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Citations de Fernando Aramburu (92)


— Je t'en ai déjà parlé une ou deux fois. Il dirige l'entreprise de transport routier. Un type qui ne s'écrase pas devant les menaces de l'ETA. Il semblerait qu'il ne paie pas l'impôt révolutionnaire, ou qu'il traîne pour payer, ou qu'il ne verse pas assez, je n'en sais rien. Il y a tant de bruits qui courent ! En tout cas, on a monté contre lui une campagne de harcèlement pour l'intimider, et il a tous les gens du village à dos. Un brave homme. Pour mon père, un frère, et pour moi presque un oncle. Et aujourd'hui, nous ne lui adressons plus la parole, ni à lui ni à sa famille, bien qu'il ne nous ait rien fait. C'est un pays de fous.

Pages 399-400, Babel.
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Les martinets ne reviendront pas avant le printemps prochain.Ils m’ont laissé seul avec toute la masse humaine qui m’étouffe et m’exaspère.Quelle belle philosophie existentielle : sortir d’un œuf,sillonner l’air en quête de nourriture, voir le monde de très haut sans être tourmenté par des questions matérielles,n’être obligé de parler à personne,ne payer ni les impôts ni la facture d’électricité, ne pas se prendre pour le roi de la création, ne pas s’inventer des concepts prétentieux comme l’éternité, la justice,l’honneur,et mourir quand le temps est venu,sans assistance médicale ni honneurs funèbres.
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N’écoutez pas les rumeurs. Les gens causent sans savoir. Encore moins les mensonges des journaux ...
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... on s'efforce de donner un sens, une forme, un ordre à la vie, mais en définitive la vie n’en fait qu’à sa tête.
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... quelques jours de détente, sans larmes, sans crises et sans disputes. En compagnie de sa fille, du soleil, de la mer et des escarmouches érotiques avec un étranger logé dans le même hôtel. Surtout pour retrouver les anciens émois et se consoler des humiliations de Guillermo, qui se prenait pour un étalon et pour Casanova, mais en réalité n’était qu’un petit porc à peine vibratile au lit.
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Il y a belle lurette qu’il est tombé dans l’automatisme de l’activisme aveugle. ... car une fois que la machine de la terreur est lancée, rien ne peut l’arrêter
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On leur fourre de mauvaises idées dans la tête, et comme ils sont jeunes ils tombent dans le piège. Ensuite, ils se prennent pour des héros parce qu’ils ont un pistolet. Et ils ne se rendent pas compte qu’en échange de rien, parce qu’au bout du compte il n’y a d’autre récompense que la prison où la tombe, ils ont tourné le dos au travail, à la famille, aux copains. Ils ont tous quitté pour obéir aux ordres d’une poignée de profiteurs. Et pour briser la vie d’autres personnes, en laissant des veuves et des orphelins à tous les coins de rue.
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Je me suis rappelé le début de L'Étranger, de Camus : "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas."
J'avais à tout prix besoin de phrases, d'apophtegmes, de citations, pour éclairer mes ténèbres nouvelles d'orphelin total.
Je jurerai que la mort d'un père, au moins par les temps qui courent (peut-être pas dans le passé, quand la famille dépendait d'un patriarche nourrisseur), est plus facile à supporter que celle d'une mère. Je parle en mon nom propre. Je ne suis pas un spécialiste en comportements humains, même si j'ai vu certaines choses et en ai appris d'autres. La mort du père frappe l'extérieur ; on doit soudain assumer des responsabilités, prendre des décisions qui n'étaient pas de son ressort jusqu'alors ; occuper, en somme la place du défunt. Une mère est irremplaçable. La mort de la mère ravage l'intérieur et laisse désemparé, nu, comme un nouveau-né, même si on a comme moi plus de 50 ans. (P.275)
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Je me suis rendu compte d'une chose : on s'efforce de donner un sens, une forme, un ordre à la vie, mais en définitive la vie n'en fait qu'à sa tête.
