m'ont eux aussi beaucoup plu et l'air de rien ceux-ci sont nombreux. J'ai aimé la relation qu'entretient Miry avec les membres de sa famille recomposée ainsi que son amitié avec Lélio et Riog, j'ai aimé le traitement qui a été fait relatifs aux inégalités sociales ainsi que l'aspect écologique présent tout au long de cette histoire.



j'ai ainsi finalement aimé beaucoup de choses dans ce roman dont le contenu s'avère aussi réussi que l'est sa couverture. En 350 pages, Estelle Faye est parvenue à créer une histoire solide avec un début et une fin. J'ignore s'il y aura une suite mais l'histoire ici se suffit à elle-même et peut tout à fait se lire comme un one shot. Un autre bon point pour les lecteurs qui ne souhaitent pas se lancer dans une énième série à rallonge.



L'Arpenteuse des rêves fut donc une très bonne lecture et peut constituer j'en suis convaincu une très belle porte d'entrée dans la littérature de l'imaginaire. Si vous avez dans votre entourage des adolescents de 13, 14 ans ou plus, cela peut constituer un très beau cadeau de Noël.

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Les nuages de Magellan

Merci Babelio, merci Masse Critique, Merci Scrinéo ! Au XXVIIe siècle l'humanité a conquis les étoiles, du moins elle l'aurait fait si la ploutocratie ne lui avait pas confisqué pour la énième fois le fruit de ses efforts en s'emparant de la galaxie à son seul profit. Dans l'astroport d'Ankou il y a en marre des réformes régressistes synonymes de déclassement, de précarité et de pauvreté, appliquées de force au prétexte qu'il n'y a pas d'autres alternatives que la voie du pognon à tout prix... Damian Sabre est sur les barricades et veut croire en une solution pacifique, mais le grisby est sacré pour les nantis et comme d'habitude un agent infiltré provoque l'incident qui justifie que les autorité puisse commettre des crimes contre l'humanité en toute impunité, et pour ne rien gâcher avec la complicité de ses salauds collabos de médias prestitués… Dan est serveuse au Frontier, un bar paumé d'un coin paumé qui aurait dû être la tête de pont pour la colonisation des Nuages de Magellan avant que la ploutocratie ne décide d'instaurer le servage cosmique. Elle chante pour les nouvelles victimes de la lutte des classes, sauf que quelqu'un la filme, met la vidéo sur l'extranet et qu'avec des milliards et des milliards de vue elle en devient la nouvelle égérie et que la ploutocratie met sa tête à prix. Elle se réfugie enfuit à bord du vaisseau de son pilier de bar Mary Reed, sauf que cette dernière prend immédiatement la tangente elle aussi poursuivie par les chiens de chasse du Grand Capital. Car Mary Reed est en fait Liliam Rochelle la dernière figure de la Grande Piraterie dont la tête est elle aussi mise à prix : lancez le générique !!! (visible sur le blog dont le lien suit tout en bas ^^)



Buddy movie ou road movie ? Qu'importe la cavale de la légende et du boulet n'est pas sans rappeler celle de Thelma et Louise, et on alterne les flashback dans lesquels la légende raconte les grandes heures de la Grande Piraterie et les retours au présent dans lesquels le boulet doit affronter à travers moult péripéties les dures réalités de la vie. Dans "L'Orphelin de Perdide", Stefan Wul nous racontait le rêve de Max le Pirate de l'Espâce qui voulait offrir un planète paradis à tous ceux qui avait soif d'espérance, ici on nous raconte la planche de salut de Sang Noir, Jonas et Sol Saint Clair les Pirates de l'Espâce qui n'ont d'autre choix que d'offrir une planète cauchemar à tous les réfugiés de la dystopie capitaliste : ne remercions pas les Ronald Reagan, les Margaret Thatcher et autres Emmanuel Macron qui avec leur TINA à la con ont construit années après années un tel Monde de Merde qu'ils nous ont volé nos espoirs et nos rêves au point que tout le monde est désormais persuadé que demain sera pire qu'aujourd'hui et que pour nous il n'aura plus jamais d'avenir heureux (Estelle Faye nouvelle victime de la Macronie après Arthur de Pins, Cyril Pedrosa, Roxanne Moreil, Nicolas Jarry et cie ?)… Au fil des péripéties la relation entre Liliam et Dan devient celle d'un mentor et son élève car la pirate cyborg rescapée de Bataille d'Ys cherche quelqu'un à qui léguer son passé, alors que la rookie naïve est en quête d'un idéal pour ne pas dire d'une cause… La quête de mémoire de l'une se confond avec la quête d'identité de l'autre, et au final poursuivis et poursuivants font route vers Carabe le dernier refuge de la galaxie pour le sauver ou pour le détruire. Un fin pleine de désenchantement entre rêve et réalité, ordre et chaos, espoir et désespoir ? Non ce n'est pas la fin, c'est le commencement ! No Pasaran !!!



Avec "Les Nuages de Magellan" nous ne sommes pas dans le Space Opera, mais dans le New Space Opera : le renouvellement réclamé à corps et à cri par la New Wave, de façon méprisante voire haineuse, c'est fait par l'intégration de toutes les thématiques du cyberpunk au space opera classique. On voit bien Pierre Bordage dans le rétroviseur droit et Laurent Genefort dans le rétroviseur gauche, mais ici c'est fait avec tellement de poésie qu'on ne peux songer qu'aux meilleurs textes de Robert Heinlein, d'Isaac Asimov, d'Arthur C. Clarke ou de Roger Zelazny : ceux qui suivent la musique coeur !

