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Chapitre 4

Londres, mars 1869

La capitale était irrévocablement en train de changer. Cela avait commencé avec l’abolition de l’esclavage, trente-six ans plus tôt. Et cela prenait encore plus d’ampleur depuis que « le William du peuple », de son vrai nom William Ewart Gladstone, était devenu Premier Ministre en décembre.

Kate sourit. Si sa famille savait ce qu’elle pensait, elle la ferait enfermer dans un couvent. Ou elle serait envoyée quelque part dans les colonies pendant que ses parents feraient croire à leur entourage qu’elle était décédée.

Kate s’intéressait à la politique depuis de nombreuses années maintenant. Elle recevait et lisait religieusement tous les journaux, y compris Punch, la revue satirique, connue pour critiquer les différentes classes sociales. Elle y aimait particulièrement l’humour des rédacteurs et des dessinateurs, même si, parfois, certains articles la faisaient grincer des dents. Bien sûr, tous ces exemplaires étaient bien cachés dans sa chambre. Si jamais son père les découvrait, il serait capable de la renier, lui qui demeurait fermement conservateur.

La jeune femme s’était intéressée à Gladstone depuis qu’il avait évoqué ses idées sur une nouvelle réforme électorale. C’était un vrai défenseur du peuple, du moins, il l’était devenu au fil de ses années dans la politique. Et c’est ce que Kate estimait le plus chez lui : sa capacité d’observation et d’adaptation, ainsi que sa détermination à faire évoluer son pays.

Comme tous les jours de la semaine depuis qu’elle était arrivée à Londres avec sa famille, Kate profitait de la matinée avant de vaquer à ses occupations sociales obligatoires. C’était le moment de la journée qu’elle préférait. Aucun de ses pairs n’était présent. La plupart se délectait d’un long sommeil après avoir passé toute la soirée et une bonne partie de la nuit dans des bals ou autres divertissements proposés à la haute société. Kate aurait dû, elle aussi, être en train de se reposer. Depuis qu’elle était arrivée dans la capitale, elle était traînée de bal en bal, à la recherche d’un époux. Kate eut un rictus. Depuis un mois, elle avait été présentée à un nombre incalculable de gentlemen. Lorsque la question de l’âge se posait, ses parents mettaient sa dot en avant, et marmonnaient quelque chose à propos de sa santé fragile. Et cela fonctionnait, car Kate n’était pas reléguée parmi les chaperons, les vieilles filles ou les dames de compagnie. Comme elle regrettait l’époque où elle n’était pas autant mise en avant ! Malheureusement, il en serait ainsi jusqu’à ce qu’elle soit unie à un homme.

Kate soupira. Que n’aurait-elle donné pour ne pas se retrouver au centre de l’attention ! Pour cette raison, et uniquement pour cela, elle en voulait un peu à sa grand-mère, cause de tous ses malheurs actuels. Elle aurait pu insister pour rester à Dartford. Peut-être. Mais elle-même avait besoin de venir à Londres. Aussi, elle n’avait pas le choix et devait subir toutes ces festivités et la fréquentation d’une population qu’elle n’appréciait guère.

Toutefois, s’il y avait bien une chose qu’elle refusait absolument, c’était de rester oisive. Elle ne voulait pas passer sa matinée au lit, et l’après-midi à se promener dans Hyde Park pour être vue. Et malgré la pression de sa mère, elle n’avait pas dérogé à cette règle.

Aussi, pendant que sa famille « se reposait », Kate était réveillée depuis plusieurs heures, et elle avait déjà fait une longue promenade dans la ville.

Personne ne la remarquait lorsqu’elle s’y promenait seule. Tout le monde la prenait pour une jeune fille quelconque. Avec sa robe de couleur sombre, en coton, ses bottines épaisses et le bonnet qui cachait ses cheveux tressés et remontés en un chignon ferme, elle n’était pas différente de toutes ces femmes qui travaillaient pour gagner leur vie.
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