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Critiques de Fernando Pessoa (317)
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Le Banquier anarchiste

Mes espérances étaient grande avant la lecture de ce petit livre de part son titre qui m'a alléchée. Il en résulte que je n'ai pas compris grand-chose de ce dialogue avec ce banquier anarchiste et ses argumentations, entre deux bouffées de cigare.
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Le gardeur de troupeaux

Parmi les grands hétéronymes de Pessoa, il y a Alberto Caeiro (prononcer Caèïrou), auteur de ce livre. Pessoa le décrit comme «son maître». «Un jour, dit-il,... c'était le 8 mars 1914,... je me mis à écrire, debout, comme je le fais chaque fois que je peux. Et j'ai écrit trente et quelques poèmes d'affilée, dans une sorte d'extase dont je ne saurai saisir la nature. Ce fut le jour triomphal de ma vie et je ne pourrai en connaître d'autres comme celui-là. Je débutai par un titre : O Guardador de Rebanhos (Le Gardeur de troupeaux). Et ce qui suivit fut l'apparition en moi de quelqu'un, à qui j'ai tout de suite donné le nom d'Alberto Caeiro. Excusez l'absurdité de la phrase : mon maître avait surgi en moi».

Ce passage révèle la nature légèrement bipolaire de Pessoa, ce jour là en pleine phase maniaque. N’exagérons rien cependant. Il n’a jamais dérapé, mais a connu des moments dépressifs, et il en était parfaitement conscient. Hypocondriaque, il s’analysait souvent, et s’était défini de manière très lucide comme «hystéro-neurasthénique», expression qu’il avait inventée et qui lui convient bien.



Le patronyme «Pessoa» semble le vouer à ces hétéronymes, puisqu’en portugais, il signifie «personne», non pas dans un sens négatif (qui est tardif) comme dans «il n’y a personne», mais dans son sens étymologique latin (dérivé de l’étrusque et repris par Jung). La «persona», c’était le masque de théâtre, qui a donné le mot «personnage». Avant les hétéronymes, Pessoa est donc déjà un personnage.



Alberto Caeiro est le «maitre» des autres grands hétéronymes, et pourtant - Pessoa cultive le paradoxe - contrairement aux autres, il n’a apparemment rien d’un maitre. Il a interrompu ses études, n’a pas dépassé l’école primaire, et écrit avec des fautes.

Contrairement à Pessoa et aux autres hétéronymes, il vit à la campagne, mais comme lui il est orphelin et vit solitaire et sans liens affectifs dans une vieille maison à flanc de colline, blanchie à la chaux, dans la province de Ribatejo. Pessoa fait naitre cette figure paternelle en 1899 et mourir précocement en 1915, à peine un an après sa création, de tuberculose, maladie dont est mort son père quand il avait cinq ans, peu avant la mort d’un jeune frère.



Pessoa dit peu de choses de Caeiro, mais fait jouer son petit théâtre hétéronymique. Campos «qui le côtoya davantage» donne plus de détails biographiques, et transmet ses poèmes à Pessoa. Il a le visage infantile, naïf et candide, blond aux yeux bleus, rappelant la photo du père.



De tous les hétéronymes, c’est celui qui s’éloigne le plus du centre de gravité commun. Proche de la nature, c’est le plus bucolique, mais sans doute le moins imaginatif. Il sent les choses de manière primitive, et lui-même se dédouble encore. Il y a le penseur sceptique, phénoménologue pessimiste, et le poète néoclassique du réel objectif. S’il n’a pas fait d’études, il abstrait la sensation comme un philosophe nominaliste, faisant de fréquents rappels à la philosophie platonicienne. Il n’y a pas d’arbres, mais seulement des idées d’arbre. La fleur n’a pas de beauté mais une couleur et une forme. Tout est illusion.



Son vocabulaire est peu étendu, son style simple et direct, en portugais approximatif, est proche de la prose, L’hétéronyme Reis lui reproche son laisser-aller stylistique.



Chez Caeiro, l’absence de rimes se compense souvent par la répétition des mots, comme ci-après (en portugais puis en traduction) avec les mots campo (champ, campagne), comigo et contigo (avec moi et avec toi), amanhã (demain) ou colher flores (cueillir des fleurs) :



Amanhã viras, andras comigo a collher flores no campo.

E eu andaré contigo pelos campos ver-te colher flores

Eu ja te vejo amanhã a colher flores comigo pelos campos

Pois quando vires amanhã e andares comigo no campo a colher flores

Isso será una alegria e uma verdade para mim.



Demain, tu viendras, tu iras avec moi cueillir des fleurs dans les champs

Et moi, j’irai avec toi dans les champs, te voir cueillir des fleurs

Déjà je te vois demain cueillir des fleurs avec moi dans les champs

Alors, quand tu viendras demain et que tu iras cueillir des fleurs dans les champs

Ce sera une joie et une vérité pour moi.



Ce procédé stylistique, avec ces répétions, s’inspire de ce qu’on trouve en musique dans les canons et dans les airs d’opéra avec répétition "da capo".



Caeiro, outre «Le Gardeur de troupeaux» est notamment l’auteur des «Poemas inconjuntos» (Poèmes désassemblés) et de six petits poèmes intéressants, «O Pastor amoroso» (Le pasteur amoureux) où une femme anonyme est seulement désignée comme «elle». On y trouve notamment ceci:



«Aimer, c’est penser».

