AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Fernando Pessoa (1970)


Je professe les opinions les plus opposées, les croyances les plus diverses. C'est que jamais je ne pense, ne parle ou n'agis. Ce qui pense, parle ou agit pour moi, c'est toujours un de mes rêves, dans lesquels je m'incarne à un moment donné.
Je discours et c'est un autre moi qui parle. De vraiment moi, je ne ressens qu'une incapacité énorme, un vide immense, une incompétence totale devant la vie. Je ne connais aucun des gestes qui aboutissent à un acte réel.
Je n'ai jamais appris à exister.
J'obtiens tout ce que je veux, pourvu que ce soit en moi-même.
Commenter  J’apprécie          460
Fernando Pessoa
N'être qu'un est une prison.
Commenter  J’apprécie          461
J'ai rencontré aujourd'hui dans la rue, séparément, deux de mes amis qui s'étaient brouillés l'un avec l'autre. Chacun d'eux me conta la raison pour laquelle ils s'étaient brouillés. Chacun d'eux me dit la vérité. Chacun m'exposa ses raisons. Tous deux avaient raison, entièrement raison. Non pas que l'un ait vu une chose, et l'autre une autre, ou que l'un ait vu un aspect des choses et l'autre un aspect différent. Non : chacun d'eux voyait les choses exactement comme elles s'étaient passées, et adoptait un critère identique à celui de l'autre ; mais chacun d'eux voyait une chose différente et chacun d'eux, par conséquent, avait raison.
Je suis resté perplexe devant cette double existence de la vérité.

Texte n° 207.
Commenter  J’apprécie          460
J'ai assisté, incognito, à la déroute progressive de ma vie, au lent naufrage de tout ce que j'aurais voulu être. Je peux dire, et c'est une de ces vérités mortes sans qu'il soit besoin de fleurs pour le dire, qu'il n'est pas une seule chose que j'aie voulue — ou en laquelle j'aie placé, même un instant, ne fût-ce que le rêve de cet instant — qui ne se soit réduite en miettes sous mes fenêtres comme de la poussière, telle une pierre, tombant d'un pot de fleurs du dernier étage. On dirait même que le Destin s'est toujours plu à me faire aimer ou vouloir tout d'abord ce qu'il disposait lui-même pour que je le voie bien, dès le lendemain, que je ne le possédais ni ne le posséderais jamais.

Texte n°193.
Commenter  J’apprécie          460
Il nous faut nous arrimer à un état solide, et placer notre petite main dans une autre ; car l'heure est toujours incertaine, le ciel toujours si distant, et la vie si étrangère.

Texte n°179.
Commenter  J’apprécie          460
La littérature est encore la manière la plus agréable d'ignorer la vie.
Commenter  J’apprécie          461
Fernando Pessoa
Dans ce bal masqué où se passe notre vie, l'agrément des costumes nous suffit, car le costume est tout.

LE LIVRE DE L'INTRANQUILLITÉ, Texte n° 255.
Commenter  J’apprécie          451
Le plaisir que l'art nous offre ne nous appartient pas, à proprement parler : nous n'avons donc à le payer ni par des souffrances, ni par des remords.
Par le mot art, il faut entendre tout ce qui est cause de plaisir sans pour autant nous appartenir : la trace d'un passage, le sourire offert à quelqu'un d'autre, le soleil couchant, le poème, l'univers objectif.
Posséder, c'est perdre. Sentir sans posséder, c'est conserver, parce que c'est extraire de chaque chose son essence.