J'ai le privilège de suivre Estelle Faye depuis son premier roman (mdr les blasés d'en face qui l'ont bashé pour ensuite retourner leurs veste et l'encenser et la récompenser), elle a toujours eu un truc et on retrouve les grandes qualités et les petits défauts que j'avais repéré dès le départ : un imaginaire super, une belle plume, une grande culture, des émotions à fleur de peau et des personnages attachants et émouvants (car complexes et tourmentés), mais aussi une moindre appétence pour les scènes d'action, une intrigue parfois mal menée, des rebondissements pas toujours bien amenés et bien exploité,s et des tenants et des aboutissants pas pas forcément bien explicités (c'est en forgeant qu'on devient forgeron et le bon accueil du lectorat lui a permis de s'accrocher et de persévérer là ou tant d'autres ont dû abandonner : merci à vous tous amis lecteurs et amies lecteurs, sans vous on serait passé à côté de d'une belle âme et de belles oeuvres !)… Si le duo principal est très réussi, les personnages secondaires sont malheureusement survolés car ils ne font que passer : Anshu le moine défroqué, Kieren la barman mutant, Sélène la videuse cyborg, Nashu le savant fou, Yero le climato, Gwen l'exobio, Dilby le mécano… Car l'auteure a fait le choix du roman court, c'est d'ailleurs tout à son honneur, et elle construit en moins de 300 pages un véritable livre-univers et le condensé d'une véritable saga, mais c'est aussi là que le bat blesse car les 35 dernières pages qui forment en quelque sorte l'épilogue de l'histoire auraient pu constituer un cycle entier en plusieurs tomes !

Mais allons plus loin… Pour en avoir parlé de vive voix avec elle, Estelle Faye est une enfant de la télé et elle a sa culture manga : ici parmi toutes les figures de l'Âge d'Or de la Science-fiction japonaise impossible de ne pas penser à toutes les thématiques de la saga "Albator" / "Harlock"… Mais pas seulement, car Dan en fuite coaché par Liliam, c'est dans "Tytania" de Yoshiki Tanaka le héros malgré lui Fan Hulic coaché par le Docteur Lee, vers lesquels se tournaient tous les regards et tous les espoirs au point qu'ils se retrouvaient obligés de rallier toutes les résistances avant de diriger la révolution totale contre le Grand Capital, et c'est fascinant de voir que Les Nuages de Magellan finissent là où commence la série culte de l'auteur japonais, à savoir "Les Héros de la Galaxie", quand les victimes de la dictature fuient le bras d'Orion pour faire vivre la démocratie dans le bras du Sagittaire… Mieux encore les héroïnes cyborg d'Estelle Faye nous rappellent aux grandes heures de Motoko Kusanagi dans "Ghost in the Shell" de Masamune Shirow et Gally / Yoko dans "Gunnm" de Yukito Kishiro, elles ont même tellement de classe que j'ai immédiatement pensé à Teitania la guerrière badass de "Shining Heresy" elle aussi en quête d'identité, de vérité et avant toute chose d'une cause à défendre digne de ce nom… D'ailleurs Estelle, si tu me lis pense à redonner vie à Fyana et Chirico Cuvie les héros romantiques de la magnifique saga "Armored Trooper Votoms" : elle contient peu ou prou tout ce que tu aimes. Et désolé de signaler qu'au-delà du format que tu as choisi, tu es passée à côté de quelque chose de grandiose : tu es avait pioché dans les jeux mémoriels de "Total Recall", tes twists de fin auraient laissé tout le monde sur le cul avant de ressusciter "Queen Esmeraldas" ! Oh Yeah !!!



Les éditions Scrinéo donnent généralement plutôt dans le Young Adult bien pensé, bien calibré donc de qualité, mais là on a un vrai roman tout simplement (avec un livre-objet soigné et mis en valeur par une nouvelle chouette illustration de couverture de Benjamin Carré). Alors les spécialistes nous disent qu'il ne s'agit que d'un roman de pure divertissement : avec la Quête du héros aux mille et uns visages, la lutte des classes, le capitalisme, l'anarchisme, les utopies pirates, la conquête de l'espace, le transhumanisme, la cybernétique, l'écologisme, mais aussi la ségrégation et l'intégration à travers les romances lgbt… Que reste-il aux romans de pur intellectualisme ??? ^^





Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) 2019
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Un éclat de givre

Une histoire dense et intense qui fleure bon la SF des années 70 comme le cinéma des années 80 (le chef militaire des pavillonnaires Laurent Lefort est-il un clin d'oeil au paladin de la SF française Laurent Genefort ?). La prose est capiteuse voire envoûtante, le style très rythmé et très visuel : un véritable nectar !

Il faut démanteler un trafic de stupéfiant organisé par un Roi-Mutant qui veut dominer Néo-Paris. C'est simple et efficace, mais le récit comporte comme les autres ouvrages d'Estelle Faye des lacunes de narration assez gênantes. Mais dans le cas contraire, cela aurait été carrément grandiose !





J'ai mis 50 pages avant de comprendre que le narrateur n'était pas une femme. Donc c'est bien joué !

Car en fait le narrateur du roman est un chanteur/chanteuse de cabaret nommé Chet, non pas en l'honneur du jazzman Chet Baker mais du Daniel Chetman du film "Rue barbare", qui fait ici office de Billie Holliday au masculin. La narration à la première personne, le style nerveux où les phrases courtes s'entrechoquent d'autant plus que le rythme du récit est très soutenu nous plonge dans la psyché de Chet, ses affres, ses espoirs, ses fantasmes…

“All the girls are monsters and all the boys are whores”

L'ambiance est clairement gay-friendly. Chet est une véritable femme fatale qui s'ignore. J'ai pensé tout du long à une version masculine de la Rita Hayworth, la sex symbol du film culte des années 1940 "Gilda".