«Si je ne la vois pas, je l’imagine, et je suis fort comme les grands arbres. Mais si je la vois, je tremble».

«Quand je désire la rencontrer, je désirerais presque ne pas la rencontrer... Je ne sais pas bien ce que je veux, et je ne veux pas savoir ce que je veux. Je veux seulement penser à elle. Je ne demande rien à personne, ni à elle, sinon penser».



Sans cesse en train de douter comme Hamlet, Pessoa a été brièvement amoureux, très platoniquement (quelques lettres et quelques parcours en tram), et ce n’est sans doute pas par hasard que la jeune femme s’appelait Ophélie. Tout est dans l'imagination.



Caeiro est aussi le maitre de l’hétéronyme António Mora, continuateur de son œuvre philosophique après sa mort, chez qui on trouve des thèmes néo-paganistes, notamment dans «Regresso dos Deuses» (Retour des dieux). Cet António Mora est interné dans un hôpital psychiatrique comme «paranoïaque avec des psychonévroses récurrentes». Il erre dans la cour vêtu d’une toge à la romaine. Grâce à un visiteur, Pessoa entre en possession de ses écrits. Pessoa, obsédé par la folie qui a frappé une de ses tantes, semble être à la fois le visiteur et A. Mora lui-même.

Le gardeur de troupeaux est l’œuvre majeure d’Alberto Caeiro, et on y trouve dès les deux premiers vers la négation de la négation, habituelle chez Pessoa :

«Je n'ai jamais gardé de troupeaux, mais c'est comme si je les gardais».



Voici une partie de la suite :



Je suis un gardeur de troupeaux.

Le troupeau ce sont mes pensées

Et mes pensées sont toutes des sensations.

Je pense avec les yeux et les oreilles

Et avec les mains et avec les pieds

Et avec le nez et avec la bouche.



On trouve plus loin un long passage où Caeiro-Pessoa donne libre cours à son goût irrévérencieux de la provocation, mais aussi à une jolie image de l'enfant Jésus.



Je vis Jésus Christ descendre sur terre...

Il arriva par le versant d'une colline

Redevenu enfant,

Il courait et il se roulait dans l'herbe...

Il avait fui le ciel...

Il était nôtre, il ne pouvait faire semblant

D'être la deuxième personne de la Trinité...

Au ciel il lui fallait toujours être sérieux

Et de temps à autre redevenir homme

Et monter sur la croix, et être toujours en train de mourir

Avec une couronne tout entourée d'épines

Et les pieds percés de clous,...

On ne le laissait même pas avoir un père et une mère

Comme les autres enfants.

Son père c'était deux personnes -

Un vieux appelé Joseph, qui était charpentier,

Et qui n'était pas son père;

Et son autre père était une colombe stupide

L'unique colombe laide au monde

Parce qu'elle n'appartenait ni au monde ni n'était colombe.

Et sa mère n'avait pas aimé avant de l'avoir.

Elle n'était pas femme : c'était une valise

Dans laquelle il était venu du ciel.

Et on voulait que lui, qui n'était né que de sa mère,

Et n'avait jamais eu de père à aimer et respecter,

Prêchât la bonté et la justice...

Un jour que Dieu était en train de dormir

Et que le Saint Esprit était en train de voler,

Il s'est enfui vers le Soleil

Et il est descendu par le premier rayon qu'il attrapa.

Aujourd'hui il vit dans mon village avec moi.

C'est un bel enfant joyeux et spontané...

Il saute sur les flaques d'eau,...

Il jette des pierres aux ânes,...

Il court après les filles

Qui vont en bandes par les chemins

Avec des pots de terre sur la tête

Et il fait voler leurs jupes.

A moi il m'a tout appris.

Il m'a appris à regarder les choses.

Il me signale toutes les choses qu'il y a dans les fleurs.

Il me montre comme les pierres sont drôles

Quand on les tient dans la main

Et qu'on les regarde doucement.

Il me dit beaucoup de mal de Dieu...

La Vierge Marie passe les après-midi d'éternité à tricoter.

Et le Saint Esprit se gratte le nez

Il se perche sur les chaises et il les salit...

Il me dit que Dieu ne comprend rien...

Après cela, fatigué de dire du mal de Dieu,

L'enfant Jésus s'endort dans mes bras

Et je le porte ainsi dans mes bras jusqu'à ma maison.

Il habite chez moi à mi-hauteur de la colline,

Il est l'éternel enfant, le dieu qui nous manquait.

Il est l'humain naturel,

Il est le divin qui rit et qui joue...

C'est un enfant si humain qu'il est divin

C'est cela mon quotidien de poète...

Il dort à l'intérieur de mon âme

Et parfois il se réveille la nuit

Et joue avec mes rêves...

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Le livre de l'intranquillité



Poète postmoderne adopté à titre posthume dans le cadre du canon portugais, Fernando Pessoa a adopté une série d'hétéronymes - sous lesquels il pouvait écrire. Il a employé plus de 70 personnages différents, des identités imaginaires qui se lisent les unes les autres et écrivent les nécrologies les unes des autres. De son vivant, sa seule renommée était celle d'une figure littéraire mineure qui a cofondé la publication éphémère Orpheu ; après sa mort en 1935, 25 000 documents - essais, pièces de théâtre, poèmes, voire horoscopes - ont été retrouvés dans son grenier et la ruée académique pour les rassembler a commencé.

