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Citation de Charybde2


« Entrez, c’est toujours ouvert. »
L’uniforme jaune et bleu pousse le portillon, et grimpe la douzaine de marches jusqu’à moi. Nous avons un facteur philosophe : « Je colporte heurs et malheurs plein la sacoche, aime-t-il à dire, mais ne choisis pas à qui je les distribue. » Toutefois, aujourd’hui, il arbore un visage étrangement fermé et me salue à peine. Il me tend une enveloppe frappée d’un drapeau tricolore.
À défaut de choisir, me dis-je, il doit parfois deviner la nature de ses augures : le plus gros expéditeur de courrier du pays est l’Agence nationale du travail.
Si mon mari avait reçu le pli officiel à ma place, il se serait débrouillé pour l’égarer dans un coin du salon. Un homme, ça fait semblant de ne pas avoir marché dedans tant qu’il ne sent pas l’odeur. J’arrache le haut de l’enveloppe avec les dents.
« Et moi qui voulais installer une alarme ! », s’écrie Marc, avachi en jogging devant une émission de téléréalité qui promet un emploi de veilleur de nuit au gagnant. Cécile, tu effraierais un cambrioleur ! »
La lettre porte l’en-tête du ministère de l’Intérieur. J’en termine la lecture à haute voix en m’approchant de Marc :
« …que votre sous-sol a été désigné pour abriter une annexe du commissariat central de la Police nationale.
– Pas étonnant, dit Marc sans quitter la télévision des yeux, vu qu’il est vide. »
Vide, notre sous-sol ? Mais j’y ai entreposé mille projets ! Un atelier pour me mettre à l’aquarelle ; une salle de sport pour que Marc élimine son bedon naissant de quadragénaire ; un dressing…
Je coupe d’autorité le son de la télévision.
« Une annexe du commissariat, moi, je ne me plains pas, grogne Marc. Ça aurait pu être un centre de réinsertion pour chômeurs délinquants. »
Mon mari a toujours eu un faible pour les uniformes. Il regarde passer les camions de pompiers comme un gosse et, l’an passé, est allé voir le défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées.
« De toute façon, ça aurait fini par arriver, soutient-il en m’attrapant la taille sans bouger de son fauteuil. Les emplacements libres sont devenus rares dans le quartier. »
Une demi-douzaine d’annexes du commissariat y ont déjà élu domicile. Sans marcher plus de dix minutes, nous avons accès à une sous-sous-préfecture, à deux tribunaux correctionnels, à une cour d’assises et, bien entendu, aux multiples bureaux de l’Agence nationale du travail et des services de recrutement interarmées, de la Police nationale et de la magistrature.
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