Quelques questions à propos de votre roman Impossible de grandir
Salie et vous semblez avoir la même histoire. On ne peut s`empêcher de vous demander quelle est la part autobiographique et la part de fiction dans votre nouveau roman ?
Même si Salie porte une part de mon histoire, ce n`est pas l`autobiographie qui m`intéresse, mais les questions suscitées par les expériences analysées dans le livre, car dans la « vraie vie » elles n`interrogent pas que les personnes directement concernées, mais notre humanité commune.
le récit s`écrit constamment sur fond musical, c`est d`ailleurs souvent ce qui relie le présent et les souvenirs de la narratrice. Pouvez-vous nous parler de ce rapport que vous avez à la musique ?
Ecrire, c`est une façon de composer sa propre musique : on arrange les mots, module son souffle, rythme sa pensée. Comme la musique, l`écriture cherche une harmonie dans le chaos du monde. Citer les musiques qui m`accompagnent, en plus du plaisir de les partager avec mes lecteurs, c`est aussi une façon, pour moi, de rendre hommage aux musiciens qui me touchent, de signifier ma gratitude.
L`amour et la haine se confrontent et se mêlent dans « Impossible de grandir », notamment dans le rapport de la narratrice à sa famille. Est-ce que partir, loin, en Europe dans ce cas, était le seul moyen pour vous de contrôler ce combat ?
Je ne crois pas à la haine, donc je ne partage pas votre avis. Salie ne se bat pas contre quelqu`un, mais pour sa liberté et sa dignité. Elle n`est donc pas dans une acrimonie particulière, mais dans la ferme détermination d`accomplir sa quête. Ce n`est pas la haine qui l`habite, elle ne veut du mal à personne, mais elle est obligée d`affronter ceux qui l`oppriment. Mon départ vers l`Europe n`était ni un but ni une solution, il résulte du simple hasard de ma vie affective.
Justement, vous cherchez à dénoncer certains clichés concernant l`idée que l`on peut se faire d`une famille sénégalaise. A qui s`adresse cette dénonciation ?
Dans mes livres, la dénonciation des clichés concerne autant la société européenne qu`africaine : concernée par les deux, je mesure combien il reste nécessaire de nous débarrasser des préjugés qui nous brouillent la vue, ‘un côté comme de l`autre. le respect mutuel ne viendra que d`une meilleure connaissance réciproque.
Vous écrivez depuis toujours. Et l`acte d`écriture parcourt tout votre texte. Quel rôle a joué la littérature dans votre vie ?
L`écriture c`est, pour moi, une manière d`essayer de démêler les fils de la vie, une façon de mener ma réflexion, d`apprendre à vivre grâce ou malgré tout.
Retrouverons nous Salie et la Petite dans un prochain roman ?
Je ne sais que vous répondre : avant « Impossible de grandir », je croyais en avoir fini avec elles, je me suis trompée. Alors, je laisse ma plume mener la danse, on verra bien.
Quelques questions à propos de vos lectures
Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Je ne me souviens pas avoir décidé d`écrire en fonction d`un livre en particulier, donc toutes mes lectures de jeunesse ont certainement été formatrices.
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Aucun, car je n`ai pas l`outrecuidance de me mesurer aux monuments. Quand on aime danser, sans rêver d`être champion de danse, on n`a pas peur de danser moins bien que d`autres ; on danse, c`est tout.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
Dans ma jeunesse : « Une si longue lettre » de Mariama Bâ et « Le petit prince » d`Antoine de Saint-Exupéry.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Joker. En vérité, je l`ignore, j`en ai plusieurs que j`aime relire.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Je n`ai jamais honte de n`avoir pas lu tel ou tel livre, j`accepte mes limites ; et puis c`est réjouissant d`avoir toujours des merveilles à découvrir, l`apprentissage continue.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
Le roman « Guelwaar » de Sembène Ousmane, un livre connu, mais pas assez à mon goût, on gagnerait vraiment à le redécouvrir : les thèmes qu`on y trouve restent d`actualité : rapports Nord/ Sud, politisation de la religion, l`aide humanitaire détournée de son idéal etc., bref, Sembène soulève, dans « Guelwaar », une problématique qui alimente encore bien des débats.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
Je n`ose pas juger de cela. Quand une œuvre ne me plaît pas, je ne me force pas, je me dis simplement qu`elle ne correspond pas à ma sensibilité, mais que d`autres puissent l`adorer ne me dérange pas.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
Une citation de Stig Dagerman, à propos de « l`accession à la liberté » :
« En quoi consiste donc ce miracle ? Tout simplement dans la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun être humain, n`a le droit d`énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s`étioler. Car si ce désir n`existe pas, qu`est-ce qui peut alors exister ? »
Et en ce moment que lisez-vous ?
Reste l’été de Nicolas le Golvan, une pépite d`écriture récoltée lors d`un salon du livre, une fine observation de la vie conjugale et même de « l`arrière-cour du bonheur conjugal », comme l`écrit l`auteur. Une belle langue, un regard critique mais tendre et plein d`humour.
Découvrez "
Impossible de grandir" de
Fatou Diome aux éditions
Flammarion :

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