Cette collection d'observations et d'introspections fragmentées et sinueuses ne peut être qualifiée de roman; il s'agit plutôt d'un journal d'insomniaque, écrit en la personne d'un comptable de Lisbonne, Bernardo Soares. C'est un homme que l'ennui et le désespoir appellent par leurs prénoms, mais il les défie dans ses écrits, s'attachant à décrire la nature nébuleuse, abstraite et parfois terrifiante de la conscience avec l'exactitude d'un comptable divin : 'Mais il y a aussi des moments, comme maintenant, où je me sens trop oppressé et trop conscient de moi-même pour être conscient des choses extérieures et tout devient alors pour moi une nuit de pluie et de boue, seul et perdu dans une gare abandonnée, où la dernière troisième classe le train est parti il y a des heures et le suivant n'est pas encore arrivé.'

Il n'y a pas d'arc narratif; ces éclats de prose existentielle peuvent être plongés comme une collection de lettres de l'âme. S'il y a un thème, c'est l'aliénation et pourtant Soares embrasse également les qualités banales de la vie quotidienne.

Il y a aussi des éclairs d'humour sournois, des moments où Le livre de l'intranquillité se lit comme le journal existentiel de quelqu'un qui n'est personne. Une section décrit comment 'le garçon de bureau est parti aujourd'hui', la phrase répétée jusqu'à ce qu'elle devienne une lamentation.

C'est un livre étrange, parfois exaspérant et parfois beau, qui est un magnifique compagnon des nuits blanches.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Un dîner très original : Suivi de la porte

C'est une première lecture de cet auteur du début du 20ème siècle pourtant si connu qui avec la vision progressiste actuelle serait voué au pilori voir à l'autodafé.

Ce dîner me laisse un peu sur ma faim car outre l'originalité du thème abordé et dont on subodore la chute, je trouve que pour ce petit texte il y a trop de répétitions de phrases entières qui cassent la dynamique.

Reste un récit à faire douter pour les prochaines les invitations amicales autour d'un bon repas.
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Le livre de l'intranquillité

Évidemment je savais que Pessoa est un des grands écrivains portugais mais assez curieusement c'est FB qui m'a donné envie de le lire car j'y ai rencontré beaucoup de citations de lui qui m'ont interloquée,ou plu et poussée à le découvrir. Je ne suis pas dupe de la valeur toute relative d'une phrase hors contexte, mais découvrir Pessoa par le biais de cet énorme pavé étrange qu'est " le livre de l'intranquillité" c'est de toute façon une aventure plutôt périlleuse.

Ce livre d'abord n'a pas été écrit comme tel par l'auteur. Il est le résultat d'une mise en pages par des personnes extérieures d'un tas de bouts de papier où il notait ses analyses et ressentis qu'il flanquait ensuite dans une grande malle,parfois avec des notes sur les notes,peut être en vue d'un volume futur ou que sais je.... Quant au contenu c'est une sorte de traité philosophique, et d'auto analyse de quelqu'un qui veut mettre en mots son système de réflexion, système de vie.je dirais bien qu'il veut l'expliquer mais si c'est le cas se le clarifier à lui même et pas dans un but de prosélytisme.

Pour résumer, il se dit duel,voire multiple et jamais la vie ne pourrait satisfaire tous ses sens et son intellect s'il n'echangeait pas le vécu pour le rêve.

Notion de rêve particulière qui découle d'une grande observation très aiguisée de ce et ceux qui l'entourent, observations qui lui font vivre une richesse de situations beaucoup moins triviales et quelconques que ce qu'il pourrait vivre,et surtout lui permettant de rester intègre.

À la première lecture ( et il n'y en aura pas d'autre tant que je ne me serai pas acheté ce livre,pour le moment emprunté à la médiathèque et il faut que je le rende) j'ai l'impression d'un désenchantement subi,après plus de 300 pages où Pessoa se félicite de son état d'esprit et sa doctrine,peu à peu il exprime son désenchantement,sa solitude n'est plus sublime,mais subie,pour autant il ne manifeste pas de désir de changement,il s'accroche à sa vision de l'existence alors qu au final il en souffre.

Cet ouvrage à mon sens est une pépite.

D'abord stylistique,car certaines phrases sont très poétiques.

Ensuite pour le système de pensées original et qui démontre un esprit très aiguisé et à l'affût.

À première vue ce système est solide bien qu'on puisse facilement le réfuter,il est logique et extraordinairement original. Il balaie tous les secteurs, travail,amour,arts, religion, politique.

Pourtant au fur et à mesure on s'aperçoit très vite de ses limites, à moins d'être ermite retiré du monde,ce que Pessoa n'était pas, puisqu' il travaillait et occasionnellement avait des contacts avec autrui.

C'est donc un système boiteux ou pas abouti.

Enfin je voudrais dire mon cher Fernando que parfois tu te la pètes un peu,et que d'une petite phrase assassine il t'arrive de comparer ton intelligence intègre à la bêtise du pecus vulgus,et ça ça me donne un peu envie de te mettre le nez dans tes contradictions .

Alors nettement pour moi le livre d'une vie,je parle de celle du lecteur, tant c'est riche,fourni,questionneur.

Nettement pour moi aussi une philosophie qui ne tient pas la route car elle s'auto détruit d'elle même si on tente de la suivre en restant dans le monde.

Enfin,à lire toute sa vie durant oui sauf pendant les périodes de déprime et de doute profond car ce système de pensées qui, pourtant met l'individu au centre de ses propres choix de vie,est franchement mortifère.

