En 1977, Roland Barthes dénonçait « le fascisme de la langue » construite arbitrairement par d’autres que soi et auquel nul, sous peine d’être incompréhensible, n’est en mesure d’échapper. »
Le moteur de la terreur est davantage la raison froide et calculatrice que la passion du sang et la jouissance de le voir couler dans d’atroces souffrances.
Depuis qu'elle connaît le succès, elle cherche à inspirer toutes celles et tous ceux qui, comme elle, font face aux barrières du racisme, du sexisme et de l'âgisme. Dans une conférence TED très largement partagée sur YouTube, elle passe en revue les types de discrimination qui l'ont façonnée pour exhorter son audience à les jeter au feu. "On m'a dit que je ne pouvais pas sortir un premier album à 30 ans, que j'étais trop vieille, mais je l'ai fait; on m'a dit que je ne pouvais pas chanter en lao, mais je l'ai fait." Elle s'étrangle alors: "Quoi? Le thaï et lao sont-ils si différents qui ne soit pas possible de deviner la signification des mots inconnus? Les Bangkokois pensent-ils vraiment que ce sont deux langues différentes? Je l'ignore, mais une chose est sûre, ils ont octroyé à "leur" version de la langue thaïe le monopole de la modernité."
Et en effet, ça marche, et si les thaïlandais ne comprennent pas les paroles, cela ne les empêchent pas d'aimer. Les concerts de Rasmee font le plein, à Bangkok comme dans l'ensemble du royaume, et une carrière internationale semble à la portée de cette frondeuse calme, rieuse mais aussi mystérieuse: comme tous les gens d'Isan, elle arbore des sentiments ambivalents à l'égard de sa région d'origine: "Il y a tellement de bonnes choses en Isan, mais aussi tant de mauvaises, comme partout." On n'en saura pas plus.
Quels ont été les obstacles et les limites auxquels vous avez été confronté en tant qu'universitaire travaillant sur la monarchie thaïlandaise?
Tout d'abord, il faut reconnaître qu'en tant que professeur d'université, je jouissais d'un certain privilège. Pour moi, l'obstacle était d'adopter un discours critique dans le cadre de la langue siamoise qui rendait cela impossible: je refusais d'utiliser le vocabulaire royal ou d'adopter des tournures de phrases trop déférentes à l'égard du roi. C'était un véritable casse-tête car la langue n'est pas conçue pour critique le roi. Je passais parfois une semaine sur une phrase pour trouver une formulation satisfaisante qui me permettait de critique sans outrepasser les limites. Dans tous les cas, une fois que l'éditeur recevait le manuscrit, il changeait systématiquement mes tournures de phrase et ajoutait du vocabulaire royal partout. Aujourd'hui, alors que je dois reprendre certains de mes anciens chapitres, je suis abasourdi par les difficultés dans lesquelles je me débattais à l'époque.
La dictature apparaît en réalité aujourd’hui comme un objet discursif construit à des fins identitaires de légitimation de la démocratie (et donc de la supériorité de l’Occident).