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Admettons qu’un homme soit un bateau. Un bateau à la coque en acier. Mais les années passent et des lézardes apparaissent. Qui laissent passer l’eau de la nostalgie mâtinée de solitude, l’eau de la conscience de s’être fourvoyé, de ne pouvoir porter remède à l’erreur, et cette eau qui ronge tellement, celle du repentir que l’on éprouve mais qu’on n’exprime pas, par peur, par honte, pour ne pas se fâcher avec les camarades. Ainsi, l’homme, ce bateau plein d’avaries, risque de couler à pic à tout moment.
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Aujourd'hui, pour devenir maire, président, ou plus simplement leader, tu as besoin de l'accord de ceux sur lesquels tu devras imposer ta loi. Tu dois être gentil, leur passer la pommade, leur lécher le cul, répandre mensonges et promesses à tout bout de champ. Aujourd'hui, ce sont les faibles qui sont aux commandes. On ne va pas loin, si on étale son excellence, du caractère, de la volonté, un langage cultivé, des connaissances profondes, tout ce qui te plaisait tant. Si tu essaies de vivre en accord avec tes idées, si tu t'accroches à la rectitude morale ou à la cohérence idéologique, on se méfiera de toi, tu deviendras suspect, on croira que tu veux te distinguer, on te prendra pour un arrogant et un élitiste. La vie n'est plus une lutte, papa, comme à ton époque. Maintenant, tout le monde se frotte à tout le monde, tout le monde barbotte dans un bourbier immonde d'intérêts personnels, de morale lâche, de combines troubles, de narcissisme et de médiocrité. Aujourd'hui, tout le monde veut être petit et populaire. De nos jours, ce qui prévaut, c'est la condition rampante et la froide viscosité des limaces. Moi-même, papa, si je n'étais pas aussi fatigué, aussi terriblement et définitivement fatigué, je pourrais envisager une carrière politique. Je remplis toutes les conditions requises, vu que je ne me distingue dans aucun domaine et que je ne crois à rien. (P.505)
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Ah, comme les gens répugnent à rendre à la planète les atomes empruntés ! En réalité, ce qui est rare et exceptionnel, c’est d’être vivant.
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Au village, il y a beaucoup de gens tourneboulés par la politique. Des gens qui t'embrassent aujourd'hui et qui demain, pour un truc qu'on leur aura raconté, ne t'adressent plus la parole. Moi, on m'a reproché de sortir avec un mec qui n'est pas basque - je t'assure!
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Telle est la maturité: se résigner à faire, jour après jour, jusqu'à la retraite et même au-delà, ce qui ne nous plaît pas. Par convenance, par nécessité, par diplomatie; mais surtout par lâcheté, vite transformée en habitude. Si on n'y prend pas garde, on finit par voter pour le parti qu'on détestait tellement.
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En d'autres temps, il aurait cherché à discuter, à tailler une bavette. Maintenant, il parlait à peine ; certains jours, même pas un mot. Il était devenu solitaire, pensif. Il avait l'air tranquille, mais c'était la tranquillité de l'arbre abattu. Sa solitude délibérée, celle d'un homme de plus en plus fatigué. Aussi suspicieux que fatigué. Ses réflexions, celles d'une conscience dans laquelle peu à peu avaient cessé de résonner les slogans, les arguments, tout ce fatras verbal/sentimental qui pendant de longues années avait obscurci sa vérité intime. Et quelle était cette vérité ? Il n'y en pas trente-six : il avait fait du mal et avait tué. Pourquoi ? La réponse le remplissait d'amertume : pour rien. Après tant de sang, ni socialisme, ni indépendance, que dalle ! Il avait la ferme conviction d'avoir été victime d'une escroquerie.
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Miren ruminait une fierté sans paroles. Une fierté centripète, de l'extérieur vers l'intérieur, comme une éponge qui s'imprègne. Et à part un étirement sporadique du cou, elle montrait à peine sa satisfaction.
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En réalité, maman ne se rappelait pas que papa était mort. Que lui était-il arrivé ? Un accident ? Je la sondai jusqu’au fond des yeux. Je n’y vis pas la moindre trace de simulation. Mon impression, c’est que maman continuait d’exister avec ses traits, son corps menu, son dos voûté et cette fixité sans culpabilité dans les pupilles, nous l’avions perdue pour toujours. Cette vieille femme n’était plus ma mère ; au mieux l’enveloppe d’une ancienne mère, la chrysalide desséchée et vide d’un papillon humain qui s’était envolé depuis longtemps et qui était près d’achever son cycle vital.