Je rappelle que Pessoa est mort d'alcoolisme avant ses 50 ans,son système n'est pas une philosophie du bonheur.

Mais j'ai savouré et je savourerai encore longtemps ce génie si proche de la folie...





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Le Banquier anarchiste

Voici quelque part un immense sophisme. Mais à la différence du "Livre de l'intranquillité" qui ne m'avait pas du tout subjuguée, même si j'ai bien conscience qu'il faut aimer Pessoa, au jour d'aujourd'hui, sous peine d'être un peu 'plouc', bon je vais assumer, ici, j'ai bien aimé cette histoire qui traite par l'absurde, de manière peu révérencieuse, ceux qui sous le couvert de belles idées, ou de belles justifications, n'en poursuivent pas moins leur seul intérêt égoïste. C'est bien tourné. Cela m'a fait sourire, sans doute de manière un peu désabusée, mais quand même, cela m'a fait sourire.
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Bureau de tabac, autres poèmes

Avec ce (très) court recueil, je découvre un poète dont je ne savais rien auparavant. Ce poème correspond à l'hétéronyme Alvaro de Campos (il en a plusieurs pour lesquels il a écrit différents textes), et au cas où vous ne sauriez pas ce qu'est un hétéronyme, comme moi il y a peu, il s'agit d'un pseudonyme auquel on donnerait vie, lui façonnant une biographie ainsi qu'un style indépendant de soi.

Un homme, à la lucarne de sa chambre donnant sur une rue et un bureau de tabac, se trouve en ce point qui frôle le non-retour, où le moindre être vivant vaut bien plus que soi-même, où l'on n'est plus qu'un souffle, une feuille au vent. On suit ses découragements, sa défaite, son éloignement du monde jusqu'à ce que le bureau de tabac le ramène auprès de nous. Poème, très court récit, introspection, c'est un peu tout ça et c'est presque doux, de la douceur de la mélancolie.
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L'affaire Vargas

De quoi Vargas est il le nom?

Ici c'est le nom de la victime, mais je soupçonne Fred Vargas de s'en être emparée pour signer ses polars.

Au lieu du roman à énigme policière, on nous sert un exposé scientifique et médical sur la psychologie des assassins. C'est assez amusant quand on nous affirme que celui qui peut tuer un poulet peut aussi tuer un homme. Un long exposé philosophico-psychiatrique nous décrit les combinaisons possibles entre neurasthénie, épilepsie et hystérie, et celle qui conduit à l'acte criminel.

Difficile de ne pas se perdre dans ce raisonnement purement spéculatif, sans etayage clinique. Seuls Napoléon et Frédéric de Prusse sont cités comme exemples, c'est un peu maigre.

Cette lecture fait pénétrer dans l'univers de Pessoa, qui devait se questionner sur son propre psychisme , un peu comme Kafka ou Dostoievski.



Lu pendant un voyage au Portugal, pour ma culture générale.
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Le livre de l'intranquillité

Fernando Pessoa, est un génie, presque mystique dans la littérature portugaise.

Ainsi dans le "Livre de l'intranquillité de Bernardo Soares" l'auteur nous propose une flânerie à travers ses réflexions, ses pensées, sa philosophie, il rêve, il dénonce, il vomit, oui, il vomit aussi sa haine envers l'absurdité de la vie, il montre des réflexions assez noire sur le genre humain :

"311.Il arrive parfois – sans que je m’y attende et sans que rien m’y prépare – que l’asphyxie de la vie ordinaire me prenne à la gorge, et que j’éprouve une nausée physique de la voix, des gestes de ce qu’on appelle nos semblables. Une nausée physique directe, ressentie directement dans l’estomac et dans la tête, stupide merveille de la sensibilité éveillée… Chacun des individus qui me parlent, chaque visage dont les yeux me fixent, m’affecte comme une insulte, une ordure. Je suinte par tous mes pores une horreur universelle. Je défaille en me sentant les sentir."

Il fait preuve de grandes réflexions :

"298. Tout est absurde. Celui-ci consacre sa vie à gagner de l'argent pour le mettre de côté, sans avoir seulement d'enfants à qui le laisser, ni le moindre espoir de voir un ciel quelconque réserver un sort transcendant à sa fortune."

Pour ceux qui se poseraient la question si Fernado Pessoa était franc-maçon, ou dans toute autre société :

"256. J’ai toujours éprouvé une répugnance presque physique pour les choses secrètes – les intrigues, la diplomatie, les sociétés secrètes, l’occultisme."

Il a raison quand il écrit :

"278.La plupart des gens vivent, spontanément, une vie factice et impersonnelle. "La plupart des gens sont d'autres gens", a dit Oscar Wilde, et avec raison."

On peut lire comme un almanach, ouvrir une page au hasard, ou de A à Z..

Fernando Pessoa est un esprit fort tourmenté, mais à mon avis, c'est bien souvent là que ce trouve le génie d'un individu, c'est ce qu'il transparaît dans ses écrits.

