Crimes de Ferdinand von Schirach
Marque-Page 29-03-2011
Nous nous figurons que ce que nous faisons est important et que nous le sommes tout autant. Nous nous croyons stables, tout comme l'amour, la société, les lieux où nous demeurons. Nous le croyons parce qu'il nous est impossible de faire autrement. Mais parfois nous nous immobilisons, une brèche s'ouvre dans le temps, et c'est à cet instant que nous comprenons : nous ne voyons jamais que notre reflet dans le miroir.
Puis, petit à petit, les choses nous reviennent, le rire d’une inconnue dans le vestibule, certains après-midi après la pluie, l’odeur de la toile humide, des iris, de la mousse vert foncé qui tapisse les pierres. Et nous nous remettons en chemin, comme nous l’avons toujours fait et comme nous le ferons toujours.
-Je ne crois même pas que nous puissions parler d’affaire criminelle. Le corps est introuvable. Et vous ne connaissez même pas l’identité de la personne qui aurait été assassinée. Je sais bien que cette chambre a déjà eu à traiter un meurtre sans cadavre. Mais enfin il y avait des témoins oculaires. Des centaines d’indices…
-Il existait même des photos de la dépouille, précisa le président.
-En effet. Tandis qu’ici, nous n’avons rien.
-Ce n’est pas vrai, objecta Landau. Nous avons l’appel téléphonique de la victime.
Que l'avocat croie à l'innocence de son client ne joue aucun rôle. Son devoir est de défendre son client. Ni plus ni moins.
-Changement d'heure-
Comme toujours. Il ne faut pas considérer le corps [le mort] comme un être humain. Sur la table, ce n'est qu'un objet scientifique. Lorsqu'on a compris ça, alors ça devient intéressant. Mais on n'y parvient jamais tout à fait.
Un honnête homme, n'est-ce pas ? C'est rare. J'ai maintenant soixante-quatre ans et, de toute ma vie, je n'ai rencontré que deux honnêtes hommes. L'un est mort depuis dix ans, l'autre est moine dans un monastère français. Croyez-moi, Leinen, les gens ne sont pas noirs ou blancs ... ils sont gris.
Pour Eschburg, la photographie était bien plus qu'un métier. Il n'utilisait que de la pellicule noir et blanc, traitait par la suite ses épreuves au thiocarbamide et à l'hydroxyde de sodium. Il multiplia les essais, jusqu'à ce que les images prissent enfin cette tonalité douce et chaude qui apaisait le tumulte de toutes les autres couleurs dans son esprit. Le photographe lui disait qu'il fallait qu'il fît œuvre révolutionnaire, que la vocation de l'art était de provoquer et de détruire, que telle était la voie de la vérité. Mais Eschburg ne voulait pas être un artiste. Il entendait se créer un monde à lui, un autre univers, fluide, fugace et chaleureux. Et, au bout de quelques mois, il parvint à ce que les objets, les êtres et les paysages lui devinssent supportables en photographie.
Es gibt Geschichten, die man nur in einer solchen Bar nachts einem Fremden erzählen kann. Draußen gehen Menschen weiter in Clubs, in Karaoke-Bars und Restaurants, sie verkleiden sich und lieben sich und hassen sich und sind sich gleichgültig, aber man selbst gehört für einen kurzen Moment nicht mehr dazu und fällt aus der Zeit. Hier oben in dieser Bar, hoch über der größten Stadt der Welt, hört man die sanfte Stimme der Sängerin, sie singt Billy Joels And So It Goes und Chet Bakers I'm Old Fashioned, und es gibt nur das Klirren der Gläser, die leisen Anweisungen der Kellner und die gedämpften Stimmen der anderen Gäste. Später gehen alle nach Hause, die Welt beginnt erneut mit all ihren Farben und ihrem Läm und ihrer Aufgeregtheit, und man sieht sich nie wieder. Es sind nicht die Geschichten der Sieger, nicht die lauten Sätze, die man auf Golfplätzen und in Flughafenlounges hört. Es sind leise Erzählungen von verregneten Nachmittagen und von schwarzen Nächten, und die Helden haben das Spiel endgültig verloren. Aber diese Geschichten beschützen uns vor der Einsamkeit, den Verletzungen und der Kälte. Und am Ende sind sie das Einzige, was uns wirklich gehört.
Die Schönheit dort ist unmittelbar wie Musik, sie braucht keine Übersetzung.
- Les mots, ce n'est pas mon truc, monsieur Leinen. Je voulais juste dire que je ne crois pas que nous ayons gagné. Chez nous, on dit que les morts ne veulent pas se venger, qu'il n'y a que les vivants qui le veulent. Je passe mes journées en cellule à y songer.
- C'est une phrase intelligente, dit Leinen.
- Oui, une phrase intelligente.
L'internat était un monde particulier, plus resserré, plus intense et sans compromis. Il y avait les sportifs, les intellectuels, les fanfarons et les champions. Et il y avait ceux auxquels on ne prêtait pas attention, ceux qui passaient inaperçus. Personne ne décidait par lui-même à quelle catégorie il appartenait, les autres jugeaient et, dans la majorité des cas, le jugement était sans appel. Les filles auraient pu le contrebalancer mais elles n'étaient pas de la partie, leur vote faisait défaut. (p. 38)