Lise Belperron présente "L'échange" d'Almeida Eugenia .
Lise Belperron vous présente "L'échange" d'Almeida Eugenia Métailié. Parution le 25 août aux éditions Métailié. Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/almeida-eugenia-echange-9791022601412.html Notes de Musique : Suicide by Severin. Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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Le jeune homme comprend qu’il a dérapé, commis une erreur, que ce n’était pas ce qu’il aurait dû dire. Il sourit. Bien que l’autre ne le voie pas. Il sourit parce que c’est ce qu’on lui a appris : plus la tension est forte, plus ferme doit être le sourire. Les gens hésitent à attaquer quelqu’un qui sourit.
La loyauté se juge aux actes. On peut toujours se prétendre loyal, mais cela n’a de valeur que si les actes suivent. Les promesses ne servent à rien. On ne peut les apprécier qu’a posteriori. Faire des promesses et ne pas les tenir est pire. Il vaut mieux se taire. Toujours. Après avoir parlé, il faut agir.
Victoria apprend à tout voir et à garder le silence. La bibliothèque est fermée. Ils disent que c'est pour cause d'inventaire mais elle sait que ce n'est pas vrai. Ou pas complètement. Ils font l'inventaire des livres. Et quelques-uns, magiquement, se perdent. Ils perdent des pages, sont volés, mouillés, déchirés, brûlés. Perdus. Comme certaines personnes. Le contremaître la prévient qu'il a enterré deux corps. Qu'il les a trouvés la veille au soir. Des impacts de balles, mademoiselle. Ils devaient être morts depuis deux ou trois jours. Deux garçons. Non, ils ne sont pas d'ici. Non, [je n'ai pas prévenu] la police, non. Ils doivent être au courant. (p. 87)
[Argentine, milieu des 70's]
Ecoute, petite, toi tu es toute la journée toute seule, à te triturer les méninges. Tu t’imagines des choses qui n’existent pas. Peut-être que oui, qu’il arrive qu’en ville une erreur soit commise. Mais après, ils la corrigent. Un point, c’est tout. Ici ils ont bien fait de venir. Ils nettoient le village, ils nous protègent. Ils nous permettent de continuer à vivre tranquillement. Et tu aurais vu leur allure ! Les uniformes que portaient les officiers, les cheveux bien coupés, la moustache impeccable. Ils étaient parfaits.
- Mon père dit que l'autobus ne s'arrêtera plus jamais.
- Il faudra bien qu'il s'arrête quand il n'aura plus d'essence.
- Mais non, idiot, c'est dans le village qu'il ne s'arrêtera plus jamais.
- Et alors ? De toute façon, nous on ne va jamais nulle part.
– Je ne t’ai rien demandé.
– Je sais. Mais j’ai pensé qu’il fallait leur mettre la pression. Pour que les choses soient claires.
– Mais tu ne leur as pas mis la pression, Noriega. Tu leur as collé quatre balles dans la peau. Chez eux. Et tu as foutu un bordel monstre.
– Ne pas les punir, ça revenait à dire que tout le monde peut faire ce qui lui chante.
Sofía avale. Les ordres, les horaires, les phrases tronquées. Une gorgée de sable. Quelque chose qui fait mal en descendant. Elle prend à peine le temps de répartir sa charge pour se présenter à la table quatre avec le sourire. Elle cale une assiette, un verre de chaque côté, les serviettes, la bouteille. Et, tout sourire, malgré la douleur, elle efface Sánchez et pose son regard sur l’homme de l’autre côté de la vitre, de l’autre côté de la rue, sur le banc de la place. De l’autre côté du monde.
Elle emporte des assiettes sales à la cuisine. Quand elle passe près de Juancho, elle dit à voix basse :
- Ce que je t’ai donné, passe-le-moi avec les déjeuners.
Le cuisinier murmure quelque chose qui se perd. Maintenant la matinée est le temps qu’il manque pour arriver à midi.
Comme un mécanisme d’horloge qui serait resté bloqué, toujours à faire le même tour. L’écho de l’écho de l’écho. Quelque chose de provisoire, mais qui commence à prendre racine.
Des rumeurs insistantes parlent d’une possible intervention militaire dans la province en raison de la vague d’insécurité qui balaye notre ville.
Chercher le point de bascule où tout a commencé à s’effondrer.