Citations de Fabienne Raphoz (30)
"Il y a au fond du conte, continuant de rêver, en état de rébellion à l'état pur, en état de splendeur à l'état pur, un jadis animal aussi intraitable que l'enfant incorrigible."
[Pascal Quignard, cité en exergue]
« charivari des varis ! »…
« charivari des varis ! »
dit l'enfant
makis & sakis se planquent
l'atlas éteint s'est rendormi
le crocodile ouvre sa gueule
il est huit heures
il se distingue…
il se distingue
à son aile déchirée
j’ai pris l’ami
de passage
le compagnon
de vie
pour témoins
les éthologies diraient
c’est un individu
usé
il est revenu
trois matins
c’est une relation
Ramier défie…
Ramier défie le lent élan claquant de l’aile
puis plane
Sous l’alouette lulu dégringolant sa flûte
labile
Il n’y aurait finalement que ça au monde
et toi
Puis les vents chassant les chants charriant mer comme
menace
Fauvette…
Fauvette !
si mon chant
était semblable
au tien
j’aurais trouvé
le ton juste
petits carrés
de bleus
posés là à
deux
mains
[Pour Lucatti]
Comment traduire « avec dextérité » en langue oiseau, plus agile du bec que de la main droite ?
Dans les guides de terrain, chacun traduit de l'oiseau vers l'homme comme il peut, selon une norme phonétique plus ou moins respectée. Infinie romancière de ses verbes déclaratifs, la pie-grièche kschè-kschè-kschè ou tché-tché, tchu-èc tchu-éc, quand elle ne grèè grèï, vètt-vètt, hak-chak-chak pas, voire, prend l'accent de sa Majesté quand elle krew (prononcer crou mouillé, la bouche un peu pincée) ou qu'elle chak-chee-chaar.
Le journal fausse le passé, au moment de sa lecture, il force le souvenir. C'est un paradoxe temporel : écrit dans l'instant pour ne pas perdre l'instant, il laisse se perdre tous les instants qu'ils n'a pas consignés. Parfois, le journal fonctionne, à la manière du carnet, comme un déictique, un propulseur, la note lacunaire ouvre un champ que le poème, même condensé, saura, ou ne saura pas, exprimer, mais s'il est trop rédigé, le fragment se suffit à soi-même.
Au moment précis où je commence ce livre, le 30 juin, 9h38, un Troglodyte mignon est à peu près le seul de sa classe à percer le silence. Son chant, qui alterne les modes majeur et mineur, est rythmé par les gouttes d’une pluie continue dont le timbre varie selon leur densité et le support qui les accueille, feuilles de frêne ou de tilleul, gravier, friche, vitre
ouvrir la fenêtre et dire, voyez, un monde existe
Yucatán
je crois que je suis
ce que j'ai vu
ce rêve !
le regard sans adjectif
de la baleine
gravité en tête
fut lumière du monde
combien d'ailleurs pour
cette clarté ?
p.20
seuls les chants…
seuls les chants
même précoces
nous consolent
des chants per-
dus
enfermé…
enfermé
l'œil fertile
les expose
toutes les bêtes
de la Tête
puis les libère
du toit ‒ trop
plat
PROCELLARIIFORMES
(Diomédéidés)
Extrait 3
L’Albatros brun sourit tout le temps
L’Albatros d’Amsterdam l’Albatros à nez jaune l’Albatros à sourcils noirs l’Albatros à pieds noirs l’Albatros de Buller l’Albatros des Chatham l’Albatros à tête grise l’Albatros de Laysan l’Albatros fuligineux l’Albatros de Salvin l’Albatros à queue courte l’Albatros à queue blanche l’albatros brun l’Albatros royal l’Albatros hurleur des Galapagos : tous les albatros sont vulnérables, en danger ou bientôt menacés
GÉOLOGIE
je suis faite de la
pierre de mon pays
la rousseur du
gypaète aussi
.
Fossile dit
l’âge de la roche
Nautile
celui du temps
.
Niedecker dit
dans tout fragment
de tout ce qui vit
reste de la pierre
p.46
le buisson
…petit trou.
le petit trou a donné
forme figure et sol
au toupaye au tarsier
au poisson-ventouse
au
singe
solitude est liste
face au monde
*
se creuse encore
bouche de terre bée
cénote ou méthanier
trou de ver
c'est le poème !
aurait flûté retour
son os a vœux
p.33
mon-t fuji
Du grenier
je suis sortie chercher le poème
n'ai trouvé
ni le poème ni la sortie
mais un faon
dans le nouveau lotissement
p.68
mon-t fuji
Jeux d'hiver
rien de tout le monde
la neige – de Kepler
sur le merle d'ici
nuée de tarins
au faîte du frêne
du jaune s'égosille
j'ai eu un peu
envie de mourir
aujourd'hui
p.67
mon-t fuji
Jeux d'Automne
des fois je veux tout arrêter
mais puisque le présent
je chante
les cris sont difficiles
à identifier
*
échange rouge
la gorge triomphe
de la queue
bientôt l'hiver
*
qu'est-ce que je manque
quand je m'absente ?
p.66
Sur Sainte-Hélène…
Sur Sainte-Hélène
il y eut
un coucou
de Sainte-Hélène
il y eut
une huppe
de Sainte-Hélène
Il y eut
un râle
de Sainte-Hélène
Sur Sainte-Hélène
il y eut aussi
un pigeon bleu
On peut encore trouver
un pluvier
de Sainte-Hélène
sur Sainte-Hélène
&
JONATHAN
188 ans
[Tortue géante des Seychelles]