de Bijenkorf Feest der Letteren - interview met Esther Gerritsen
Cela faisait plus de cinquante ans que son frère versait des larmes, et autant de temps qu'elle ne le prenait pas au sérieux. Comme si elle avait toujours cru jouer dans une comédie et qu'elle se rendait subitement compte que, en réalité, c'était une tragédie.
Elle se sentait coupable d'une trop grande culpabilité, elle voulait s'en débarrasser. Négligé par ses parents, Marcus avait été soulagé de pouvoir s'occuper de sa petite soeur. Pouvoir la consoler avait été pour lui la plus grande des consolations. Elle l'avait abandonné dès qu'elle avait été assez grande, et il avait renoué avec la solitude. Elle en avait éprouve de la pitié pour lui, une pitié toujours mêlée de culpabilité. (p. 86)
A l'hôpital, le couloir qui menait aux ascenseurs était si long que les visiteurs avaient tout le temps nécessaire pour se détacher du monde extérieur et se faire à l'idée qu'ils pénétraient dans l'univers de la maladie. (p. 36)
Elle ne supportait pas le chagrin. Elle avait toujours su qu'elle ne devait pas lui ouvrir, que, sinon, il l'engloutirait. (p. 138)
Gerard détestait le camping et il ne bricolait jamais. (...) Mais elle savait que fantasmer sur les camping-cars lui permettait d'occulter le mécontentement que lui procurait sa vie. (p. 122)
Il mangeait et buvait comme bon lui semblait, testait sa glycémie toujours trop tard, faisait l’impasse sur les visites de contrôle et tombait malade à en crever avant de se demander comment cela avait bien pu lui arriver. Olivia avait l’habitude, et elle avait l’habitude que tout finisse par s’arranger.
Quand elle le regardait, enfant, elle s’irritait des grimaces qu’il faisait en se mordant les lèvres, en fronçant le nez, en clignant des yeux. Même s’il avait cinq ans de plus qu’elle, elle l’avait souvent considéré comme quelqu’un sur qui elle avait dû veiller, et non l’inverse.