Les autres personnages ont bien du mal à exister à côté de lui ! Car c'est toute une galerie de personnages qui traversent parfois tels des fantômes la vie de Chet : Damien le pianiste, Virgile le poète fou, Léna la démoniaque sylphide dominatrice, Paul Langlois l'ex-psionique érudit, Janosh la Lavorda le prince des gitans… Même Galaad le preux éco-chevalier du 9-2 en treillis militaire ne parvient à faire oublier à Chet sa Reine des Neiges à lui : Tess la garçonne manquée idéaliste qui voulait gagner la Sibérie…

Néo-Paris est un personnage à part entière de roman, qui aurait pu (du ?) être davantage mis en avant, mais comme le roman est court, dense rythmé et entièrement raconté du point de vue de Chet qui ne cesse de courir avant de se laisser submerger, pas facile d'avoir une vue d'ensemble de Paname après l'Apocalypse : les Planteurs de Montmartre, les écologistes de la Bordure, les ferrailleurs et les forgerons de l'Île de la Cité, les marchands de grillons morts du marché chinois, les parias freaks du Quartier d'Enfer, l'immense tour de verre de la Défense…



Le récit ne se cache pas de suivre le cheminement de "La Divine Comédie" de Dante. Après avoir échappé à l'Enfer et avoir traversé son Purgatoire, Chet va devoir affronter la tentation ultime du Paradis. Et quels sont ses guides à travers son périple à travers Néo-Paris ? Virgile, Sybil et Lucifer…





Niveau thématiques, Estelle Faye n'échappe pas à ses mentors : Mathieu Gaborit, Hayao Miyazaki, et Xavier Mauméjean.







Pour terminer j'ajouterai que j'ai ressenti un petit côté "Final Fantasy" pas déplaisant du tout, voire même un gros côté manga avec les Psys de Stonehenge semblant tout droit sortir du manga culte "Akira" (à moins que ces mutants surpuissants qui perdent leurs pouvoirs à la puberté n'appartiennent aux territoires infinis de la Science-Fiction d'antan…).

Plus qu'un nouveau talent, livre après livre Estelle Faye est en train de devenir une grande dame de la SFFF française. Heureusement que les éditeurs ont cru en elle dès le départ...


Lien : http://www.portesdumultivers..
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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

Sans prétention mais bien agréable à lire.

Comme le dit Estelle Faye à propos d'un autre de ses livres :

« En ne cherchant pas une originalité de façade à tout prix (type film à twist des années 90, ou encore «le premier roman écrit entièrement avec des poils de lama»), on peut se concentrer sur l'essentiel: les personnages, l'histoire, les questions qu'elle pose aussi. »

Et c'est bien le sentiment que j'ai eu, Estelle Faye déploie ses talents de conteuse sans bling-bling et sans esbroufe, et nous offre une chouette histoire, se déroulant en un temps où la magie va progressivement quitter la terre. Un thème qui me plaît bien, et qui n'est pas lié ici à l'opposition du Christianisme à la magie de l'ancien monde celte. On a en plus le plaisir du dépaysement puisqu'on est en Chine, et le héros se voyant pourvu au fil de ses aventures non seulement d'une tête de tigre, d'un coeur de porcelaine, de l'amour d'une fée jalouse, mais aussi d'une quasi-immortalité, on s'y ballade du IIIe au XVIIIe siècle. Simplement, c'est une ère qui se ferme et le corbeau, «oiseau-sortilège» explique à Brume de Rivière, la fée:

« Notre temps est fini. Nous devons partir, toi et moi, et laisser cette terre aux hommes. »

Un autre élément qui m'a séduit, c'est la façon dont Estelle Faye évoque la vie d'une troupe de théâtre. Quand Xiao Chen se retrouve avec une tête de tigre, il devient un paria dans son village, mais cette particularité est jugée plutôt intéressante par une bande de comédiens ambulants qui va le recruter. La vie de théâtre, l'errance sur les routes, va permettre à l'auteur de nous présenter une galerie de personnages secondaires - et pas toujours si secondaires que ça d'ailleurs - bien intéressants.

Et puis j'aime assez l'écriture, juste, sans effet de manche, simple, mais loin d'être dépourvue de profondeur et de charme. Elle va bien à ces personnages artistes-artisans (potier, tisseuse), ou saltimbanques.
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Un éclat de givre

Après « Porcelaine » récompensé en 2013 par le prix Elbakin et qui m'avait laissé un excellent souvenir, Estelle Faye revient cette année avec un tout nouveau roman paru chez Les Moutons électriques. Un bel ouvrage au charme duquel je me suis complètement laissée prendre. Après une histoire de fantasy inspirée de la culture et des légendes chinoises, l'auteur opte cette fois pour un roman post-apo dans lequel on découvre une ville de Paris méconnaissable et un monde profondément marqué par la disparition de nos modes de vie actuels.



C'est dans cet univers glauque mais néanmoins fascinant que le lecteur fait la connaissance de Chet, chanteur de jazz rendant par-ci par-là de menus services à des gens pas toujours fréquentables afin d'arrondir ses fins de mois. Seulement lorsqu'on vient le chercher pour démanteler un réseau fournissant une toute nouvelle sorte de drogue, les choses ne tardent pas à se gâter. L'intrigue n'a, au premier abord, rien de très complexe mais l'auteur parvient efficacement à tenir son lecteur en halène du début à la fin et réussi même parfois à le surprendre (mention spéciale au début du roman qui parvient pendant un certain temps à maintenir l'ambiguïté quant au sexe du protagoniste). Rien à redire non plus du côté des personnages, qu'ils soient essentiels à l'intrigue ou plus secondaires, tous bénéficiant d'un traitement soigné et d'une personnalité tour à tour intrigante ou attachante. Difficile de ne pas rapidement se prendre d'affection pour Chet, notre héros, dont on découvre peu à peu les fêlures et aux misères duquel on ne manque pas de compatir.