Exemple, ce passage que j'ai particulièrement apprécié :

"262."Je pense, je sens sans cesse ; mais ma pensée ne contient pas de raisonnements, mon émotion ne contient pas d’émotions. Je tombe sans fin, depuis la trappe située tout là-haut, à travers l’espace infini, dans une chute qui ne suit aucune direction, infinie, multiple et vide. Mon âme est un maelström noir, vaste vertige tournoyant autour du vide, mouvement d’un océan infini, autour d’un trou dans du rien ; et dans toutes ces eaux, qui sont un tournoiement bien plus que de l’eau, nagent toutes les images de ce que j’ai vu et entendu dans le monde – défilent des maisons, des visages, des livres, des caisses, des lambeaux de musique et des syllabes éparses, dans un tourbillon sinistre et sans fin.

Et moi, ce qui est réellement moi, je suis le centre de tout cela, un centre qui n’existe pas, si ce n’est pas une géométrie de l’abîme ; je suis ce rien autour duquel ce mouvement tournoie, sans autre but que de tournoyer, et sans exister par lui-même, sinon par la raison que tout cercle possède un centre. Moi, ce qui est réellement moi, je suis le puits sans parois, mais avec la viscosité des parois, le centre de tout avec du rien autour."

Il va loin dans ses réflexions, il donne tout..

5 étoiles pour ce chef d'œuvre qui fait parti de "Les 100 meilleurs livres de tous les temps selon le Cercle norvégien du livre".
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Le livre de l'intranquillité

Fernando Pessoa est un géant de la littérature portugaise - et de toute la littérature, en général. Il est peut-être très significatif que son patronyme veut dire dans sa langue maternelle « personne » ! Mais cet auteur ne peut être lu et surtout admiré que par des lecteurs très avertis, car son œuvre est difficile. Difficile par son ambition, par son écriture, mais aussi par la nature même de ses écrits. Car Pessoa était génial, d’une intelligence et d’une lucidité hors du commun, mais aussi étrange, détaché du monde ordinaire, réfugié dans ses rêves, empreint d’une profonde tristesse, souffrant en permanence de sa singularité existentielle sans avoir la volonté de s’en affranchir.

Autrefois, j’avais découvert Pessoa à travers une seule de ses œuvres poétiques, "Bureau de tabac", qui m’avait complètement "bluffé". Dans "Le livre de l’intranquillité", les caractéristiques particulières de l’auteur apparaissent d’une manière évidente. Cette œuvre en prose a été publiée d’une manière posthume, grâce à un énorme travail éditorial. C’est une sorte de long journal intime, qui fait intervenir Bernardo Soares, qu’il appelle son double "hétéronyme".

Presque chaque page est profonde, subtile, nécessaire, magnifiquement écrite. Pourtant, je n’ai pas cherché à aller jusqu'au bout de ce monument littéraire élevé par Pessoa à lui-même. Pourquoi ? Parce que les pensées qu’il consigne sont trop attachées à sa personnalité et trop empreintes de ses obsessions mélancoliques. Dans ma vie, j’ai rencontré trop de difficultés personnelles pour vouloir aujourd’hui m’imprégner de la problématique existentielle de Pessoa, si génial et profond soit-il. C’est pourquoi j’ai pris la décision d’arrêter ma lecture, tout en admettant sans hésitation qu’il s’agit d’un chef d’œuvre.

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L'Heure du Diable

Maria prend congé un soir de son mari pour se rendre à un carnaval. Elle y rencontre un homme déguisé en diable qui lui assure être "le diable c'est-à-dire un gentleman" . Leur conversation, absolument surréaliste, fait vaciller nos repères. Le diable rassure Maria, il se dit aussi inoffensif qu'un clair de lune, aussi précieux que l'Ironie, puisqu'il n'est autre que l'Imagination, autre que nous-même.

Le trouble qui naît à la lecture de cette conversation repose sur l'impression d'une inquiétante étrangeté tout autant que celui d'une familiarité. Le lecteur a l'impression de rêver. Assiste-t-il à une véritable rencontre entre Maria et l'étranger, cet homme déguisé ou à une rencontre puissamment symbolique avec l'Étrange en Maria? Ce faisant, quelle est la rencontre proposée au lecteur ?

Quoiqu'il en soit, ce livre nous relie véritablement à cette zone de rêve crépusculaire où nous sommes le plus vrai et où nos idées, croyances ou représentations du monde que nous pensons meilleures que d'autres, ne sont que des balbutiements d'idées, de croyances...

La révélation finale sur l'origine du poète, auteur du récit, réjouissante d'intertextualité biblique et littéraire, révèle une grande maîtrise de la narration.

Ce livre qui se lit en à peine deux heures est un trésor inouï.
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Le livre de l'intranquillité

Une prose intense et de haute précision pour décrypter un mal de vivre, toujours à la frontière entre la veille et le sommeil, le réel et l’imaginaire, un no man’s land immergé dans une observation scrupuleuse de la nature et des choses.

Ce livre, je ne l’ai jamais terminé. Si je pousse trop loin la lecture, il finit par me faire sombrer moralement. Pourtant, je le garde toujours à portée de main, il m’accompagne depuis 30 ans, a subi tous mes déménagements, et quand je l’ai perdu je l’ai vite racheté (celui avec la couverture jaune pâle et la photo de Pessoa, impeccable, à la démarche hésitante).

