Tout philosophe, remarquait Maurice Merleau-Ponty, songe à une parole qui les terminerait toutes. Cet espoir est remarquablement illustré par certains aphorismes, si concis et si riches qu'ils semblent condenser une infinité de significations, d'images et d'expériences en une unité minimale d'espace et de temps.
Avant même d'être le révolutionnaire que nous connaissons, Marx fut un philosophe matérialiste, soucieux de rompre avec la tradition philosophique idéaliste de ses prédécesseurs. Celle-ci supposait en effet que les idées gouvernent le monde. Or, pouvons-nous espérer comprendre les mécanismes réels de l'Histoire si nous croyons en un tel pouvoir de l'esprit ?
Les sociétés modernes ayant aboli les anciennes hiérarchies, le peuple s'attache au principe de l'égalité. Il se refuse à l'autorité de quelques-uns et s'accommode mieux de pouvoirs centraux impersonnels. En outre, les individus se consacrent essentiellement à l'accroissement de leur bien-être, et ce « goût des jouissances matérielles » se développe au détriment de l'amour de la liberté, dont l'exercice réclame un engagement civique. Ces nouveaux citoyens ont donc tendance à se replier sur leur sphère privée et à négliger la vie politique. Un pouvoir fort leur semble même bienvenu s'il garantit l'ordre et la protection de leurs affairements quotidiens. Individualisme et indifférence à la vie publique risquent alors de faire le lit d'un pouvoir « immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur providence et de veiller sur leur sort ». Un pouvoir absolu inédit, met en garde Tocqueville, suffisamment précis et bureaucratique pour contrôler leur vie, mais aussi suffisamment régulier et prévoyant pour se dispenser, en général, de recourir à la violence.
Quel sentiment d'admiration et de délectation devant le constat qu'une simple phrase nous hisse soudain à l'universel, à l'intemporel, en paraissant capturer l'"essentiel" - toutes ce choses que nous aurions aimé dire, mais que nous n'aurions jamais réussi à exprimer ainsi...
Freud inclut parmi les données primordiales de la nature humaine un fonds incompressible d'agressivité, que nous serions tous tentés d’assouvir aux dépens de notre « prochain ». Et c'est l'une des tâches principales de la culture que de limiter cette agressivité
Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie mais la vie qui détermine la conscience.
Descartes est convaincu qu'il n'y a dans le monde, hormis l'esprit humain, que des mécanismes plus ou moins complexes. Or, dès que l'on connaît les rouages d'une machine, on peut entreprendre d'agir sur elle à la manière d'un ingénieur. Cette conception est donc prometteuse d'un point de vue pratique, mais, ne voyant dans la nature que matière et mouvement, elle la réduit à un matériau exploitable dans l'intérêt de l'homme. À l'époque, aucun principe de précaution ne limite cette transformation, laissant le champ libre à une emprise croissante de la technique sur le monde.
[Marx] constate que les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde mais n'affirme nullement qu'il faudrait se passer de toute interprétation. Cette dernière activité est nécessaire, mais pas suffisante. De même que la science se prolonge en technique, la réflexion philosophique doit déboucher sur l'action, en particulier politique.
lorsqu'on observe les hommes de près, on n'aperçoit que des individus animés de passions personnelles ; mais en prenant du recul, on découvre que ces intérêts individuels sont la force même grâce à laquelle des mutations historiques s'accomplissent.