Texte n° 270.
Commenter  J’apprécie          450
Aucune idée brillante ne peut être mise en circulation sans qu'on y ajoute quelque élément de stupidité. La pensée collective est stupide parce qu'elle est collective : rien ne peut franchir les barrières du collectif sans y laisser, comme une dîme inévitable, la plus grande part de ce qu'elle peut comporter d'intelligent.
Commenter  J’apprécie          451
J'érige ces deux principes en règles fondamentales de tout art d'écrire : dire ce que l'on éprouve exactement comme on l'éprouve — clairement si c'est clair ; obscurément si c'est obscur ; confusément si c'est confus ; et bien comprendre que la grammaire n'est jamais qu'un outil, et non pas une loi. [...]
La grammaire, qui définit l'usage, établit des divisions légitimes mais erronées. Elle distingue, par exemple, les verbes transitifs et intransitifs ; cependant, l'homme sachant dire devra, bien souvent, transformer un verbe transitif en verbe intransitif pour photographier ce qu'il ressent, et non, comme le commun des animaux-hommes, pour se contenter de le voir dans le noir. Si je veux dire que j'existe, je dirai : " Je suis. " Si je veux dire que j'existe en tant qu'âme individualisée, je dirai : " Je suis moi. " Mais si je veux dire que j'existe comme entité, qui se dirige et se forme elle-même, et qui exerce cette fonction divine de se créer soi-même, comment donc emploierai-je le verbe être, sinon en le transformant tout d'un coup en verbe transitif ? Alors, promu triomphalement, antigrammaticalement être suprême, je dirai : " Je me suis. " J'aurai exprimé une philosophie entière en trois petits mots. N'est-ce pas infiniment préférable à quarante phrases pour ne rien dire ? Que peut-on demander de plus à la philosophie et à l'expression verbale ?
Commenter  J’apprécie          454
Je suis une sorte de carte à jouer, une figure ancienne et inconnue, seul vestige d'un jeu perdu. Je n'ai aucun sens, j'ignore ma valeur, je n'ai rien à quoi me comparer pour me trouver, je ne possède aucune utilité qui m'aiderait à me connaître. Et ainsi, dans les images successives par où je me décris (non sans vérité, mais avec quelques mensonges), je me retrouve davantage dans ces images qu'en moi-même, je me raconte tellement que je n'existe plus, et j'utilise comme encre mon âme elle-même, qui n'est bonne, d'ailleurs, à rien d'autre. Mais la réaction cesse, à nouveau je me résigne. Je reviens en moi-même à ce que je suis, même si ce n'est rien. Et quelque chose comme des larmes sans pleurs brûle dans mes yeux fixes, quelque chose comme une angoisse qui n'a pas été, gonfle ma gorge sèche. Mais je ne sais pas même ce que j'aurais pleuré, si je l'avais fait, ni pour quelle raison je ne l'ai pas fait. La fiction me suit comme mon ombre. Et tout ce que je voudrais, c'est dormir.
Commenter  J’apprécie          4412
Je suis devenu un personnage de roman, une vie lue. Ce que je ressens est seulement ressenti (bien malgré moi) pour qu'il soit écrit que cela a été ressenti. Ce que je pense arrive aussitôt en mots, mêlés à des images qui le défont, s'ouvrent en rythme qui sont déjà quelque chose d'autre. A force de me recomposer, je me suis détruit. A force de me penser, je suis devenu mes pensées, mais ne suis plus moi. Je me suis sondé, et j'ai laissé tomber la sonde ; je passe ma vie à me demander si je suis profond ou non, sans autre sonde aujourd'hui que mon regard qui me montre - clair sur fond noir dans le miroir d'un puits vertigineux - mon propre visage, qui me contemple en train de me contempler.
Commenter  J’apprécie          444
Certains travaillent par ennui : de même j'écris, parfois, de n'avoir rien à dire. Cette rêverie où se perd tout naturellement l'homme qui ne pense pas, je m'y perds par écrit, car je sais rêver en prose.
Commenter  J’apprécie          443
Tout le mal du romantisme provient de la confusion entre ce qui nous est nécessaire et ce que nous désirons. Nous avons tous besoin des choses indispensables à la vie, à son maintien et à sa continuité ; et nous désirons tous une vie plus parfaite, un bonheur total, la réalisation de nos rêves...
Il est humain de vouloir ce qui nous est nécessaire, et il est humain aussi de désirer, non ce qui nous est nécessaire, mais ce que nous trouvons désirable. Ce qui est maladif, c'est de désirer avec la même intensité le nécessaire et le désirable, et de souffrir de notre manque de perfection comme on souffrirait du manque de pain. Le mal romantique, le voilà : c'est vouloir la lune tout comme s'il existait un moyen de l'obtenir.
Commenter  J’apprécie          444
La littérature [...] pour son compte, simule la vie. Un roman, c'est l'histoire de quelque chose qui ne s'est jamais passé, et un drame est un roman sans narration. Un poème est l'expression d'idées ou de sentiments coulés dans un langage que personne n'emploie, car personne ne parle en vers.
Commenter  J’apprécie          440
On me tend la foi comme un paquet bien ficelé sur un plateau tombé de nulle part. On voudrait que je l'accepte, mais sans l'ouvrir. On me tend la science comme un couteau sur un plat, pour ouvrir les pages d'un livre dont toutes les pages sont blanches. On me tend le doute comme de la poussière au fond d'une boîte ; mais pourquoi m'apporter cette boîte, qui ne contient que de la poussière ?
Commenter  J’apprécie          440
Rien ne me révèle aussi intimement, n'interprète aussi totalement la substance de mon malheur congénital, que le genre de rêverie que je chéris réellement le plus, le baume qu'en secret je choisis le plus fréquemment pour apaiser mon angoisse d'exister. Le résumé et la quintessence de ce que je souhaite, c'est cela : dormir la vie. J'aime trop la vie, pour pouvoir la désirer disparue ; j'aime trop ne pas la vivre pour éprouver un désir trop importun de la vivre.
Commenter  J’apprécie          430
Nous nous ignorons nous-mêmes, et nous nous ignorons les uns les autres. L'âme humaine est un abîme sombre et visqueux, un puits qu'on utilise jamais à la surface du monde. Nul ne pourrait s'aimer lui-même s'il se connaissait réellement ; et si la vanité — ce sang de la vie spirituelle — n'existait pas, nous péririons tous d'une anémie de l'âme. Aucun homme ne connaît un autre homme, et c'est heureux ; car, s'il le connaissait, il reconnaîtrait en lui — que ce soit mère, femme ou enfant — son intime et métaphysique ennemi.