Pourquoi ? Car ses textes courts me recentrent. Ils me disent la complexité que chacun est, face à la vie, face à la mort, face au sens des choses (c'est-à-dire à son absence de sens), complexité qu’il est bon d’affronter, dans un monde tourné essentiellement vers la fuite et le divertissement. Et quel style ! Quel style ! Cette beauté des phrases…

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Le pèlerin

De Pessoa, je ne connaissais que le nom et j’ai ramassé ce tout petit livre à la bibliothèque de mon quartier pour aborder par le menu cet auteur réputé. Mal m’en a pris car il s’agit d’une œuvre inachevée, de bribes rassemblées a posteriori. Il y a donc des ruptures d’un chapitre à l’autre et finalement l’éditeur nous donne à lire la trame que Pessoa a lui-même écrite pour donner une idée de ce que l’œuvre aurait pu devenir s’il l’avait achevée. On comprend alors clairement qu’il s’agissait d’un conte philosophique en forme de quête spirituelle dans la veine de ce qu’ont pu écrire Coelho et Hesse. Autant le dire: ce n’est pas « ma tasse de thé ». J’ai donc été très déçue mais je ne porte pas pour autant sur l’auteur un jugement définitivement négatif. J’y reviendrai donc quand l’occasion se présentera
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Le pèlerin

On retrouve le style torturé et usant de contradictions cher à Pessoa, au service cette fois-ci d'un conte initiatique à l'ossature simple : une enfance paisible et dormante, un individu mystérieux déclencheur d'une quête, un parcours semé d'embûche(s) (une dans le texte, plusieurs dans le Récapitulatif et résumé de la fin du récit) que le protagoniste déjoue et une fin dont Pessoa "garde le symbole ouvert, [...] ne l'enferme pas dans la signification unique d'une allégorie."

Très impersonnel et vague (aucun prénom n'apparaît par exemple), ce petit conte a une étrangeté - au début surtout, l'on pense presque à un roman gothique par l'attente d'une apparition qu'un mystère établit - et une portée universelle qui séduira tous les... pèlerins que nous sommes !
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Fragments d'un voyage immobile

La Feuille Volante n° 1094

Fragments d'un voyage immobile. Fernando Pessoa - Petite bibliothèque Rivages

Traduit du portugais par Rémy Fourcade.



Tout d'abord il s'agit là de la publication de citations de Pessoa, choisies arbitrairement par l'éditeur parmi celles qui ont déjà été publiées ou qui restaient encore inédites, ce qui donne à voir un désordre de textes, mais un désordre apparent cependant. Ces « poèmes » révèlent un Pessoa, certes poète, bien qu'il s'en défende, mais surtout un penseur, un rêveur introspectif qui voisine avec un homme inquiet du quotidien (le manque d'argent) mais aussi l'amour ou plus exactement l'idée qu'il s'en faisait(« La vraie sensualité n'a aucun espèce d'intérêt pour moi »), un être hanté par l'idée de la vacuité de lui-même, bref quelqu'un qui est à la fois banal et extraordinairement hors du commun. Ce sont des textes riches et révélateurs, sans artifice rhétorique, des remarques jetées sur le papier au hasard de l'inspiration ou du désespoir.

Entrer dans l’univers créatif d'un poètes n'est pas chose facile et c'est sans doute encore plus difficile quand il s'agit de Pessoa, un homme qui toute sa vie a fui les honneurs, se cantonnant dans les fonctions de modeste rédacteur de documents commerciaux. Personnalité hors du commun, donc mais aussi poète complexe qui écrivait en son nom mais aussi au nom de personnages fictifs, créés par lui-même, aussi différents de lui-même qu'ils l'étaient les uns par rapport aux autres – C'est ce qu'on a appelé les hétéronymes.

Voila donc 241 fragments, c'est à dire des « pensées  » jetées sur de vieilles feuilles de papier, parfois même au dos de factures périmées et déposées dans une malle qui sera retrouvée après sa mort comme une sorte de bizarre testament à l'usage de tous les vivants et des générations à venir. Ce sont des sentences brèves où il nous parle de lui-même, de sa vocation poétique, du plaisir qu'il a à écrire, à inventer des personnages, sa préférence pour la prose, la prééminence de l’imagination et de son impossibilité de créer parfois, face à la page blanche ou face à son besoin de sincérité (« Le poète est un simulateur »). Mais, quid du voyage pour lui qui à part dans son enfance ne quitta pratiquement jamais Lisbonne ? Écrire, s’exprimer avec des mots, c'est comme dans tous les autres arts, faire un voyage à l'intérieur de soi. Cette démarche révèle une solitude intime, certes créatrice et catalysant l'émotion, mais aussi un mal-être où il prend conscience de son absence d'avenir, de la réalité de son échec avec une tendance à la procrastination ou carrément à l'inaction, de l'angoisse qui l'étreint entre des rêves fous pour demain et l'inutilité de sa vie au quotidien et même d'une sorte de déconstruction de lui-même, l'antichambre de la mort, la seule conclusion de la vie qui vaille (« la seule conclusion, c'est mourir »), bref une sorte de « saudade » qui caractérise bien l'esprit lusitanien. Il est en permanence ce, paradoxe, entre le vertige et le néant, la connaissance de soi et la simulation, la feinte voire la supercherie, conscient que son isolement se double d'une véritable déréliction face à une divinité à laquelle il ne croit plus et dans une société où il a du mal à se situer. Même le sommeil n'est plus pour lui une parenthèse bienvenue(« Je ne dors pas, j'entresuis ») c'est tout juste un moment physique obligatoire et la lecture n'est plus un « divertissement » au sens pascalien du terme. Pessoa est un être introverti qui avoue ne pas vouloir parler de lui mais c'est pourtant ce qu'il fait à longueur de pages et à travers différents hétéronymes, ce qui est une manière de s'analyser soi-même. Rien d'étonnant à cela, les écrivains trouvent en eux la vraie nourriture de leur œuvre. Mais à ses yeux, publier ce qu'on écrit, c'est perdre une partie de soi-même.

