Citations de Evelio Rosero (27)
Son visage était radieux, comme le jour de sa première communion, comme au moment de recevoir son diplôme de médecin, comme à l’église lorsqu’il avait épousé la femme dont il était amoureux et comme lorsqu’il l’avait enfin vue nue.
Tout est possible dans cette vie. Dans l'autre, je ne sais pas. Mais dans celle-là, si. Rappelons-nous ce que disaient les anciens : 'Hier le coiffeur, demain le fossoyeur.' Ce qui veut dire en clair : 'Ne nous compliquons pas la vie et dansons'.
[...] "l'obéissance aux ordres" était et reste l'excuse universelle des massacres.
[...] la peur de mourir est plus forte que n'importe quel amour.
Et de temps en temps nous échangions quelque confidence, au point d'éprouver cet étrange état d'âme qui permet de croire que dans la vie nous avons un ami.
Ce n'est plus la jeune fille de vingt ans assise dans les w-c d'une gare routière, les yeux comme des phares au sommet d'une île retroussée... la jointure des jambes, le triangle du sexe, animal ineffable... C'est aujourd'hui une vieille et heureuse indifférence, allant d'un côté à l'autre, au milieu de son pays et de sa guerre, elle est comme les autres à l'heure de la vérité.
Lui et sa femme ne partageaient rien, ni au lit, ni sur terre, ni en l'air : l'ennui le plus pénible, celui qui porte des fardeaux de haine, pesait sur eux depuis très longtemps.
[...] la farce fraie avec la médisance, leste le vent d'un mensonge accusateur, une farce [...] pouvait être plus impitoyable qu'une frayeur mortelle [ ...].
Celui qui ment à l'heure de sa mort n'est pas un homme.
[...] c'est incroyable la quantité de cochonneries qu'un être humain peut absorber, et pas dans les tripes, dans la tête.
Gardez l'amour. L'amour est plus fort que la luxure.
A Bogota, il semblait que même le vent informait les voleurs. Il y a trente ans de cela, quand il acheta son premier studebaker, lorsqu'il allait le ranger à minuit dans le garage, trois voleurs le mirent en joue. Ils étaient très jeunes; ils étaient plus nerveux que lui; sans doute volaient-ils pour la première fois; et il leur parla; il ne sut jamais où il avait trouvé le courage de parler et de les convaincre du mauvais chemin qu'ils prenaient en volant un citoyen, que diraient leurs parents?, pourquoi ne volaient-ils pas le président?, lui n'était qu'un fonctionnaire endetté, attention à la vie facile, la prison attend le voleur, la justice claudique mais elle arrive, et il leur donna quelque argent et leur dit au revoir en leur serrant la main à chacun. Non seulement il ne serait pas capable de parler mais encore les voleurs jamais le lui permettrait et lui tireraient dessus avec plaisir et à bientôt, coco.
(traduction libre du contributeur à l'usage des Babelionautes, éd. Anagrama p. 235)
Les deux frères étaient arrivés sur leurs motocyclettes (...). Ils étaient contemporains de France et de Lisbonne*, mais, au contraire d'elles, ne finissaient pas encore leurs études et ne les termineraient jamais : ils jouissaient tous deux de postes au ministère de la Justice, où ils étaient déjà reconnus comme docteurs en Droit. Un tel rang, et leurs situations, qu'aimeraient avoir de vrais diplômés et avec de l'expérience, furent un cadeau du magistrat Caicedo qui de temps en temps usait de son influence pour aider les membres de sa famille, leur prodiguant des emplois à haute responsabilité. Ces usages et ces abus n'inquiétaient pas le magistrat: c'était une chose qu'il devait faire, une chose que n'importe qui dans le pays aurait fait à sa place.
Traduction libre du contributeur à partir du texte original à l'usage des Babelionautes.
(*: les deux filles des maîtres de maison . Note du contributeur)
L'amour c'est du verre, [...] tôt ou tard il se brise.
Les historiens ne sont jamais d'accord sur les détails. C'est impossible. Ils sont d'accord, il faut l'espérer, sur l'essence des faits, du moins si ce sont de véritables historiens.
Qui ont-ils enlevé cette fois ? Nul ne le sait et personne ne meurt d'envie de le savoir ; qu'on enlève quelqu'un, c'est monnaie courante, mais il est délicat de poser trop de questions, de trop s'inquiéter.
L'âge n'apporte pas la paix.
Le silence se voit lui aussi, comme le soupir. C'est jaune, ça glisse sur les pores de la peau comme une brume, ça monte par la fenêtre.
J'ai la même nausée que lorsque je suis redescendu de la cabane de maître Claudino. Je rentre chez moi par le verger, je retrouve mon lit, d'où l'on m'a sorti, et je m'allonge sur le dos comme si je me préparais à mourir, maintenant oui, et seul, en toute conscience, même si miaulent près de moi les Survivants lovés sur l'oreiller. "Quel jour est-on ? je leur demande. j'ai perdu la notion du temps. Qu'est-ce qui s'est passé sans qu'on s'n rende compte ?" Les Survivants abandonnent la chambre et je reste plus seul que jamais, définitivement seul, maintenant, c'est vrai, Otilia, sans toi j'ai perdu la notion des jours.
La seule consolation de la vieillesse c'est que les amis vieillissent en même temps que nous [...].