Mais au-delà de la qualité de l'intrigue et des personnages, le principal atout du roman tient à son décor. Estelle Faye nous fait découvrir les coins et les recoins d'une ville dont le nom et les quartiers sonnent familiers mais que l'on peine pourtant à reconnaître : l'île de la Cité y fait désormais figure de cour des miracles, des sirènes élisent domicile dans les piscines de riches demeures, une véritable forteresse dans la ville abrite les âmes perdues et les amateurs d'opérations esthétiques d'un genre un peu particulier... Autant d'éléments qui font de cette ville de Paris un endroit aussi dépaysant que repoussant, la totalité du récit baignant dans une ambiance glauque et légèrement oppressante qui ne fait que rendre l'immersion du lecteur encore plus intense. Toute la galerie de créatures plus ou moins monstrueuses mises en scène par l'auteur est également saisissante, des mutants de l'Enfer aux enfants Psys possédant de puissants pouvoirs mentaux et dirigés par une très étrange fillette en passant par les consommateurs de cette fameuse nouvelle drogue aux effets indésirables foudroyants.



Avec « Un éclat de givre » Estelle Faye témoigne à nouveau de son habilité pour mettre en scène des récits et des univers captivants et originaux, le tout porté par des personnages atypiques et complexes mais néanmoins très attachants. C'est avec avidité que l'on se plonge dans ce monde post-apo bien éloigné de ceux que l'on a l'habitude de rencontrer dans ce type de récit. Voilà décidément une auteure que j'apprécie davantage à chaque nouvelle lecture !
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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi bien.



Ce conte a tous les atouts d'une légende de la Chine millénaire. Il nous emporte dans son Histoire, effectuant deux arrêts : le premier à l'époque antique des Trois Royaumes, le second au temps des empereurs de la dynastie Qing au 18e siècle. Quelques passagers ont ce pouvoir de longue vie qui leur permet de rester à bord du train du temps sans mourir ; certains en tant qu'êtres surnaturels, un autre à cause d'une malédiction, un autre pour l'avoir volontairement recherché.



C'est l'histoire de ces hommes et de ces femmes qui sont avant tout reliés par la passion du théâtre vivant.

C'est l'histoire de Xiao Chen, maudit comme Icare pour avoir passé outre les interdictions des dieux. Il se retrouve affublé d'une tête de tigre, mais également des sens aigus de l'animal. Des événements lui apporteront un autre élément corporel étrange – un coeur de porcelaine – et cette longue vie dont il ne semble jamais blasé, et qui ne paraît pas lui apporter non plus une expérience de vie qui paralyserait sa capacité d'émerveillement, d'innocence et d'amour.

C'est l'histoire de Pieds-de-Cendres, le contorsionniste aux cheveux gris, séduisant, qui cherche le secret d'éternité et en trouve une version moins efficace que celle de son ami Xiao Chen. Sa longue vie lui apporte nostalgie, amertume et jalousie compensé cependant par un presque inébranlable sens de l'amitié.

C'est l'histoire de Brume de Rivière, la fée qu'une robe ensorcelée empêche de grandir. Elle parvient à grandir, cependant, et à s'éloigner de l'empathie pour les humains.

Et c'est l'histoire de Li Mei, une jeune fille ordinaire, couturière de génie au caractère obstiné.



C'est une histoire de passion amoureuse et de jalousie, de magie et de démons, de musique et d'acrobaties, de combats extraordinaires aussi, que l'on gagne à lire avec une musique traditionnelle chinoise au fond de l'oreille.

Ce sont des voyages sur le Fleuve Jaune, le Fleuve Bleu, la steppe au-delà de la Grande Muraille ou la Cité Interdite.

Et c'est avant tout du théâtre. Je n'ai pas pu m'empêcher d'imaginer le rideau tomber après le dernier mot, puis se relever, révélant tous les acteurs en ligne prêts à recevoir les applaudissements.



A peine aurai-je apprécié un peu plus de géopolitique, de repères historiques à l'époque des Trois Royaumes surtout, car l'époque Qing est bien plus substantielle. Mais c'est un tel détail infime que j'ai presque des remords de l'évoquer.



Bravo Estelle Faye. Ce conte est une belle réussite. Il a su me charmer.

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L'arpenteuse de rêves

Sans surprise la sublime couverture de L’arpenteuse de rêves a tout de suite accroché mon regard. Le titre aussi avait quelque chose d’original et d’onirique qui titille la curiosité. Disponible sur NetGalley, j’ai donc sauté sur l’occasion pour le découvrir, et après ma lecture du format numérique, je peux vous dire que dès sa sortie, j’irai acheter sa version papier.



Myri est une arpenteuse, un être capable d’entrer dans les rêves des autres, mais à la suite d’un tragique événement, elle décide de se fermer à son don. Jusqu’au jour où son monde bascule et qu’elle doive choisir entre tenir sa promesse et sauver les siens. J’ai tout de suite aimé cet univers. Ancré dans la réalité de part ses nombreuses similitudes avec notre monde, Claren nous est dépeint comme une ville à la dérive. Séparation des classes, maltraitance, survie, pollution, élitisme… on y découvre tous les travers d’une civilisation qui s’est perdue et au milieu de tout cela, un petit groupe de survivants qui est comme un rayon de soleil essayant de perdurer. Impossible de ne pas s’attacher à Myri et sa famille. Ce brin d’espoir qui éclipse la noirceur et cette sensation poisseuse qui colle à la basse ville.



Et Estelle Faye continue à nous charmer tout en dénonçant. Avec des chapitres courts, dont je suis de plus en plus friande dans mes lectures, un rythme soutenu, et des rebondissements qui se succèdent, on voit petit à petit le fil conducteur se créer et nous amener à un tournant pour Claren. Ce n’est pas seulement la vie de Myri et des siens qui est en jeu, mais bien toute la civilisation qu’elle connait. Les enjeux sont grands, mais l’auteur n’étouffe pas son lecteur avec trop de pression. On comprend, on sait combien l’homme peut être avare, capricieux, envieux, mais on voit aussi toute la bonté dont nous sommes capables. Il y a un point de non-retour dont certains sont conscients et on espère qu’ils sauront l’éviter. Car il y a beaucoup d’espoir dans l’arpenteuse de rêves. L’histoire est dure par certains côté, révoltante aussi, mais l’espoir est toujours là. Dans les actions comme dans les personnages que l’on croise. Et le fait de nous donner la possibilité de croire, de rêver aussi, et ce qui rend le roman si spécial.