Comme le fait remarquer Otavio Paz dans un remarquable essai en forme de longue préface, Pessoa signifie « personne » en portugais, qui vient lui-même de « persona » le masque des acteurs romains, cela résume bien l'homme et l'écrivain.

© Hervé GAUTIER – Novembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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L'Education du stoïcien

Tous les manuscrits des grands hommes semblent être des écrits reclus au fond des tiroirs d’obscures chambres d’hôtel. Passés ici à moisir des décennies, ce sont toujours leurs confrères, écrivains eux aussi –quelle heureuse coïncidence- qui les retrouvent, les lisent, les aiment et prennent la pose du publicateur. Ainsi, le Baron de Teives, « écrivain » de L’éducation du stoïcien me rappelle certains traits du Gog de Giovanni Papini, ce dernier relevant de la démesure là où le baron découvert par Fernando Pessoa reste encore crédible. Toutefois, on l’aura bien compris, cette supposée découverte des manuscrits fait elles aussi partie du mythe de ces personnages extrêmes. On comprend qu’une telle ruse soit nécessaire : pour que ceux-ci restent crédibles jusqu’au bout de leur misanthropie et/ou de leur désespoir face à l’existence, il faut que jamais ils n’aient sciemment décidé de mêler leurs écrits à la foule bruissante qu’ils méprisent, mais bien plutôt que quelqu’un les ait découverts fortuitement.





L’éducation du stoïcien est souvent rapproché du Livre de l’intranquillité en ce que leurs deux auteurs supposés –le Baron de Teives d’une part, Bernardo Soares d’autre part- apparaissent comme les deux versants contradictoires qui forment une somme de la personnalité ambivalente de leur créateur –Fernando Pessoa. Faut-il avoir lu les deux textes pour apprécier l’un ou l’autre ? Peut-être en émergera-t-il une meilleure compréhension mais ce n’est absolument pas nécessaire, et l’éducation du stoïcien se suffit amplement à elle-même.





Le personnage du Baron de Teives semble incarner un des possibles que Fernando Pessoa lui-même aurait pu devenir s’il s’était laissé aller à exacerber certaines des composantes de sa personnalité. On dit que Bernardo Soares du Livre de l’intranquillité a la prose calme, fluide et imagée du bourgeois cultivé, tandis que le Baron de Teives s’exprime d’une manière sèche et rigoureuse. Même si je n’ai pas pu faire la comparaison, ce stoïcien ne m’apparaît pas si rude qu’on ne le dit. Si ces jugements peuvent parfois sembler catégoriques, c’est parce qu’ils sont concis, dénudés de tous les apprêts du langage, et ce dépouillement est morbide dans la liaison étroite qu’il entretient avec son évocation du suicide. Il semble alors évoquer l’abandon progressif des liens qui relient l’homme à son existence. L’écriture attribuée au Baron de Teives n’est donc pas impitoyable en elle-même mais en ce qu’elle évoque la réalité non bariolée du suicide qui l’attend –impitoyable dans son réalisme.





Ici, le Baron de Teives, tout stoïque qu’il se revendique, ne pourrait certainement s’empêcher d’être flatté : le réalisme, voilà ce qu’il recherche ! et dans les quelques pages qu’il écrit, en préparation mentale à l’acte du suicide qui l’attend, il explique quelles sont les raisons qui l’ont conduit à cette extrémité de derniers recours. C’est ici que le réalisme est glorifié au détriment d’un romantisme qui pousse l’homme à s’accabler et à se complaire dans les malheurs qui gravitent autour de sa pauvre petite personne. Le stoïcien, lui, refuse toute focalisation égocentrique sur lui-même, jusqu’au déni de sa souffrance psychologique, jusqu’au mépris de son existence passée. Oui, le Baron de Teives est dur avec lui-même, mais c’est pour l’être moins avec le monde qui l’entoure.





« Je mets fin à une existence qui m’avait semblé pouvoir connaître toutes les grandeurs, mais qui n’a connu que mon incapacité à les vouloir. »





Le futur suicidé apparaît sous une forme inédite… alors que la plupart du temps, le suicide s’accompagne d’une accusation et d’une condamnation de la vie, du système ou de l’humanité, le Baron de Teives reconnaît que ceux-ci n’ont rien qui ne puisse se soumettre au jugement moral –ni de bon ni de mauvais en soi- et que seule son inadaptation au monde tel qu’il est ne lui permet pas de tirer le meilleur parti de cette existence qui lui est proposée. Ceci ayant été radicalement affirmé, et puisque rien ne semble pouvoir dévier la trajectoire sur laquelle s’est lancée le baron, il ne lui reste plus qu’une solution : mettre fin à cette tragédie personnelle, dont il prit garde de ne jamais faire une tragédie générale. La philosophie du Baron de Teives est merveilleuse car, même si elle conduit son créateur à mettre fin à ses jours, elle admet la possibilité d’existences épanouies et heureuses. Elle souligne l’extrême relativité de toute vision du monde et l’illustre à travers un exemple à l’humour ravageur : les plus grands philosophes pessimistes ne l’ont été qu’à force de n’avoir jamais atteint la satisfaction sexuelle.





