Ethan Kross

Ma petite voix intérieure n’est pas petite. Elle gronde, tempête, juge, hurle et ne cesse jamais son bavardage jusqu’à m’avoir fait perdre le sommeil. Alors, c’est tout naturellement que je me suis intéressée de près à cet ouvrage lors de la proposition de masse critique de Babelio sur la non fiction. Ma lecture a été laborieuse pour deux raisons : le contenu ardu et dense de l’ouvrage mais aussi et surtout car d’un point de vue professionnel, la période a été dure psychologiquement et particulièrement stressante. J’ai donc pu mettre à profit ma lecture en me servant des événements que je vivais pour mieux comprendre le propos d’Ethan Cross, diplômé en psychologie, expert de la conscience et directeur d’un laboratoire américain de recherche sur les émotions et le self-control. Malgré toutes ses connaissances sur le sujet et sur les techniques psychologiques de mise à distance des événements traumatiques ou stressants, Ethan Cross va tout de suite nous mettre à l’aise en nous relatant un événement issu de sa propre expérience où lui aussi va céder devant la force de ce bavardage intérieur polluant et déstabilisant. Suite à ses expériences menées dans son laboratoire et à leur publication, il reçoit une lettre anonyme de menace qui le déstabilise profondément et le fait se sentir en danger. La nuit venue, le stress de la menace combiné à cette petite voix intérieure qui ne cesse de ruminer autour de cette peur le conduit à un moment de panique. Ethan Cross se retrouve en pyjama dans son salon armé d’une batte de base-ball ayant perdu toute raison et tout self-control. Comme il explique si bien, découvrir chez les autres les mêmes difficultés à gérer ses émotions lors de périodes troublantes agit sur nous comme un onguent et nous permet un premier mouvement de mise en perspective. Car c’est bien cela le cœur de l’ouvrage : nous aider tous à utiliser quelques ressorts psychologiques élémentaires pour nous permettre de prendre cette juste distance nécessaire pour endiguer le flux de nos émotions négatives afin de ne pas nous y noyer – de jour comme de nuit ! Vous y apprendrez que notre voix intérieure peut diffuser un discours immersif où le « je » royal nous accule souvent devant tous nos manques, nos peurs, nos échecs. Stérile, ce discours ne fait que nous plonger davantage dans le stress et la peur, l’insécurité et le manque de confiance en soi et peut déclencher un cercle vicieux destructeur. Au contraire, cette petite voix peut tenir des formes de discours distancié, permettant une régulation de nos émotions. Grâce à ces petits outils d’auto-distanciation comme invoquer notre propre nom dans ces discours intérieur, utiliser le pronom « tu », en changeant de point de vue et en défocalisant sur le « je » et son ressenti, il nous est possible de sortir la tête hors de l’eau et d’éviter la noyade dans des situations particulièrement stressantes. Une des principales difficultés de lecture pour moi reste l’abondance des notes scientifiques qui alourdissent considérablement la fluidité de lecture. J’ai donc pris le parti au bout de deux chapitres d’abandonner leur lecture. Cela m’a permis de suivre plus efficacement les démonstrations du psychologue américain. Un livre qui peut apporter beaucoup malgré son apparente simplicité des solutions proposées car il nous incite à défocaliser sur nos émotions et à remettre un peu en perspective nos angoisses et nos peurs. Pour les parents, il permet également de donner quelques éléments concrets à semer dans les esprits de nos enfants lorsqu’ils sont eux aussi amener à faire face à l’adversité. En bref, un livre « d’hygiène psychologique » pour un mieux vivre, une lecture utile.

Au moment où j’écris ces quelques lignes, j’utilise la voix que j’ai dans ma tête pour rédiger cette chronique. Je suis devant mon ordinateur et je ne parle pas à voix haute. Je réfléchis à la tournure des phrases directement dans ma tête en me les citant avant de les mettre par écrit, et lorsque je ne suis pas satisfaite de ce que je rédige, cette même voix « interne » va commenter ce que je suis en train de faire « non tu ne peux pas dire ça comme ça » « les gens vont-ils comprendre que tu n’es pas une illuminée ? », etc.



A priori, nous avons tous cette petite voix qui parle dans notre tête et elle fait partie de ce qu’Ethan Kross appelle notre « état par défaut ». Nous conversons sans cesse avec nous-même et ce n’est en rien pathologique tant que l’on a conscience que cette voix vient de nous et non des extraterrestres, du gouvernement ou toute autre entité qui aurait pu prendre possession de notre cerveau. Cette voix nous aide à réfléchir, à mémoriser, à reformuler, mais peut aussi devenir handicapante lorsqu’elle nous fait ressasser ou que nous tentons de lutter contre son bavardage.



Ethan Kross, docteur en psychologie et spécialiste des neurosciences, dirige un laboratoire de recherche sur les émotions et le self-control. S’intéressant de près à cette petite voix que nous avons dans la tête, il en a étudié l’origine au niveau du cerveau puis le rôle et l’impact que cette voix peut avoir sur nous.



Cet ouvrage détaille de manière claire et approfondie – mais néanmoins dense – le contenu de ses découvertes. A une époque où le lâcher prise est presque devenu une injonction, nombre de personnes ne réussissent pas à faire taire cette petite voix dans leur tête qui parfois leur est insupportable. Alors que nous pourrions profiter de l’instant présent, combien de fois nous sommes nous retrouvés à réfléchir à des tas de choses, ressasser des conflits, planifier des projets, tout en passant totalement à côté de ce qui était en train de se passer autour de nous/sur le moment ? Cette voix peut nous apporter énormément lorsqu’elle sert notre introspection mais ses effets peuvent être dommageables sur notre santé lorsqu’elle mobilise intégralement et négativement notre attention. Par de nombreux exemples d’études, Ethan Kross démontre que notre cerveau va interpréter la souffrance psychologique liée aux ruminations comme autant d’agressions physiques, entrainant des stimulations inflammatoires dans notre corps.

Il nous propose ensuite de nombreux exercices pratiques afin de nous permettre de refaire de cette voix une alliée.



Je trouve ce sujet passionnant mais je me méfie des livres de développement personnel qui peuvent avoir tendance à voir l’humain comme une entreprise qui doit être productive, donner le meilleur de soi et être performant. Cependant, j’ai été agréablement surprise à lecture de cet ouvrage par l’approche scientifique très détaillée et la richesses des informations présentées (et des renvois à des articles, études, thèses étayant son propos).

Merci donc à Babelio et aux Editions Kero pour cet essai très instructif !

Tout d'abord, merci à la Masse critique de Babelio et aux éditions Kero pour la découverte de ce livre très intéressant !

On a tous une, voire des voix intérieures, plus ou moins utiles, et surtout plus ou moins motivantes pour notre quotidien. Ce livre décrypte leur fonctionnement et donne des pistes pour apprendre à écouter les voix bénéfiques et prendre du recul avec les plus nocives... Très instructif !

Maintenant, il faut mettre en œuvre !!