Je ne pensais pas qu’il y aurait cette « démarche » écologique. Je voyais plus un univers fantaisie et une quête de soi. Mais au fur et à mesure de ma lecture, l’idée de conte s’est plus imposée à moi. Et si au début, j’ai trouvé cela « étrange », je me suis prise au jeu, d’autant plus que les enjeux devenaient alors plus grands et aussi plus imminents. Si Myri veut sauver les siens, elle doit d’abord sauver son monde.



Toute la mythologie autour des arpenteurs de rêves est aussi très intéressante. Il y a des spécificités dans ce don qui sont propres à chacun, une dimension politique aussi. On pourrait croire que cette partie onirique serait épargnée par la débauche des hommes mais il n’en est rien. La perversion est partout. Même les légendes que l’on découvre autour de leur dieu, de la naissance du don reflètent ce monde. C’était une agréable surprise, car j’ai trouvé le développement du monde plus cohérent en soi. Tout s’explique en un sens. Sans compter l’originalité de l’ensemble.



Côté personnage, j’ai trouvé l’idée de faire des héros des personnages non héroïques rafraichissante. Bien sûr Myri a quelque chose de plus, mais nous sommes loin du stéréotype même de l’héroïne. Elle se bat avant tout pour ceux qu’elle aime. Elle ne cherche pas le pouvoir, pas la reconnaissance, pas les faits d’armes. On la voit se débattre, survivre. Elle fait écho à tout à chacun tout comme sa famille. Il y a aussi beaucoup de résilience dans chacun d’eux. Lélio, malgré son côte un peu chiffe molle, reste celui que j’ai trouvé le plus intéressant à voir grandir. La relation qu’il établit avec Myri a aussi quelque chose d’original qui transcendante ce que l’on peut voir habituellement. Les dernières lignes du roman d’ailleurs mettent vraiment en avant ce lien unique, et les choix de l’auteur avec ses deux personnages étaient pour moi parfaits.



L’arpenteuse de rêves a donc été une lecture dépaysante par certains aspects avec des personnages attachants, un monde où la magie est subtile et qui crie à l’aide. Encore une fois, j’ai aimé voir le monde réel et celui de Claren entrer en résonance. Un roman qui fait réfléchir et qui met en avant ce qui compte réellement.

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Imaginales 2016 : Anthologie Fées et Automates

L’anthologie 2016 du festival des Imaginales voulait audacieusement associer deux archétypes qui se croisent rarement. Les auteurs, essentiellement francophones, avaient pour cahier des charges d’écrire des nouvelles faisant intervenir des fées et des automates. En dehors de cela, c’était open bar.

Des fées et des automates, ben, voyons ! Comme si ces archétypes avaient l’habitude de se côtoyer tous les jours dans l’imaginaire. Sacré gageure !

Eh bien je l’avoue, je suis époustouflé par le talent mis en œuvre par les plumes qui ont participé à l’exercice. A des degrés divers, j’ai vraiment apprécié 90% de ce que j’ai lu. La variété des ambiances, des tons, des époques, l’imagination employée pour cuisiner les thèmes ont ajouté au sentiment de partir pour un long voyage débridé aux multiples escales. Je ne connaissais pas 70% des auteurs et je peux vous dire que ma PAL virtuelle est à l’agonie.



Mon top 3 (dans l’ordre ou le désordre) comprend :

* Fabien Cerutti (Le crépuscule et l’aube) qui nous fait assister, dans son univers uchronique médiéval du Bâtard de Kosigan, à la lutte de Faërie contre l’Humanité. Une interprétation fusionnelle fée/automate. C’est épique, rythmé en crescendo avec succession de plus en plus rapide des points de vue. Je n’ai pas encore lu les romans, mais là je n’ai plus le choix.

* Adrien Tomas (L’énergie du désespoir) Cette fois une relation déséquilibrée entre automates et fées, mais surtout une vision péjorative de l’humanité qui utilise à outrance toutes les ressources dont elle peut s’emparer pour favoriser son bien-être. L’inventivité de ce récit m’a emporté.

* Gabriel Katz (Magie de Noël) qui nous prouve qu’il sait décrire un monde dystopique dans lequel je n’aimerais pas vivre mais dont il n’est pas improbable qu’il advienne dans un futur proche. Les automates ressemblent plus à l’image traditionnelle. La fée… aaah non, je ne dirai rien. Ça fait partie du coup de théâtre de la fin.



Juste en dessous, dépassé à peine d’une courte tête, il y a un peloton de très bonnes nouvelles. Je citerai Pierre Gaulon (Le tour de Vanderville) qui, dans une foire du fin fond du limousin, met face à face deux numéros réussi d’imitations de comportement humain. Mécanique ou magique ? Pierre Bordage (AuTOMate) qui détourne un peu le cahier des charges pour nous parler, avec son talent habituel, de la médiocrité humaine dans notre quotidien. Et bien sûr Lionel Davoust (Le plateau des chimères) et sa nouvelle pierre de conquête de l’empire d’Asreth dans l’univers d’Evanégyre, où comme dans La Volonté du Dragon, c’est la ruse qui va être victorieuse.



J’avoue n’avoir été déçu que par Nabil Ouali (Al’ankabût) qui, malgré sa belle plume, oublie de parler du contexte de son récit, ce qui m’a empêché de comprendre ce qu’il se passait et pourquoi.



L’anthologie présente donc une grande variété d’ambiances et d’interprétations des fées et des automates : de la vision traditionnelle au détournement de concept, de la fusion/collaboration à l’affrontement/esclavage. La plupart du temps, l’humanité apporte ce qu’il y a de MAL dans le récit.



Je remercie boudicca dont la critique a attiré mon attention, et Lionel Davoust qui, en me twittant que le recueil contenait une nouvelle sur Asreth, a fini de me convaincre. Et c’était carrément une bonne idée.