« Les trois grands poètes pessimistes du siècle dernier –Leopardi, Vigny et Antero- me sont devenus insupportables. La base sexuelle de tout ce pessimisme m’a laissé, dès que je l’ai entrevue dans leur ouvre, et l’ai vue confirmée à la lecture de leur vie, une sorte de nausée de l’intelligence. Je reconnais quelle tragédie ce peut être pour n’importe quel homme […] le fait d’être privé, qu’elle qu’en soit la raison, de relations sexuelles, comme ce fut le cas pour Leopardi et Antero, ou de relations aussi nombreuses ou aussi insatisfaisantes qu’il l’aurait voulu, dans le cas de Vigny. Ces choses-là, cependant, sont du ressort de la vie privée, et ne peuvent donc, ni ne doivent, être exposées à la publicité dans les vers qu’on publie ; elles appartiennent à la vie personnelle de chacun et ne doivent pas, en conséquence, se voir transposées à la généralité de l’œuvre littéraire, car ni la privation de relations sexuelles, ni l’insatisfaction qu’on retire de celles qu’on a, ne représentent quelque chose de typique ou de largement répandu dans l’expérience de l’humanité. »





Alors certes, si le Baron de Teives n’est qu’un représentant incomplet de la personnalité de Fernando Pessoa, il est toutefois une incarnation réussie de l’idéal stoïcien. Puisqu’il est prêt à endurer toute chose sans broncher, il accepte la conclusion de sa philosophie libératrice : à chaque homme l’existence qu’il mérite. Puisqu’il est incapable de goûter à ce que d’autres appellent la « beauté du monde », puisque son cerveau dégénéré ne capte que la misère et la tristesse de toutes choses, alors il est inapte à la vie, alors il mérite de mourir. Ceci dit, ceci expliqué, le Baron de Teives pose sa plume et disparaît. Il laisse son lecteur seul face à lui-même ; seul mais non désœuvré, car à celui-ci revient maintenant la tâche de se confronter à la même interrogation que celle qui poussa le baron à quitter Terre : apte à la survie, oui ou non ?


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Poésies d'Alvaro de Campos - Le Gardeur de tr..

Nous avons tous deux vies :

la vraie, celle que nous avons rêvée dans notre enfance, et que nous continuons à rêver, adultes, sur un fond de brouillard;

la fausse, celle que nous vivons dans nos rapports avec les autres,

qui est la pratique, l'utile,

celle où l'on finit par nous mettre au cercueil.
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Le Banquier anarchiste

L'histoire d'un banquier qui réunit autour de lui une petite confrérie dont le combat est le suivant

se révolter contre cette société matérialiste et égoïste dans laquelle le monde moderne est tombée. Ils réfléchissent ainsi ensemble aux moyens de lutter contre cela et essaient d'imaginer toutes les sortes d'anarchies possibles et imaginables pour faire leur petite révolution. Finalement, notre protagoniste va trouver sa propre solution : En se rendant compte que le seul véritable maître en ce bas monde est l'argent, il va décider de devenir banquier afin d'accumuler le plus d'argent possible. Il s'agirait d'une sorte de vaccin : c'est en injectant le virus dans son propre organisme que: ce banquier veut lutter que les plus terribles des maux de la planète : l'argent et cette société individualiste dans lequel le monde a sombré. Paradoxe ou non ?

Roman un peu complexe par moments car les idées de cet anarchiste ne sont pas toujours évidentes à suivre mais qui présente une intéressante réflexion en soi.
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Le livre de l'intranquillité

Mon livre de chevet, lu et relu, mais jamais dans l'ordre ni d'une traite.

C'est un livre qui se déguste plus qu'il ne se dévore.

Ce "livre de l'intranquilité" se veut un journal sans événements : pas de péripéties ici, pas vraiment d'intrigue non plus, on y trouvera les réflexions et états d'âme de ce personnage falot et attachant, double de Pessoa.

Je donnerais mille étoiles à ce sommet de la littérature, retrouvé, dit-on, par hasard dans une malle, ou est ce là part de la légende qui entoure cet ouvrage singulier ?

Les amoureux de "page turner" passeront leur chemin.

Ceux qui aiment butiner, qui prennent leur temps, qui aiment la poésie en prose, trouveront ici un livre qui les accompagnera pendant des années, voire toute une vie...
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Le livre de l'intranquillité

Le livre de l’intranquilité est vraiment un livre spécifique. Il s’agit de pensées déconnectées les unes des autres, à première vue, issue de la pensée d’un des alter egos de l’auteur. Je pense que ces réflexions résonneront plus ou moins avec les lecteurs, mais elles étaient souvent en miroir des miennes. Assez pour que je considère Fernando Pessoa comme un frère d’âme ! Son écriture est précise, intense, d’une grande poésie, c’est le genre de livre dont on surligne et annote plusieurs pages pour les garder en tête. Car les pensées de Bernardo Soares ont quelque chose d’universel. C’est une âme qui se sent trop grande pour le quotidien banal dont elle est affligée, mais trop passive pour atteindre son potentiel. Il vit dans le rêve et le rêve le nourrit, déconnecté des individus et pourtant universel dans sa prose. Entre frustrations et moments de grâce, l’écriture est ponctuée de citations marquantes que l’on a envie de retenir pour toujours. C’est le genre de livre qui se picore plutôt qu’à lire d’une traite.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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