Citations de Fatou Diome (712)
L'enfance, c'est le privilège de se nourrir sans se demander d'où ça vient. On doit manger, il faut qu'il y ait à manger, c'est tout. Et les mères portent le poids de cet impératif.
Messagers du malheur, toujours à trier, accusez ,rejeter ,ils sont prêts à sonnez la curée ; je ne serai pas de ceux qui auront laissé les loups dévorer les agneaux au nom de l'identité nationale . Marianne porte plainte !
Le ravalement, ce n’est pas réservé aux façades des bâtisses, l’humeur en demande, parfois, quand on décide de se donner une seconde chance ! Martyres du couple ou proies consentantes, les mordues de l’alliance savent combattre leur juste révolte et dire « chéri » quand elles pensent « chien ».
(J’ai lu, p. 197)
La liberté totale, l'autonomie absolue que nous réclamons lorsqu'elle a fini de flatter notre ego, de nous prouver notre capacité à nous assumer, révèle enfin une souffrance aussi pesante que toutes les dépendances évitées : la solitude.
Le jardin le plus fertile au monde est un cerveau d'enfant. Il suffit d'y semer un mot pour y voir verdoyer une forêt de songes.
Il n’est pas vrai que les enfants ont besoin de leurs père et mère pour grandir. Ils ont seulement besoin de celui qui est là, de son amour plein et entier.
A un certain âge, se souvenir est une preuve de vitalité. Les vieux ne radotent pas, ils se revivent. Les vieux ne radotent pas, ce sont des pédagogues qui s’ignorent. La répétition est la meilleure garantie de la transmission du savoir. Les vieux ne radotent pas, ils sèment plusieurs fois plutôt qu’une, car ils savent qu’ils détiennent des trésors en voie de disparition.
Coumba n'avait jamais imaginé un tel retour, ceux qui l'accompagnaient non plus. Plein d'espoirs, ils avaient défait leurs valises dans une banlieue de la capitale, ils les remboursèrent de douleur et les trainairent jusqu'au village. Flux et reflux ce n'était pas qu'une histoire d'eau pour les insulaires c'est aussi le rythme de leur vie entière.
Combien d 'amitiés , déchirées ou perdues , en cours de route , inassouvies ?
Ma grand-mère m 'a appris très tôt comment cueillir les étoiles : la nuit , il
suffit de poser une bassine d 'eau au milieu de la cour pour les avoir à ses
pieds .
Face aux attaques racistes, sexistes, islamophobes, antisémites, Marianne mérite mieux qu’une lâche résignation. Ne laissons pas les loups dévorer les agneaux au nom de l’identité nationale. Marianne porte plainte !
L'ignorance est le premier obstacle à la démocratie. Citoyens libres et égaux, soit, encore faut-il connaître ses droits pour avoir la velléité de les défendre.
La petite chaîne imaginaire, que ma grand-mère tendait entre nous, me restituait de l'équilibre. Elle est le phare planté dans le ventre de l'Atlantique pour redonner, après chaque tempête, une direction à ma navigation solitaire. Avec elle, j'ai compris qu'il n'y a pas de vieillards, il n'y a que de vénérables phares. Sédentaire, elle est l'ultime port d'attachement de mon bateau émotionnel, lancé au hasard sur l'immensité effrayante de la liberté. Sa douce voix dans la nuit, c'était le souffle d'une mère sur les brûlures de son enfant.
L'absence donne de l'épaisseur aux êtres et aux choses, elle mue la banalité en mythe.
Devenir adulte, c'est oser se retourner et, enfin, faire face aux loups.
On relate, on discourt, on commente avec tant d'emphase la pénibilité de l'accouchement, qui n'est jamais qu'une douleur éphémère. Mais nul ne songe à prévenir les futures mères de leur carrière de veilleuses de nuit, qui démarre avec les premières tétées nocturnes et dure toute la vie. Enfanter, c'est ajouter une fibre de vigile à notre instinct naturel de survie.
J'ai la meilleure des grands-mères. Elle ne me lisait pas d'histoires pour m'endormir et ne m'embrassait pas pour mon anniversaire. Mais elle m'a gavée de couscous et raconté la vie telle qu'elle est vraiment. Elle a refusé le mensonge de tous les grands-parents du monde, qui empruntent la bouche d'une fée pour raconter à leurs petits-enfants la vie telle qu'elle ne sera jamais.
Le meilleur des grands-pères est le mien. Dans les champs de mil fécondés par les pluies sahéliennes, mon grand-père ne m'offrait pas de petites fleurs. Il me tendait la houe et me disait de gratter le sol. A force de transpirer, j'ai compris que seule la sueur faisait pousser les plus belles fleurs, celles qui garnissent une vie digne, la seule qui mérite d'être vécue.
L'entrejambe d'une femme,l'alpha et l'oméga de l'homme:il naît de là,et toute sa vie y retourne.
Dans ma chambre, Baudelaire tenait des fleurs, mais je pensais qu'il me voulait du mal. Aimé Césaire me proposait un retour au pays natal.
Las, on traîne ; on titube ; on glisse ; on se redresse ; on regarde devant soi. Bouts d’humains plantés au hasard, parfois déracinés, ciselés, entaillés, fissurés, brûlés, selon un étrange jeu de quilles, mais assez impétueux pour se croire maîtresse de ce mouvement vertigineux : vivre.