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[Une femme dont le mari a été assassiné par l'ETA, après l'annonce de l'ETA de renoncer à la lutte armée]:
- Il [le curé du village] me l'a dit tel quel. Que je ne revienne pas au village [pro-ETA] pour ne pas enrayer le processus de paix. Tu vois, les victimes sont gênantes. On veut nous pousser à coups de balai sous le tapis. Il ne faut pas qu'on nous voie, et si nous disparaissons de la vie publique, et s'ils réussissent à sortir leurs prisonniers de prison, alors ce sera la paix et tout le monde sera content: ici il ne s'est rien passé! Il a dit que c'était le moment de nous pardonner les uns les autres. Et quand je lui ai demandé à qui je devais demander pardon, il a répondu à personne, mais hélas j'étais impliquée dans un conflit qui concerne toute la société, pas seulement quelques citoyens, et on ne peut ignorer que ceux qui devraient me demander pardon attendent aussi que d'autres leur demandent pardon.
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On leur fourre de mauvaises idées dans la tête, et comme ils sont jeunes ils tombent dans le piège. Ensuite, ils se prennent pour des héros parce qu'ils ont un pistolet. Et ils ne se rendent pas compte qu'en échange de rien, parce qu'au bout du compte il n'y a d'autre récompense que la prison ou la tombe, ils ont tourné le dos au travail, à la famille, aux copains. Ils ont tout quitté pour obéir aux ordres d'une poignée de profiteurs. Et pour briser la vie d'autres personnes, en laissant des veuves et des orphelins à tous les coins de rue.
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Il y a des livres qui mûrissent en soi pendant des années guettant l'occasion d'être écrits. le mien, dont je suis venu vous parler aujourd'hui, en est un exemple.
[...]
Et ce projet de composer, par le truchement de la fiction littéraire, un témoignage des atrocités commises par la bande terroriste procède dans mon cas d'une double motivation. D'un côté l'empathie que j'éprouve pour les victimes du terrorisme. De l'autre, le rejet sans réserve que suscitent en moi la violence et les agressions dirigées contre l’État de droit.
L'écrivain se demande ensuite pourquoi il n'a pas adhéré à l'ETA quand il était jeune. Dans la salle se répand un silence stupéfait de souffles retenus.
En fin de compte, moi aussi j'ai été un adolescent basque, et j'ai été exposé comme tant d'autres jeunes de mon époque à la propagande en faveur du terrorisme et de la doctrine sur laquelle il est fondé.
[...]
J'ai donc dénoncé la souffrance infligée par des hommes à d'autres hommes, en essayant de montrer en quoi consiste ladite souffrance et, bien entendu, qui la génère et quelles conséquences physiques et psychiques cela entraine pour les victimes survivantes.
[...]
De la même façon, j'ai dénoncé le crime perpétré au nom d'une politique, au nom d'une patrie où une poignée de gens armés, avec le soutien honteux d'un secteur de la société, choisissent qui appartient à cette patrie et qui doit l'abandonner ou disparaître. J'ai dénoncé sans haine le langage de la haine, et l'oubli tramé par ceux qui essaient de s'inventer une histoire au service de leur projet et de leurs convictions totalitaires.
[...]
Mais en écrivant, j'ai aussi été poussé par le désir d'offrir une vision positive à mes semblables, en faveur de la littérature et de l'art, donc en faveur de ce qui est beau et noble chez l'être humain. Et en faveur de la dignité des victimes de l'ETA dans leur individualité humaine, pas comme de simples numéros d'une statistique où se perd le nom de chacune d'elles, leur visage concret et leurs caractéristiques intransmissibles.
[...]
J'ai tenté de contourner les deux dangers que je considère comme les plus graves dans ce genre de littérature : d'un côté le ton pathétique, sentimental; de l'autre la tentation d'interrompre le récit pour prendre ouvertement une position politique.
Pages 522 - 523
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