Méditation audio guidée à partir d'une oeuvre de Fabienne Verdier tirée du beau livre "Méditer à travers l'art, 100 oeuvres pour faire l'expérience de la pleine conscience" de Soizic Michelot.
Pour en savoir plus : https://www.albin-michel.fr/mediter-a-travers-lart-9782226464712

Je parlais assez bien le dialecte local pour baragouiner avec eux, mais ce qu’aucune parole ne serait parvenue à obtenir, quelques traits de crayon y réussirent. Pour comprendre comment quelques croquis suffirent à ce qu’ils m’accordent leur confiance, il faut se rappeler l’importance du trait en Chine. […] les Chinois savent que le discours peut être hypocrite; ils l’ont appris à leurs dépens. Une peinture, par contre, un dessin ou une calligraphie, tout ce qui relève du trait ne peut tromper; la vertu morale de celui qui le trace s’y révèle, elle y est mise à nu sans qu’il soit possible de feindre. C’est la personnalité de l’artiste, autant que son œuvre, qu’on juge sur une peinture ou une calligraphie. Celui qui maîtrise le "hua" est le possesseur de ce langage particulier qui ne peut être que vrai. C’est une des singularités de la pensée chinoise. […] L’artiste, en Chine, possède un statut unique car l’art est supposé traduire la vérité d’un esprit, sans faux-semblant. Les clients de la maison de thé, j’aurais pu essayer de les séduire avec de belles paroles. Mes croquis leur avaient révélé le fond de mes intentions.
(IV- Maison de thé de Jiu Long Po, p.67 à 69)
[…] je me souviens de cette pensée de Kandinsky qui, à elle seule, suffit à m’encourager: «L’artiste doit être aveugle vis-à-vis de la forme "reconnue " ou "non reconnue", sourd aux enseignements et aux désirs de son temps. Son œil doit être dirigé vers sa vie intérieure et son oreille tendue vers la voix de la nécessité intérieure.»
J’ai donc présenté des travaux hors norme, hors sujet, hardiesse que personne, curieusement, n’avait eu l’idée de tenter pour ce diplôme, et j’ai réussi brillamment. On m’a offert une bourse pour poursuivre mes études à Paris, que j’ai refusée: c’était en Chine que je désirais aller.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.23)
Dans le chaos et l'obscur réside le mystère originel. Suis, toi aussi, le principe cosmique pour donner vie à ta création. Comme le Ciel, crée à partir du chaos. Suis ton intuition et débroussaille l'informe pour aller, à travers les formes, au-delà de celles-ci. Transmets l'esprit des choses et n'oublie pas que l'esprit réside aussi dans les montagnes et les plantes; elles ont une âme, et c'est le Ciel qui la leur a donnée. La forme naît de l'informe: il ne faut pas avoir peur du chaos. Prends un pot, par exemple: c'est le vide qu'il enferme qui crée le pot. Toute forme ne fait que limiter du vide pour l'arracher au chaos.
Je suis d'abord tombée sur un livre de François Cheng, "Le Vide et le Plein", puis ce fut l'éblouissement avec Hokusai et les grands maîtres japonais de l'étude de la nature. J'étais fascinée par les recherches d'Hokusai sur les végétaux et les animaux. J'ai passé des nuits entières à étudier son interprétation au pinceau des dragons, poissons-carpes, fleurs des champs, dames de cour et autres sujets passionnants comme la chauve-souris dormant la tête en bas ou le papillon sous sa chrysalide.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.21)
J'ai partagé de beaux moments avec les Tibétaines. Ce sont des femmes drôles, vives, intelligentes. Les plus jeunes n'arrêtaient pas de s'amuser et adoraient me taquiner. Elles m'emmenaient au bord des rivières, m'expliquaient comment me laver, me dérobaient mes vêtements quand j'étais au beau milieu de l'eau, ce qui me mettait très en colère. Nous finissions toujours par en rire ensemble. Je ne sais pas pourquoi mais la vie, là-haut, était un bonheur sain et authentique. Pourtant, tout y était dur, aride, et les nuits étaient glacées.
J’avais vingt ans. J’ai quitté ma famille, mes amis… Après une crise de conscience violente, j’ai tout abandonné sans me retourner […]
Je me suis mise en chemin –c’était une question de survie–, en quête d’une initiation véritable qui m’ouvrirait les portes d’une réalité autre.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.26-27)
Pour ma part, j'utilisais d'épais feutres noirs qui me permettaient de mieux rendre le mouvement. Saisir l'instant en un trait, voilà ce qui me fascinait.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.18)
Je te l'ai dit, le critère, en art, n'est pas le beau, notion subjective qui varie selon les lieux et les époques, mais la sincérité, l'authenticité.
A l'Ecole, je ne jugeais mes camarades ni très malins ni brillants, sans humour aucun. Il leur manquait l'intelligence du cœur, cette curiosité passionnée qui pousse l'être jeune à découvrir la face cachée du monde, l'ivresse et la poésie du jour.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.16)
Mais c’est la peinture orientale de la nature, chinoise et japonaise, qui fut le point de départ de ma quête. Ces artistes me semblaient les plus accomplis. J’admirais leur sens de l’humour et vénérais l’étude contemplative du monde, extrêmement élaborée dans leurs œuvres.
(I- Socquettes blanches et jupe bleue, p.22)