Citations de Eve de Laudec (27)
DE TOUS CES MOTS
De tous ces mots flanchés
Flanqués blancs et cousus
Des saillies pressenties au cœur du cœur
Et de mon immanence
De ces éclats de vivre
À l’asphyxie des gouffres
De ces indépendances écartelées
De mes je de mes nous
De mes autres
Et de l’instant perçu
Des émois transhumance
De tous ces petits riens aux traces éphémères
Fugitive noueuse
Je me suis engendrée
Prête moi ta plume
Je viens de perdre deux rémiges
Les ai retrouvées ce matin
Au creux du rocher craie
Poignée de cheveux d'ange
Aveu d’une tempête
Cauchemardesques franges
Légers plumets trempés au lagon de mes yeux
Mais l’encre sympathique se dérobe aux regards
Trop liquide, sans doute Ou trop antipathique
Est-elle dérangeante ou juste pathétique
Peut-être sera-t-elle lue en séchant au soleil
La sépia de la seiche a l’odeur de l’amer
Le fier albatros a taché son manteau
Les jeteuses d’essor savent que les coups de lune
Délavent les couleurs et déplument les rires
Je m’en irai, bancale, les ailes chiffonnées
Me coucher sur la grève avant que la marée…
Et l’âme de mon marin se perdra à jamais
Donner un sens à ma vie,
C’est prendre
Un non-sens interdit
Vent du désert
Embroussaille les dunes
Crinière de lion
À force de tuer le temps
Il saigne des secondes
Quitter
Elle me quitte. Elle me quitte si souvent que je
n’y prends plus garde, alors je m’assoie sur le rebord
de la fenêtre et je la regarde ou c’est elle qui s’assoit
et me regarde. Je ne sais pas bien laquelle quitte
l’autre.
Cela ne fait pas mal, juste une séparation
naturelle. Elle m’observe en silence, ne ressent rien,
aucune émotion. Elle n’intervient pas, regarde sans
entrer dans le scénario de ma vie. Quelque chose se
déroule mais sans elle. Elle observe moi.
Moi, c’est elle, dans l’autre ailleurs.
Escroqueviller
Le jour où il arrêta d’écrire, il s’escroquevilla à
l’intérieur de sa peau. Elle était si fine et si craquelée
qu’on devinait en filigrane les boursouflures de sang
caillé. Sans flux, tout s’éteignit.
Et la nécrose du silence remplaça ce qui n’avait
été qu’une vanité égotique.
Il n’exista plus, ni feuille ni ondes, ni papier
ciseaux caillou. Avait-il seulement existé ? Personne
ne prêta attention à son inexistence.
[…]

Pour à Contre
Pour tous ces grands voyages que nous ne ferons pas
Pour autant de rivages où ne crierons pas terre
Pour cet avion si pâle en forme de trépas
Pour un vaisseau fantôme qui sous les draps se perd
Contre toi à chaque heurt
Contre toi je trépas
Pour tous ces clairs de vie que tu as occultés
Pour mes jambes coupées et pour tes lèvres closes
Pour tant d’obscurs soleils jamais réanimés
Pour la fuite du tant et du si peu de choses
Contre toi à chaque peur
Contre toi je trépas
Pour l’aigle décapité au fond de sa tanière
Pour savoir au matin l’improbable horizon
Pour une inspiration délitée en lanières
Pour dénouer l’amant à chaque expiration
Contre toi à chaque leurre
Contre toi je trépas
Pour tarir en reflux les mots écartelés
Pour les rires insensés engloutis dans la vase
Pour l’été vomissant une errance gelée
Pour le désir de mordre dans une terre arase
Contre toi à chaque heure
Contre toi je trépas
Pour un écheveau d’âme dénouée en poussière
Pour un iris aveugle embrasé de terreur
Pour n’espérer demain rejouant comme hier
Pour à contre courant éteindre la lueur
Contre toi à chaque cœur
Contre toi n’être pas
Poids Plumes
Extrait 2
Lettres mouillées si lourdes sous les pluies diluviennes
De se quitter un jour faut-il qu’on s’en souvienne
Babillardes du jour pour écraser l’absence
Au crépuscule aussi douce correspondance
Billets hurlés en vain le cœur tranché à cru
D’amour écarquillé que tu n’as pas reçus
Epître selon Saint-Jacques en relais composé
En d’éternelles pages sans cesse recommencées
Une prose lancée en vers et contre tous
Est-elle un témoignage appel à la rescousse
Un souvenir saignant d’une vie inachevée
Qui ne peut s’enmourir tant il est bien rivé
Amour mon cher amour à toi je les dédie
Ces feuillets trop brûlants de nous de nos écrits
Ce sont mes Belles-Lettres même si l’Académie
Jamais ne les découvre ni jamais ne les lit
Roman
Un roman à l’eau d’arrose est un roman fleuve
Pleine
Gorgée d’esquives
Et de leurres
Elle troue les méandres
De l’ombre
Je tends à son halo
Mes doigts conque
Garder encore un peu
Le chant de Séléné
Poids Plumes
Extrait 1
Six kilos cinq cents grammes Le poids de notre histoire
Le poids de nos toujours Le poids de ce grimoire
Trois rames de papier plus quelques feuilles éparses
Le premier aveu fou était au mois de mars
