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Citations de Evgueni Zamiatine (377)


Aujourd'hui […], à seize heures dix exactement, je me trouvais devant le mur de verre étincelant. Au-dessus de moi, les lettres d'or : " Bureau des Gardiens " brillaient comme un soleil. À travers les murs, je voyais une longue file d'unifs gris-bleus. Les visages luisaient comme des lampes dans une ancienne église. Ils étaient venus pour accomplir une action sublime : pour trahir et sacrifier sur l'autel de l'État Unique, leurs parents aimés, leurs amis, eux-mêmes. J'aurais voulu me précipiter vers eux, mais je ne pus, mes pieds étaient comme soudés aux dalles de verre. Je restai là, les yeux fixes…

Note 8.
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U prit le billet rose tandis qu'au-dessus de sa tête, à travers le mur de verre, la lune bleue et parfumée pendait à une branche invisible. Je la montrai triomphalement du doigt et dis :
« Vous voyez la lune ?
[…]
— Vous n'avez pas votre teint habituel, vous avez mauvaise mine, mon cher. Vous vous abîmez, et personne ne vous le fait remarquer, personne !
[…]
— Chère et admirable U ! — Vous avez certainement raison, je ne suis pas normal, je suis malade, j'ai une âme, je suis un microbe. Mais la floraison n'est-elle pas une maladie ? Le bouton qui éclate ne fait-il pas mal ? Ne pensez-vous pas que le spermatozoïde soit le plus terrible des microbes ? »

Note 23.
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Arrivé à la maison, je courus au guichet, montrai au garçon mon ticket rose et reçus en échange la permission d'utiliser les rideaux. Nous n'avons ce droit qu'aux jours sexuels. D'habitude, dans nos murs transparents et comme tissés de l'air étincelant, nous vivons toujours ouvertement, lavés de lumière, car nous n'avons rien à cacher, et ce mode de vie allège la tâche pénible du Bienfaiteur. Autrement, on ne sait ce qui pourrait arriver.

Note 4.
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On ne devrait pas laisser circuler dans la rue ces bandes de petites vérités, nues et chauves. Imaginez un peu que mon fidèle adorateur, S, vous le connaissez du reste, se défasse de tout le mensonge de ses habits et apparaisse en public sous son aspect naturel… Ce serait tordant.

Note 10.
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— Cite-moi le DERNIER chiffre.
— Quoi ? Je ne comprends pas, quel dernier chiffre ?
— Eh bien, celui du dessus, le plus grand !
— Mais, I, c'est absurde. Le nombre de chiffres est infini, il ne peut y en avoir un dernier.
— Alors pourquoi parles-tu de la dernière révolution ? Il n'y a pas de dernière révolution, le nombre des révolutions est infini. La dernière, c'est pour les enfants : l'infini les effraie et il faut qu'ils dorment tranquillement la nuit…

(назови мне последнее число.
— То есть ? Я… я не понимаю: какое — последнее ?
— Ну — последнее, верхнее, самое большое.
— Но, I, — это же нелепо. Раз число чисел — бесконечно, какое же ты хочешь последнее ?
— А какую же ты хочешь последнюю революцию ? Последней — нет, революции — бесконечны. Последняя — это для детей: детей бесконечность пугает, а необходимо — чтобы дети спокойно спали по ночам…)

Note 30.
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J'ai eu l'occasion de lire et d'entendre beaucoup d'histoires incroyables sur les temps où les hommes vivaient encore en liberté, c'est-à-dire dans un état inorganisé et sauvage. Ce qui m'a toujours paru le plus invraisemblable est ceci : comment le gouvernement d'alors, tout primitif qu'il ait été, a-t-il pu permettre aux gens de vivre sans une règle analogue à nos Tables, sans promenades obligatoires, sans avoir fixé d'heures exactes pour le repos ! On se levait et on se couchait quand l'envie nous en prenait, et quelques historiens prétendent même que les rues étaient éclairées toute la nuit et que toute la nuit on y circulait.
C'est une chose que je ne puis comprendre.

Note 3.
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Je regarde ses lèvres sans rien dire. Les femmes, toutes, sont des lèvres, seulement des lèvres. L’une les a roses, élastiques et rondes – un anneau, tendre barrière contre le monde. Et puis celles-ci : une seconde auparavant elles n’étaient pas là, et tout à coup – un couteau – et des gouttes de sang suave.
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Elle regardait le plancher, ses paupières étaient baissées comme des rideaux. Une pensée me vint subitement. Vers vingt-deux heures, sur le boulevard, parmi des cellules vivement éclairées, d'autres sont toutes sombres, les rideaux tirés. Et là, derrière ces rideaux… Que se passe-t-il donc derrière ses rideaux à elle ? […]
J'ouvris une lourde porte, grinçante et opaque, et nous nous trouvâmes dans un local sombre et en désordre qu'on appelait autrefois : " appartement ". […] Il était impossible de mettre ça en équation. Je supportais ce chaos avec peine. […]
— Et dire qu'ici on aimait " tout simplement, comme ça ", on brûlait, on se tourmentait… (les rideaux de ses yeux se baissèrent encore), quelle dépense déréglée et absurde d'énergie humaine ! N'est-il pas vrai ? […]
Nous nous arrêtâmes devant le miroir et je ne vis que ses yeux. Je pensai que l'homme est constitué aussi stupidement que ces " appartements ", les têtes des gens sont opaques et n'ont que les yeux comme fenêtres. Elle sembla deviner ce que je pensais et se retourna, ayant l'air de dire : " Eh bien, les voilà mes yeux… " J'avais devant moi deux fenêtres sombres avec, derrière, une vie inconnue. Je ne voyais que le feu mais je savais qu'une " cheminée " fumait à l'intérieur.