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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

J'avais adoré "un éclat de givre". J'étais tombée amoureuse de Chet, le héros principal. J'avais été subjuguée par l'ambiance et l'univers créés par l'auteure. J'avais été séduite par l'écriture fluide et élégante d'Estelle Faye. Je m'étais promis de lire d'autres ouvrages de cette auteure. C'est chose faite grâce à Tatooa qui a proposé une lecture commune autour de "Porcelaine". Le bilan de ma lecture est en demie-teinte.



J'ai retrouvé avec plaisir l'écriture de Faye, toujours aussi fine, vive et évocatrice. L'auteure démontre encore tout son talent pour donner vie à un univers enchanteur. J'ai adoré être transportée dans une Chine pleine de magie dans laquelle on rencontre fées, créatures monstrueuses, hommes immortels... Le dépaysement est total. Les personnages sont superbes, attachants et bien caractérisés. L'histoire d'amour est pleine de charme, romantique sans être mièvre.



J'ai adoré la 1ère partie du roman qui est selon moi un chef d’œuvre du genre. Le récit démarre sur les chapeaux de roue avec une attaque de créatures malfaisantes puis le récit fait la part belle au merveilleux, à la magie tout en n'oubliant ni l'action ni l'émotion. Cette 1ère partie est magistrale, somptueuse, enchanteresse.

La 2ème partie, même si elle est moins sublime que la 1ère, est très bonne. J'ai pris plaisir à suivre les pérégrinations de la petite troupe. Et j'ai beaucoup aimé l'émotion qui se dégage de l'histoire d'amour, comment Li Mei et Xiao se découvrent, apprennent à se connaître, s'apprivoisent. Cette 2ème partie se conclut en beauté par l'épisode à la fois poétique et effrayant de Li Mei prisonnière du mûrier et attaquée par d'horribles bestioles.

Malheureusement, je n'ai pas aimé la dernière partie. Celle-ci m'a semblé déconnectée du reste du récit. Je n'y ai pas reconnu les personnages qui m'avaient séduite auparavant. Et tout ça m'a semblé moins maîtrisé. Le récit semble s'engluer, le rythme est moins prenant, l'atmosphère moins saisissante. Mis à part quelques soubresauts (l'attaque des goules par exemple), je me suis ennuyée dans cette 3ème partie. La magie n'y était plus.



C'est dommage de finir un roman si bien commencé sur une note comme celle-là. Un decrescendo est toujours décevant. Si ça avait été l'inverse, un début poussif puis du bon pour finir sur une très bonne fin, j'aurais sans doute mis une meilleure note. Mais là, il me reste l'impression d'un magnifique roman gâché par sa dernière partie.

Ceci dit, cette légère déception ne m'empêchera pas de lire d'autres romans de Faye. Sa plume est toujours aussi agréable et elle a un don pour créer des atmosphères merveilleuses.



Challenge Multi-défis 2017 - 40 (item 6 : une romance)

Challenge Atout prix 2017 - 10 (prix Elbakin 2013)

Challenge Plumes féminines 2017 (une auteure française)
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Widjigo

C’est ma première lecture d’Estelle Faye et j’ai trouvé ce thriller fantastico-historique plutôt convaincant.



1793, en pleine Révolution française, un jeune officier est envoyé en Bretagne pour arrêter un vieux noble, Justinien de Salers. Celui-ci accepte de se rendre à la seule condition que l’officier écoute son histoire : celle d’une expédition quarante ans plus tôt à Terre-Neuve, de l’autre côté de l’Atlantique, qui a viré au tragique.



L’histoire mélange deux types d’intrigue plutôt classiques : le naufrage sur une côte déserte avec une poignée de survivant·es qui tentent de rejoindre les terres habitées, et le whodunnit à la Agatha Christie et ses personnages qui disparaissent les uns après les autres tandis que la suspicion monte. La combinaison prend bien quoique le rythme soit plutôt lent, peut-être accentué par de longues descriptions qui ont eu tendance à me faire décrocher de temps en temps. Ce que j’ai aimé, c’est l’entrelacement thématique entre légendes bretonnes et mythes autochtones, qui vient nourrir (no pun intented) les thèmes traités par l’autrice, à savoir la culpabilité, la justice, la vengeance et les monstres qui peuvent naître à l’intérieur de chacun·e.



Aussi, j’ai été agréablement surprise par le traitement historique et géographique plutôt solide. La partie de l’intrigue qui se déroule en 1754 commence en Acadie et on sent les prémisses de ce qu’on appellera plus tard le Grand Dérangement (la déportation des colons francophones), ce qui accentue la tension dégagée par le récit. J’appréhendais aussi la façon dont l’autrice utiliserait les mythes autochtones et en particulier celui du wendigo (ou widjigo dans sa version algonquine), central à l’histoire, mais l’ensemble m’a paru aussi respectueux que bien documenté (je suis toutefois loin d’avoir une connaissance approfondie du sujet). Il me semble d’ailleurs que le terme d’« Indien » n’est pas mentionné une seule fois et que cela ne gêne en rien la compréhension. Notons que certains éléments concernant la légende du widjigo peuvent donner des indices quant à la clé de l’énigme…



Bref, cela me rend assez curieuse pour continuer à explorer les univers d’Estelle Faye (si vous avez des suggestions, je suis preneuse).
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Porcelaine : La légende du tigre et de la tis..

Deuxième roman d'Estelle Faye paru aux éditions « Les moutons électriques », « Porcelaine » nous entraîne au cœur de la Chine et son histoire à travers la légende d'un homme tigre et d'une tisseuse. Tout commence au IIIe siècle, lorsque Xiao Chen, victime d'un dieu implacable et d'une bien curieuse malédiction, perd son visage au profit d'une tête de tigre. Banni de son village natal, le jeune homme embrasse alors la carrière de comédien itinérant au sein d'une troupe de théâtre où il fera notamment la connaissance de la fille-fée Brume de Rivière et de Pied-de-Cendre, contorsionniste en quête du secret de la vie éternelle. Et c'est alors que les choses se gâtent... L'originalité du pitch de base a de quoi surprendre et c'est ce qui m'a poussée à sauter le pas. Bien m'en a pris ! Estelle Faye nous livre là un roman remarquable qui nous transporte pour quelques heures dans cet empire chinois presque hors du temps que l'on arpente aux côtés des personnages avec un plaisir et un émerveillement constants.