Mille cinq cent douze Aquatres pour unique témoin
Tant de conversations à brûle et sans pourpoint
Tant des courriers m’ailés caressant nos instants
Que l’Amour insupporte de les cacher au temps
Missives de profundis de passion indicible
Orchidées déraison lancées sur papier-cible
Émoi et toi liés et le cœur de travers
À visage caché et à mot découvert …

EYASI
Eyasi
Les flamants dégorgent lilas au bord du lit dont les linges défaits se
répandent en lac
Las Eyasi tu étouffes
Les lacis de jacinthes ont souillé ta lagune
Mêlés à la laitance de tilapias lascifs
Et l’eau se perd
Aux larmes du lamantin égaré languissant impuissant tel un monstre
de légende à conter
Eyasi
Quand les limbes du jour descendent des sommets
À l’heure où le ciel en lave étend son lavis lie-de-vin et lèche à grands
coups de langue limonite la savane lézardée
S’insinue comme un leurre dans l’ocre des volcans
Enterre de sienne brûlée la fournaise
Apaise le cinabre et flatte en vermillon
Lorsque commencent à vibrer en amalgame les peaux retendues
et la mélopée des crapauds buffle
Alors tu te réveilles
Eyasi
Seuls les lampyres étoilés ou les yeux des léopards éclairent les
lapilli rocheux
Et loin très loin les lueurs du lodge
Aux confins de l’ouest
Les cloches glabres du lazaret lancent leur appel
Létal
Les aigles ravisseurs attisent leurs ailes à l’aplomb du cratère
pour disputer aux chacals ricanant
En longues lanières
Les carcasses de colobe écervelé ou d’impala aventureux
Que le grand Rugissant a délaissées
Eyasi
Le crépuscule voile tes lésions
Et le marabout laisse enfin voyager tes rêves
De lune rousse.
Encoquillé fort
Escargot, cool limaçon
Queue s’en remord
Un Chat errant
Affalé sur ma terrasse
Je me gratte
Crilence
C’est le cri réprimé de la fillette violée
Qui s’est sentie coupable
Qui n’a été capable
C’est le sanglot muet de l’amour repoussé
La tête est enterrée
Et les oreilles bouchées
C’est le vide béant dans un cœur arraché
Quand le un devient deux
Quand on coupe au milieu
C’est la terrible angoisse d’être seule en été
Quand la foule est autour
Quand s’écroule le jour
C’est la mer retirée lors des grandes marées
Quand la grève asséchée
Crache ses vénéridés
C’est le temps qui s’arrête comme l’oiseau blessé
Qui tournoie en tombant
Écrase les amants
Hurlements de chagrin n’ont plus droit de cité
On doit les étouffer
On ne doit pas gêner
C’est le crilence
Demi-Vrai
Laissez-moi s’il vous plait
Dire des demi-vrais
Raconter des mensonges
Juste des invensonges
Garder le privilège
De bouger les arpèges
De jongler dans le temps
De sonder le néant
En aucune façon
Mon mot n’est confession
Vous qui me connaissez
Ailleurs que sur papier
Ne vous laissez donc pas
A l’heure de mon trépas
Envahir par le doute
Je mens à tous à toutes
Je trafique mes histoires
Je mélange mes déboires
Toutes mes entourloupes
Amplifiées à la loupe
De fond en feinte lissant
De fil en faille glissant
J’imposture en douceur
J’affabule en douleur
Mais jamais hypocrites
Mes vérités écrites
Baratin d’évidences
Sur l’imposture je danse
Certitudes tentées
Réel élaboré
Tels des friandises
Dédouanant ma franchise
Pour vous me mets à table
Mais ne suis pas coupable
Ligne rouge
Je lance mes bidons à l’amer
Tume et faction
Coulant à perte mais sans fracas
Boomerang en pleine gueule
À marée montante
Alors
Je montre mes fesses à la lune
Sans sourire sans désir
Je lance ma ligne sans réseau
Sans fil et sans appât
Attrape qui pourra
Qui mordra répondra
À l’eau allo
J’arrache à pleines dents
La nuque de mes angoisses
Echevelées
Effilochées
M’en nourrir m’en vomir
M’en mourir
Et je vous crie à vaine voix
À veine ouverte
À veine accrue
Oubliez-moi
Secourez-la
Je n’ai besoin de personne
Ni Harley ni David ni Sun
Juste envie d’eux
D’elles et de vous
Et de lui
Et de Toi et de toi
Et de toi
Et d’un toit démentiel
Et d’un ciel démonté
Mon âme ment
Son amant
Alter Ego
J’effacerai ton drame
De rester éternel ado
Je laperai tes larmes
Serpent de sel de cri et d’eau
Enlace-moi de ton charme
À ton amour je suis accro
Je déposerai mes armes
Tu seras mon alter ego
Tu connais le sésame
Je suis ton deux, dis-moi le mot
Viens
Dédale
Les murs trop blancs
Réverbères de mots écrasés
Comme des crachats régurgités
Sur mon Néant
Ombres funestes
Scarabées mous de mon rorschach
Verdictent l’heure de mon écart
Passage à l’ouest
Le faux-semblant
A raison de ma déraison
Mirage des poings liés-lions
Camisolant
Crier sans voie
Lactée maman oh abandon
Piqure d’oubli tue électron
Entendez-moi
Semer des glands
Perdu chemin dans le bocal
Désespérée mon âme Dédale
Les murs trop blancs