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Critiques de Fariba Adelkhah (2)
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Dubaï : Cité globale

Le Golfe arabo-persique forme un angle mort dans la recherche universitaire française. Les spécialistes d’Israël (Diechkoff, Encel), de l’Iran, de l’Afghanistan (Roy), du Pakistan (Jaffrelot) abondent, mais rares sont les ouvrages consacrés aux Etats du Golfe : Koweït, Bahreïn, Qatar, Oman, Emirats Arabes Unis (EAU). L’ouvrage collectif dirigé par Roland Marchal, chercheur au CERI, vient partiellement combler cette lacune en braquant son projecteur vers le plus riche des Emirats.



Dubaï est en effet une stupéfiante construction géopolitique. Fondée au début du XVIIIème siècle par la dynastie des Al-Maktoum qui la gouverne aujourd’hui encore, la cité entretient des relations très lâches avec les autres Emirats. Certes Abou Dhabi détient l’essentiel des réserves pétrolières et gazières et finance la plus grande part du budget fédéral. Mais sa crédibilité a été sérieusement ébranlée par la faillite de la BCCI. Les Emirats Arabes Unis (EAU) offrent l’exemple, quasiment unique au monde, d’une réelle confédération – il a fallu attendre 1999 pour voir la création de forces armées fédérales - dont l’unité dépend en fin de compte largement de l’intelligence politique du Président de la Fédération Cheikh Zayed.



Dubaï a réussi à supplanter ses voisins grâce notamment à « la prévoyance de ses dirigeants, l’astuce de ses marchands et la chance » (p. 16). L’industrie perlière fut à l’origine de cette success story, relayée à parti de 1969 seulement par la production de pétrole. Toutefois, si le pétrole constitue encore la « toile de fond de toutes les grandes décisions économiques » (p. 17), il représente moins de 20 % du PIB de l’Emirat et les ressources sont en voie d’épuisement. Le principal défi de Dubaï, ses dirigeants le savent, sera la transition vers une économie post-rentière.

L’Etat a joué un rôle moteur dans le développement de Dubaï, plus proche du cheminement de Singapour que de celui de Hong Kong. C’est à lui qu’on doit la création et le maintien d’une administration performante et relativement peu corrompue, l’approvisionnement en eau et en électricité, le développement des ports et des aéroports (le deuxième aéroport au monde pour le nombre de passagers en transit). C’est à lui qu’on doit aussi le choix d’un Islam relativement libéral, propice aux affaires.

L’Etat a également développé un « opportunisme stratégique » (p. 22) consistant à profiter des maheurs qui frappaient la région. Que la guerre civile éclate au Liban au milieu des années 70, et l’Emirat accueille les marchands libanais. Que l’Iraq envahisse le Koweït en 1990, Dubaï sert de base de repli aux riches compagnies qui doivent précipitamment quitter le Koweït. Autre exemple significatif de cette « opportunisme stratégique » qu’expose Fariba Adelkah dans sa contribution : Dubaï est devenu la fenêtre commerciale de l’Iran sur le monde, du fait des tensions récurrentes qui opposent la République islamique et les Etats-Unis (la rente de situation de l’Emirat serait battue en brèche si les relations entre Washington et Téhéran venaient à se normaliser).



Roland Marchal a raison d’inscrire Dubaï, « cité globale », dans la lignée des « villes-monde » braudéliennes. Certes, elle ne possède pas tous les paramètres de la puissance politique et économique. Mais était-ce le cas de Venise, de Gênes ou d’Anvers ? Sa puissance s’inscrit dans un ordre post-étatique. Celui décrit par Kenichi Ohmae des « Etats-régions » ou par Ann Markusen des « lieux-aimants » (« Des lieux-aimants dans un espace mouvant », dans G. Benko et A. Lipietz, La Richesse des régions. La nouvelle géographie socio-économique, Paris, PUF, 2000). Dubaï est en effet moins la capitale d’un ensemble régional qu’un lieu de connection entre plusieurs espaces économiques : le sous-continent indien, l’Asie centrale, la Corne de l’Afrique (en spécialiste reconnu de la région, Roland Marchal consacre des développements passionnants aux échanges avec la Somalie qui, malgré la disparition de son Etat, maintient un dynamisme commercial étonnant).



Pour autant, l’avenir n’est pas sans nuages. L’environnement se modifie, la compétion s’accroît. Les ports d’Aden au Yemen et de Salalah en république d’Oman sont en plein essor : ils économiseraient trois à quatre jours aux porte-conteneurs qui relient l’Asie à l’Europe. Dubaï doit aussi lutter contre la criminalisation de son économie. L’économie informelle n’a pas que des inconvénients. Dubaï lui doit une part de sa richesse. Mais il est des lignes rouges à ne pas franchir : trafic de drogue dont Dubaï devient une plaque tournante notoire malgré les efforts de la police, blanchiment d’argent.

Le principal défi reste d’ordre politique. L’Emirat doit son étonnante stabilité à un autoritarisme fort peu démocratique. Le pouvoir est dans les mains de la dynastie régnante. La presse est contrôlée. L’élite intellectuelle l’acceptera-t-elle longtemps encore ? La jeunesse s’en satisfera-t-elle ? Et surtout l’étonnante composition démographique du pays – les nationaux représenteraient seulement 1/8ème de la population – sera-t-elle maintenue ?
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Les paradoxes de l'Iran : Idées reçues sur la R..

Ma lecture remonte déjà à quelques mois, je ne m'étendrai donc pas trop sur la critique de peur que mon impression ait été altérée par le temps...



Je garde néanmoins de cet ouvrage un excellent souvenir : bien ordonné, avec des chapitres classés par thème, le livre dénonce les idées reçues vis-à-vis de l'Iran, pays souvent diabolisé par sa dénomination de "pays appartenant à l'axe du mal" mais dont on oublie les progrès, réalisés pourtant sous un régime islamique.



Sans nier les problématiques de l'Iran, l'auteur nous expose sa vision des faits, plus pratique, pragmatique, vécue d'un pays que l'on regarde trop à travers un prisme américain.



Chaque chapitre est précédé d'une courte déclaration, citation vis-à-vis de l'Iran, que dément ensuite, ou nuance et complexifie l'auteur dans un développement court mais dense, riche en informations et qui éclairent de nombreux points laissés obscurs.



Si je ne cache pas mon engouement pour cet étrange pays qu'est l'Iran, il me semble important de dépasser les réductions de ce pays composite à une dictature de fous furieux instrumentalisant la réduction : la réalité est bien plus complexe, le pays moins maitrisé que ce que l'on croit, et la population bien plus pragmatique que ce qu'il y parait.



Nécessaire pour quiconque porte un intéret à l'Iran !
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