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Citation de SZRAMOWO


Je regardais l’homme. Son aspect avait quelque chose de tellement singulier que, rien qu’en le voyant, on se sentait pris d’une irrésistible envie de rire – ce qui m’arriva d’ailleurs. Autre remarque aussi : les yeux minuscules de ce petit monsieur viraient sans cesse dans tous les sens, et lui-même subissait à un tel point l’influence magnétique des regards étrangers, qu’il semblait deviner instinctivement l’attention qui pesait sur lui. Il se retournait aussitôt, examinant le gêneur avec inquiétude. Sa mobilité perpétuelle le faisait positivement ressembler à une girouette.

Chose étrange, il semblait craindre les railleurs bien qu’il dût aux moqueries dont il était l’objet, ses plus sûrs moyens d’existence, car il était le bouffon de tout le monde : son occupation principale, c’était de recevoir des chiquenaudes morales et même physiques, selon la société dans laquelle il se trouvait.

Les bouffons volontaires n’excitent même plus la pitié. Je remarquai cependant que cet homme ridicule n’était pas un pitre professionnel et qu’il restait en lui quelque chose d’élevé. Son air de gêne, la crainte perpétuelle et maladive qui le dominait, pouvaient militer en sa faveur.

Il me semblait que son désir de se montrer serviable vînt d’une bonne nature et le menât plus que des calculs matériels. Il permettait avec un certain plaisir qu’on se moquât de lui, qu’on lui rît au nez, mais, en même temps, je l’aurais juré, son cœur saignait à la pensée que ses auditeurs riaient ainsi, méchamment, non de ce qu’il racontait, mais de sa personnalité même, de son cœur, de sa tête, de son extérieur, de sa chair et de son sang.
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