Texte n° 255.
Commenter  J’apprécie          431
Je suis matérialiste, pensais-je; je n'ai que cette vie-ci; pourquoi me mêler de questions de propagande, pourquoi m'intéresser aux inégalités sociales et à des histoires de ce genre, alors que je peux mener une existence plus agréable si je ne m'en soucie pas ? Un homme qui n'a que cette vie-ci, qui ne croit pas à la vie éternelle, qui n'admet d'autre loi que celle de la Nature, un homme qui s'oppose à l'Etat parce que l'Etat n'est pas naturel, à l'argent parce qu'il n'est pas naturel, à toutes les fictions sociales parce que celles-ci ne sont pas naturelles - pourquoi diable cet homme défendrait-il l'altruisme et l'esprit de sacrifice, alors que l'altruisme et l'esprit de sacrifice, eux non plus, ne sont pas naturels ? Oui, la même logique qui me montre qu'un homme ne naît pas pour être marié, ou pour être Portugais, ou pour être riche ou pauvre, me montre aussi qu'il ne naît pas pour être solidaire, qu'il naît seulement pour être lui-même, c'est-à-dire le contraire d'un altruiste et d'un solidaire : un parfait égoïste.
p41
Commenter  J’apprécie          430
Fernando Pessoa
Toutes les lettres d’amour sont ridicules. Ce ne serait pas des lettres d’amour si elles n’étaient pas ridicules…
Commenter  J’apprécie          430



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Fernando Pessoa Voir plus

Quiz Voir plus

Noms de lieux dans les expressions

Partir loin, au bout du monde, c'est "aller à ---?---".

Tombouctou
Tataouine
Tamanrasset

15 questions
435 lecteurs ont répondu
Thèmes : expressions , géographie , histoireCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..