Note 6.
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Que tous ceux qui s’en sentent capables composent des traités, des poèmes, des manifestes, des odes ou autres œuvres célébrant la beauté et la grandeur de l’État Unitaire.
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— Est-ce que vous avez entendu parler d'une opération nouvelle qui servirait à supprimer l'imagination ?
J'avais entendu parler de cela quelques jours auparavant.
— Oui, qu'est-ce que cela vient faire ici ?
— Eh bien, si j'étais à votre place, j'irais subir cette opération.
Quelque chose d'acide comme un citron apparut sur l'assiette. L'allusion la plus éloignée à son imagination problématique lui paraissait une insulte, à ce pauvre garçon… Et puis, que dis-je, il y a huit jours, je m'en serais aussi vexé. Maintenant, non, parce que je sais que j'en ai : je suis malade. C'est une maladie extraordinaire, car je n'ai pas envie de guérir. Cela ne me dit rien, voilà tout.

Note 15.
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Les enfants sont les seuls philosophes qui soient hardis. Et les philosophes hardis sont nécessairement des enfants. Il faut être comme des enfants, il faut toujours demander : " Et après, quoi ? "

Note 30.
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« C'est ici, dit-elle. Comme par hasard, c'est celui dont je t'ai parlé à la Maison antique qui est de service aujourd'hui. » De loin, en regardant soigneusement les forces qui germaient en moi, je lus une enseigne : " Bureau Médical ", et compris tout.
Nous entrâmes dans une chambre de verre, pleine de brouillard d'or. Des bocaux, des bouteilles colorées, des tuyaux, des étincelles bleuâtres dans des tubes. […] Je n'entendis pas ce qu'elle lui dit. Je regardais son sourire et me sentais sourire sans retenue, béatement. Les lèvres en ciseaux étincelèrent et le médecin déclara :
« Certainement, je comprends. C'est une maladie très dangereuse, je n'en connais pas de plus dangereuse… » Il éclata de rire, écrivit rapidement quelque chose de sa main de papier et tendit la feuille à I ; il remplit une seconde feuille qu'il me donna.
C'étaient des certificats établissant que nous étions malades et ne pouvions aller à notre travail. Je volais mon travail à l'État Unique, j'étais un voleur passible de la Machine du Bienfaiteur. Mais cela m'était indifférent et lointain. […] Je pris la feuille sans hésiter une seconde. Tout mon être, mes yeux, mes lèvres, mes mains savaient que cela devait être ainsi.

Note 13.
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Les murs jaunes semés de taches rouges m'observaient par les yeux sombres et carrés de leurs fenêtres. Ils me regardèrent ouvrir les portes grinçantes des hangars, examiner les coins et les impasses. Je remarquai une petit porte dans la palissade, une clairière déserte, le monument à la grande Guerre de Deux Cent ans, des côtés de pierre nues émergeant du sol, des mâchoires jaunes de murailles brûlées par le soleil, un poêle ancien avec un tuyau vertical qui le faisait ressembler à un bateau pétrifié parmi des vagues de briques et de tuiles jaunes et rouges.

Notes 21.
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— Je ne comprends pas pourquoi je débite des bêtises pareilles…
— Pourquoi méprises-tu les bêtises ? Si l'on avait soigné et entretenu la bêtise humaine pendant des siècles, de la même façon que l'intelligence, il est possible qu'elle serait devenue une qualité très précieuse.

Note 23.
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Eh bien, les Tables des Heures, elles, ont fait de chacun de nous un héros épique à six roues d'acier. Tous les matins, avec une exactitude de machines, à la même heure et à la même minute, nous, des millions, nous nous levons comme un seul numéro. À la même heure et à la même minute, nous, des millions à la fois, nous commençons notre travail et le finissons avec le même ensemble. Fondus en un seul corps aux millions de mains, nous portons la cuiller à la bouche à la seconde fixée par les Tables ; tous, au même instant, nous allons nous promener, nous nous rendons à l'auditorium, à la salle des exercices de Taylor, nous nous abandonnons au sommeil…
Je serai franc : nous n'avons pas encore résolu le problème du bonheur d'une façon tout à fait précise.

Note 3.
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Il y a mille ans que nos héroïques ancêtres ont réduit toute la sphère terrestre au pouvoir de l'État Unique, un exploit plus glorieux encore nous attend : l'intégration des immensités de l'univers par l'INTÉGRAL, formidable appareil électrique en verre et crachant le feu. Il nous appartient de soumettre au joug bienfaisant de la raison tous les êtres inconnus, habitants d'autres planètes, qui se trouvent peut-être encore à l'état sauvage de la liberté. S'ils ne comprennent pas que nous leur apportons le bonheur mathématique et exact, notre devoir est de les forcer à être heureux.

Note 1.
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Le général frétilla: "Est-il possible que ce soit-elle ?"
Il sortit à la hâte, en trottinant. Sa brioche protubérante courait en tête, comme s'il la portait dans une brouette. Son pantalon remonté godait sur ses bottes.
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— Écoutez, vous voulez faire l'originale, c'est clair, mais…
— Oui, interrompit-elle, je veux être originale, c'est-à-dire me distinguer des autres. Être original, c'est détruire l'égalité… Ce qui s'appelait dans la langue idiote des anciens " être banal " n'est maintenant que l'accomplissement d'un devoir.

Note 6.
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Cependant, chers lecteurs, réfléchissez un peu, cela aide beaucoup.

Note 3.
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Ce n'était pas un visage qu'avait l'ordonnance généralesque, mais un samovar en cuivre lustré : si gonflé qu'il reluisait. Il ressemblait lui-même à un samovar éteint, mais là, brusquement, il s'était mis à gondoler, à bouillir.
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