Étienne Cunge vous présente son dernier roman "Symphonie Atomique".
14 sept. 2021
La devise « no future » n’avait plus rien de punk depuis bien longtemps...
Les prévisions les plus pessimistes des modèles climatiques du début de siècle n’arrivaient pas à la cheville de la réalité. Les cataclysmes se succédaient à un rythme effréné. Les scientifiques nommaient ces vagues les « marqueurs de l’effondrement ». Au nombre de cinq, ils portaient les doux noms de réchauffement climatique, désagrégation des écosystèmes, montée des eaux, incendies géants et, enfin, dernier en date : rupture du cycle de la matière organique… Le fondateur de la très apocalyptique secte des Témoins des Derniers Jours popularisa, plus tard, un autre terme : les Plaies. Un vocable passé depuis dans le langage courant.
Comme beaucoup, elle ne parvenait pas à s’empêcher d’écouter Radio Collapse. La fréquence qui foutait le bourdon et encourageait ce genre d’idées. Un véritable vice… comme on ne peut s’abstenir, malgré la douleur, de jouer avec sa langue sur une dent branlante.
Sous ses pieds, la planète bleue tournait et il devinait désormais la partie du globe plongée dans la nuit. Les incendies géants y brillaient comme des feux follets sur le mât d’un navire. La crainte se distilla dans les tripes du spationaute : qui était-il pour décider d’achever sa planète à l’agonie ? De quelles sanctions pourrait-on le menacer s’il n’exécutait pas le commandement reçu, vu que, presque quoi qu’il advienne, il mourrait, ici, en orbite, abandonné de tous ?
L’histoire et la vérité sont deux choses différentes depuis toujours. N’essayez pas de faire concorder les deux, cela ne vaudra à chacun de nous que des ennuis.
Le plus souvent, il prenait plaisir à cette balade, bien qu’il en ressorte plein de nostalgie, ou plutôt de solstalgie : ce sentiment de perte irrémédiable, successeur de la solastalgie. Cette pathologie était apparue très tôt dans l’histoire humaine – les Amérindiens et les peuples aborigènes pouvaient en témoigner. Ce mal, cette dépression due à la perspective de la destruction de son environnement, connu et aimé, n’avait cependant été décrit, diagnostiqué et nommé qu’à partir du début du troisième millénaire, lorsque les Occidentaux en expérimentèrent les ravages à leur tour.
Rien de bien nouveau dans une telle ségrégation de l’histoire et de la science…
Les générations actuelles subissaient un syndrome un peu différent. Conséquence psychique de la rémanence d’un paradis perdu, perçu dans l’enfance, mythifié, et dont on ignorait tout mais qui vous manquait en dépit de cela. Cette affliction, plus agressive encore que la précédente, s’en distinguait par la perte d’un simple « a ».
Deux ans plus tôt, sa maman aurait dû participer au Jour du Don, le nom attribué à la cérémonie de suicide assisté, autrefois volontaire, désormais imposé, aux anciens à leurs soixante ans. Selon le gouvernement, c’est indispensable pour réduire leur impact environnemental, comme les coûts sociaux, à un niveau acceptable
Un peu partout se construisaient des havres pour riches soucieux de survivre au chaos environnemental et social, bien à l’abri des regards, des crises, des épidémies, de la souffrance morale et physique des populations livrées au déchaînement des éléments et à leur propre sauvagerie.
Son instinct comme son expérience enseignaient à Juliane que les populations locales appréciaient fort peu les changements majeurs impliquant l'arrivée en masse d'étrangers et la remise en cause d'un mode de vie acquis.
L’histoire et la vérité sont deux choses différentes depuis toujours. N’essayez pas de faire concorder les deux, cela ne vaudra à chacun de nous que des ennuis.