Le cadre, tout d'abord, constitue l'un des principaux points forts de ce roman qui nous embarque des steppes mongoles à la Grande Muraille en passant par d'humbles petites bourgades ou encore à la majestueuse et cosmopolite ville de Pékin. L'intrigue quant à elle est passionnante et maîtrisée de bout en bout par l'auteur qui nous propose une histoire aux allures de conte tour à tour édifiant, tragique, émouvant... Du IIIe au XVIIIe siècle, le lecteur fait la connaissance d'un pays mystérieux aux paysages éblouissants où règne encore la magie et où l'on voue un véritable amour à l'art théâtral, amour que l'on ne peut s'empêcher de ressentir également à la lecture de ce roman. Les personnages, enfin, ne sont pas en reste, qu'il s'agisse de Xiao Chen, homme-tigre bon et talentueux aux malheurs duquel on ne peut que compatir, de Brume de Rivière, cette fée solitaire aux pouvoirs surnaturels incroyables, et bien sûr de Li Mein, jeune femme dévouée au courage et à la détermination admirables.



Avec cette « Légende du tigre et de la tisseuse » on peut dire qu'Estelle Faye a brillamment réussi son entrée sur la scène de l'imaginaire francophone. Les livres qui vous bouleversent et vous emplissent d'émerveillement à chaque page sont rares, « Porcelaine » est de ceux-là.
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Les Seigneurs de Bohen

Après une récente incursion dans la littérature jeunesse avec « La voie des oracles », Estelle Faye nous revient cette année avec un roman plus adulte publié par Critic et lorgnant davantage du côté de la dark-fantasy. Et me voilà bien embêtée, car si j'ai jusqu'à présent toujours été séduite par les textes de l'auteur, je suis beaucoup plus mitigée dans le cas des « Seigneurs de Bohen ». Le roman dispose pourtant de solides atouts, à commencer par un univers intéressant et sortant incontestablement des sentiers battus. D'abord parce que l'auteur s'inspire avant tout de la civilisation slave, ensuite parce que le degré de technologie est ici plus élevé que d'ordinaire (des chefs de guerre utilisent la poudre au combat, l'imprimerie en est à ses débuts mais commence à se développer...) Le bestiaire est lui aussi plutôt bien étoffé, chose à laquelle j'ai toujours été particulièrement sensible en fantasy. Ashrays (homme d'eau), div, vodianoïs, goules, golems, vives, vouivres... : voilà un petit aperçu des créatures plus ou moins dangereuses mises en scène ici avec succès. La plume de l'auteur est quant à elle toujours aussi agréable et donne naissance à des scènes au grand pouvoir évocateur que je garderais certainement en mémoire bien après ma lecture (la première expérience de Maëve sur le trône de l'Impératrice ; l'expédition de Lantane au phare d'Ankouan ; la rencontre entre Sainte-Etoile et la cartomancienne...)



On doit aussi à Estelle Faye de belles trouvailles en matière d'intrigue, qu'il s'agisse des Vaisseaux Noirs et de la manière dont l'Impératrice s'y prend pour les maintenir à distance des côtes, ou encore de la magie utilisée par Janosh et Wens. Je suis malheureusement moins convaincue par le reste du récit, à commencer par tout ce qui à trait à cette fameuse révolution lancée contre l'Empire. Malgré ses six cent pages au compteur, le roman survole en effet avec une rapidité parfois déconcertante des événements cruciaux dont la narration est expédiée en à peine quelques pages. Difficile dans ces conditions de se sentir véritablement investi dans le récit qui en vient même parfois à perdre de sa cohérence (le cas de la petite Sigalit, bombardée presque du jour au lendemain chef d'un mouvement de résistance clandestin, est notamment très gros à avaler). Si le roman se focalise aussi peu sur l'avancée de cette révolution, c'est surtout parce que l'auteur s'attarde beaucoup (trop) sur la romance entretenue entre certains de ses personnages. Je n'ai jamais rien contre les histoires d'amour, mais seulement si elles ne prennent pas une place démesurée au dépend du reste de l'intrigue... or c'est justement le cas ici. Le côté « romance » n'est d'ailleurs pas très en phase avec l'étiquette « dark fantasy » accolé au roman par l'éditeur, un problème marketing qui devient décidément récurrent ces derniers temps (il serait temps de comprendre que comparer un auteur à des mastodontes du genre n'est absolument pas lui rendre service et fausse au contraire les attentes du lecteur... )



Pour ce qui est des personnages, j'ai été particulièrement sensible à ceux qui n'occupent pas le devant de la scène : la morguenne des Havres capable de jouer avec le vent ; la Sœur de l'épée cherchant à résoudre le mystère de la disparition des enfants de la région ; la vouivre capitaine de navire... Je serais plus nuancée en ce qui concerne les protagonistes auxquels j'ai moins accroché, à l'exception notable de Sainte-Etoile et de son « monstre » Morde (à propos duquel j'aurais d'ailleurs bien aimé avoir davantage d'explications). Maëve, elle, est beaucoup trop obnubilée par ses affaires de cœurs (même si j'ai été sensible à son attrait pour l'aventure et l'océan) ; Sorenz et Wens sont trop « parfaits » et ont des comportements parfois difficiles à trouver plausibles ; quant à Janosh, le personnage est effectivement prometteur mais pas assez développé pour suffisamment capter l'intérêt du lecteur. Enfin, j'avoue avoir été assez gênée par le côté « romance gay ». Entendez-moi bien, je n'ai aucun problème avec les relations homosexuelles et je trouve même plutôt positif qu'un auteur cherche à inclure davantage de diversité dans ses romans. Seulement dans le cadre qui nous est décrit ici cela ne colle tout simplement pas : on est censé être dans une société qui désapprouve ce genre de comportement et pourtant un nombre incalculable de personnages tombent au premier regard sous le charme d'une personne de même sexe, sans en être surpris une seule seconde et sans chercher à vraiment s'en cacher (cela peut sembler secondaire mais j'avoue que cela m'a sorti à plusieurs reprises du roman).



