Né Coupable, écrit par Florence Cadier, à paraître le 20 novembre 2020.
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Le jour de mes treize ans, je me suis senti aussi vieux qu'un homme de vingt-cinq ans. J'avais appris que la vie n'est pas tendre et que je portais un handicap jusqu'à la fin de mes jours : ma couleur de peau. Josh aussi n'était plus le même : il avait perdu les rondeurs de l'enfance, l'innocence de petit garçon. Il ne posait plus de questions puériles. D'ailleurs, il ne posait plus aucune question. Nous connaissions la méfiance et la peur. J'avais appris la révolte. Comme mon père, je refusais de baisser les bras.
La suite s’était déroulée naturellement. Il avait fallu le forcer un peu à avouer, l’animal voulait se faire passer pour innocent, mais, depuis vingt ans qu’il était dans la police, il avait l’habitude de se coltiner les voleurs et autres criminels noirs. Des menteurs, des fourbes, qui jouaient très bien la comédie.
Je suis transparent pour eux, un fantôme de fils qui les encombre. Pourquoi ont-ils voulu un enfant ? Je me pose souvent cette question, d'autant que je n'ai ni frère, ni sœur. Suis-je un accident de la vie ? Que s'est-il passé pour qu'ils ne fassent qu'un bébé et qu'ils le délaissent. Et si j'étais le fruit d'une adoption ? Voilà qui pourrait expliquer leur indifférence : je les déçois, je ne suis pas celui qu'ils croyaient que j'allais devenir la première fois qu'ils m'ont vu. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas de réponse et ce n'est pas eux qui m'en donneront.
- Donc on est tombés d'accord, avec votre mère, qu'il ne servait à rien, pour vous, pour nous, de rester avec cette image terrifiante de Palestiniens qui ont tué Noham. Ce sont des extrémistes fous et dangereux, mais il y en a dans les deux camps. Alors, nous nous sommes renseignés sur ce village, Nevé Shalom Waahat as-Salam, où des familles arabes et juives vivent ensemble. Et nous voulons tenter l'expérience.
Deux peuples qui se détestent cohabitant dans un même village, je n'en reviens pas.
- Mais, c'est impossible, ils ne peuvent pas s'entendre !
- Ils essayent, ils ont tous le désir de vivre ensemble. Chacun apprend à respecter l'autre dans sa différence.
Nous rejoignîmes dans la rue des dizaines de personnes qui jubilaient, s'embrassaient, se prenaient par le bras pour danse. Des cris de triomphe [...] We shall overcome.
Il y a les familiers, comme la jeune femme, à peine 20 ans, seule avec son bébé ; le vieux monsieur qui attend chaque trimestre le versement de sa retraite ; le père de famille chômeur en fin de droits. Et tous les occasionnels qui deviennent peu à peu des habitués. C'est pire au moment des fêtes.
Après avoir longtemps couru derrière l'histoire de mon père, ma quête se heurtait à un mur. Je ne savais plus ce que je pourchassais. Je touchais du doigt le néant de mon âme. Fumer me faisait rêver, rien de plus. Je vivais dans l'utopie d'une vie que je ne construirais pas.
“Actuellement, l’égalité entre les races parait acquise. Elle ne l’est pas.”

J'ai toujours pensé que soeur Bridget et mère Abigail nous menaient en bateau. Pourquoi punir des filles pour des crimes qu’elles n’ont pas commis ? Laquelle d’entre nous est véritablement coupable ? Et coupable de quoi ? D’aimer, d’être aimée ? Je n'ai jamais rien lu de semblable dans la Bible. Je me souviens bien de mes cours de caté avec le curry de Clonakilty, le « aimez-vous les uns les autres » qu’il nous expliquait en long et en large et qu'il reprenait dans un sermon dominical. Alors, comment peuvent-elles nous contraindre à nous laver de nos péchés s’il n'y a pas eu faute ? Ne devraient-elles pas plutôt nous soutenir d'avoir été rejetée par nos familles ? Je me demande si elles ne tirent pas une certaine satisfaction de notre souffrance. C’est peut-être exagéré de le croire, mais il m’est arrivé de le voir sourire quand une de mes compagnes pleurait ! Elles ne ressentent aucune pitié quand nous sommes exténuées ou tristes. Les sentiments de compassion et d’empathie les ont désertées, leurs cœurs sont secs, comme leurs yeux et leur corps.
Puis je me secoue, je lutte. Il faut que le retrouve ma colère, cette fureur qui m'a fait tenir jusqu'à présent. Celle qui m'a aidée à ne pas baisser les yeux devant les humiliations subies, une fois équestrée entre les quatre murs du couvent des Magdalène.