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Citation de lolitajamesdawson


À tous ces enfants réduis au silence, à qui la mémoire et la parole sont revenues trop tard. À tous ces enfants qu'il est encore temps de consoler.

Je flairais qu'une part de moi-même était restée tout au fond, en danger, et je n'aurais supporter de m'être une fois de plus tourné le dos. Il en allait de ma vie.

Ma tête est partie en arrière, mes mains ont tenté de se retenir à une prise imaginaire, puis anéantie, j'ai rendu les armes : j'ai laissé mon corps tomber. Dans le vide. Dans le noir. Dans le grand trou de mon âme, dans la cicatrice de l'obus qui m'avait perforée.

Je m'appelle Flavie, j'ai quarante-deux ans. Beaucoup pensent me connaître mais jusqu'à hier encore, j'ignorais moi-même qui j'étais. J'étais Poupette. Personne ne l'a aidée. Même pas moi.

Ce que je venais de vivre, cette onde de choc émotionnelle, cette conviction que ma mort était imminente, cet anéantissement total de toutes les fonctions, était la plus effroyable sensation qu'il m'avait été donné d'éprouver. J'ai prié le ciel pour que cela ne se reproduise plus jamais. Il ne m'a pas entendue. Ce n'était que le début.

Cette terreur est irrationnelle. Elle vient de trop loin pour que je puise la saisir. Je deviens folle, j'en suis sûre. Et j'ai peur d'avoir peur ; double peine. Cercle infernal.

Mais brusquement, une pulsion irrépressible me dicte de rester là, au fond de la baignoire, de ne surtout pas remonter, de cesser de respirer, de laisser mon cadavre refaire surface quand tout sera fini.

La mort rôde, je la sens.

J'ai toujours su. Toujours su que quelque chose n'allait pas. Depuis des années, je m'arrange, je me plie. Je cohabite avec un chagrin dont l'origine m'échappe. La tristesse enserre depuis si longtemps mon âme qu'elle me semble familière, et inhérente à l'existence. J'écoute les heureux mais je ne les comprends pas. Je ne les envie pas non plus car je ne pense pas qu'un coeur puisse être autrement que le mien : à vif, donc vivant.

La brûlure est le signe qu'on existe. Je me dis que chacun compose avec sa douleur et que la force réside dans cette faculté ou non à résister. Chaque jour est une lutte. En bon petit soldat, je m'emploie à la mener.

Je me surprends alors à désirer la mort pour faire cesser les hurlements de mon âme et de mon corps, même si je dois quand même concerner une petite lueur d'espoir, car à la mort, lorsque j'y songe je préfère le coma. Je voudrais sombrer et ne me réveiller que des semaines, des mois ou des années plus tard, mais guérie.

Un rugissement rauque et sauvage. Il a joui. Il a crié. Comme un conquérant. Elle n'a rien dit. Comme une morte.

Il y a, au fond du regard qui me fixe, une résignation qui me glace : les larmes sont inutiles. Il ne reste plus rien à pleurer.

Que ceux qui dorment tranquille sur l'oreiller de mon silence poli depuis tant d'années comprennent leur méprise : Poupette a toujours crié au fond de moi, et n'a jamais douté de la cause de son indignation. Le silence à cette vertu de paraître éternel. Mais tant qu'on et vivant, on peut le briser.
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