Lecture en demi teinte, donc, pour « Les Seigneurs de Bohen » qui dispose d'un univers certes intéressant porté par une belle plume mais dont l'intrigue aurait gagné à se focaliser davantage sur cette histoire de révolution au lieu de s'attarder autant sur les émois des protagonistes. Nul doute que le roman trouvera son public, simplement je n'en fais cette fois pas partie.
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L'île au manoir

Voilà une histoire absolument parfaite pour nos jeunes lecteurs. Elle se lit assez vite, on plonge rapidement dans l’histoire, la mise en page est fort sympathique et la segmentation des chapitres est aussi très bien. Efficace, allant à l’essentiel, Estelle Faye a une très jolie plume et apporte un grand soin à son histoire, la rendant, « malgré » le fait qu’elle soit courte, prenante.



En tant que lectrice confirmée, bien entendue, j’aurais aimé en avoir plus, mais je pense que l’auteur a très bien su donner ce qu’il fallait pour une construction complète. Les personnages sont tout de suite attachants, on arrive à cibler leur caractère sans peine, et l’amitié est le centre de cette aventure. Le fait que l’histoire mêle aussi un côté mystérieux et surnaturel apporte réellement un plus, permettant à Estelle Faye d’exploiter le folklore des îles mais aussi de nous émerveiller.



Le choix du lieu où se passe l’action est aussi une excellent idée. Une île isolée avec ses dangers mais aussi sa richesse, étoffe le tout. Il y a une petite part d’écologie aussi, non négligeable. Franchement, je pense que cela est parfait pour l’ambiance du roman.



Après, j’avoue que certaines choses se passent très vite. C’est peut-être la seule chose que je regrette. Les amis d’Adam, notre héros, ne se posent pas de question quand ce dernier leur dévoile son secret, et le mystère du manoir est vite résolu. Je sais que pour un jeune lecteur cela aurait sans doute rendu la lecture plus longue et peut-être moins facile (ils trouveront d’ailleurs probablement cette histoire parfaite), mais j’aurais aimé un peu plus. Après, je trouve que cette façon de voir l’amitié : ne pas mettre en doute son ami et le croire sans jugement, est plutôt une bonne chose. Il y a un bon message de tolérance et d’acceptation.

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Un éclat de givre

Je n'ai pas pour habitude d'acheter un livre pour sa couverture et pourtant c'est bien la magnifique illustration qui ornait celle de "Un éclat de givre" qui m'a incitée à en savoir plus. La 4ème de couverture, très prometteuse, a fini de me convaincre d'alléger mon porte-monnaie pour l'acquérir.

Je n'ai pas été déçue du tout. Comme on dit, qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Et bien, à l'image de son sublime contenant, 'un éclat de givre" est un délicieux nectar.



"Un éclat de givre" se démarque des autres romans post-apocalyptiques (genre semble-t-il très en vogue depuis quelques années) par une tonalité particulièrement originale. Empreint d'une poésie étrange, le monde dépeint par Estelle Faye a des accents d'univers de conte de fées pour adultes. Certains passages évoquent presque de la dark-fantasy.

L'immersion dans le Néo-Paris imaginé par l'auteure est totale. Estelle Faye nous fait visiter ce Néo-Paris de fond en comble. Et la visite est variée et riche, chaque quartier ayant une identité propre. On sent bien que l'auteure a imaginé le moindre recoin de son Néo-Paris tant les descriptions lui permettent de prendre vie sous sa plume. Mais elle a également la subtilité de ne pas alourdir des descriptions, laissant une grande place à l'imagination du lecteur. Je pense que chaque lecteur se fait ses propres images du Néo-Paris.



L'écriture est à l'avenant de l'univers créé. Riche, foisonnante, subtile. Estelle Faye sait mener des séquences d'action efficaces, l'écriture se faisant alors nerveuse, vive. Elle sait aussi jouer sur la subtilité et l'émotion. Et comme je l'ai dit, les passages descriptifs sont exemplaires, remplissant leur rôle explicatif dans une langue belle et poétique. Si je devais définir le style d'Estelle Faye en un seul terme, c'est le mot "élégant" qui me viendrait à l'esprit.



L'auteure nous fait rencontrer de nombreux personnages, tous intéressants, même s'ils ne font parfois que passer dans un récit très resserré (250 pages). Bien sûr, le personnage de Chet efface un peu les autres protagonistes. Mais Chet est un personnage tellement réussi que je ne peux pas voir là un défaut. Créer un héros bisexuel, chanteur-travesti est déjà un choix joliment gonflé. Rien que pour cette audace, Estelle Faye mérite des louanges. Mais en plus d'être un protagoniste original par nature, Chet se révèle un personnage complexe, dense et immensément attachant. Loin d'être lisse et parfait, il est parfois agaçant, parfois irresponsable mais il est aussi terriblement séduisant, irrésistiblement émouvant. Emotion qui culmine lors du magnifique passage où, pour la première fois, il chante, sans fards ni perruque. Un passage magique qui m'a fait vibrer, m'a mis la chair de poule. Je mets au défi quiconque de ne pas tomber sous le charme de Chet.



Challenge Monopoly 1 (case 4 : un livre qui se déroule dans le futur)

Challenge Variété 23 (catégorie "un livre choisi pour sa couverture)

Challenge Petits plaisirs 25
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