Etherian Lore

Je me sens mieux. Je me sens parfois instable mentalement, mais physiquement, c’est pas mal. À part peut-être quelques picotements dans le dos par moments, je suis généralement plus fort et énergique. J’ai les bras couverts de traces d’injection. Pour l’aspect esthétique, ce n’est pas vraiment charmant.

Je sais que, lorsque je lis, je me laisse emporter et j’oublie tout ce qui est autour. C’est comme sombrer dans un autre univers, traverser un portail et vivre pendant un moment dans une autre dimension. Même lorsqu’il y a un tapage constant, je réussis à rester concentrée. Ce n’est vraiment pas le moment de tomber dans cet état d’esprit. 
Mes oreilles sont aux aguets, mais le silence règne autour de moi. Je crois que c’est bon; je peux continuer. Je tourne la page du journal et vois qu’une ligne est tracée de biais sur la page suivante. Puis, les écritures reviennent, mais elles sont plus difficiles à déchiffrer et semblent avoir été écrites à la hâte.

Juste avant d’entrer dans la pièce, la créature a posé sa main sur mon épaule.

  Je me suis courbée vivement pour tenter de lui échapper. Elle s’est penchée vers moi en grommelant des mots incompréhensibles, qui étaient plutôt des sons gutturaux et humides provenant de sa gorge. Terrifiée, j’ai vu, d’un côté, la porte ouverte où je voulais aller et, de l’autre, la menace humanoïde qui plongeait sur moi. D’un solide coup de pied, je l’ai repoussée vers l’escalier, où elle a déboulé dans un vacarme dissonant. Libérée, j’ai passé la porte et je l’ai refermée aussitôt.

— Tu les as vus? Les proprios?

— J’en ai vu quelques-uns, mais, étrangement, chaque fois que je tente de les revoir, je n’y arrive pas. C’est un peu comme si leurs visages étaient brouillés dans mon esprit.

— Comme… censurés?

— Exactement.

— C’est peut-être une conséquence d’un traumatisme, d’un mécanisme psychologique qui bousille ta mémoire.

— Probablement… mais ça m’inquiète, ce truc. Que ce soit post-traumatique ou pas, j’en perds réellement des bouts…

C’est alors que nous avons tendu l’oreille vers la forêt. Un son d’abord strident en a émergé, suivi d’une sonorité grave et lourde qui perdurait dans l’air et qui faisait vibrer le sol sur son passage. J’ai vibré moi aussi et des poils se sont dressés sur ma nuque. Ce frisson latent a été réactivé par le cri suivant. Celui d’une bête enragée ayant dans la voix la résonance digne d’une trompette de la mort, un écho des enfers profonds.

Constatant que sa colère obtient un certain succès, il s’en donne à cœur joie et déverse sa rage en un flot de violence déchainée. La plante atténue la force de son étreinte, alors j’utilise ma main gauche pour tenter de retirer la tige. Il réagit au bon moment et nous la brisons en deux elle aussi. C’est alors qu’il me prend par la main et m’attire à lui, avant même que j’aie le temps de dire un mot.

Benoît n’a répondu à aucune de nos questions et s’est simplement effondré sur le sol, à genoux. Il a fixé l’horizon devant lui sans mot dire, puis s’est étalé vers l’avant, nous révélant une plaie profonde à l’arrière de son cou. Non pas une trace définie ou une ligne droite, mais plutôt une blessure béante, grossière et sanguinolente, par laquelle il se vidait de son sang.

Il fut difficile de savoir si la descente me semblait longue parce que j’avançais très prudemment à cause du manque de luminosité ou s’il y avait tout simplement de nombreuses marches qui défilaient sous mes pieds. Mes mains caressaient les murs froids et rugueux, mais elles ne m’ont pas permis de m’agripper lorsque mon pied a glissé.

« Notre destin est scellé. Tout a commencé. Il faut agir, et maintenant. Je me fous bien de ce que peuvent faire leurs chiens de garde. Ces gens, j’irai les chercher moi-même. »