Pour Schmitt, il faut renouer avec une démarche qui définit conceptuellement ce que désigne la démocratie, afin de distinguer les bons et les mauvais usages d’un terme trop répandu. Il faut pour cela séparer nettement démocratie et libéralisme, confondus abusivement au XIXè siècle. L’enthousiasme démocratique s’est en effet en grande partie fondé sur l’universalisme abstrait de la pensée libérale, qui affirme l’égalité de tous les hommes. Mais la démocratie ainsi comprise est une « démocratie de l’humanité », c’est à dire une entité politique qui n’a pas d’existence dans l’histoire. Car n’existent que des démocraties fondées sur des nations différenciées, donc sur une égalité que Schmitt appelle substantielle : ce sont les citoyens appartenant à un ensemble politique homogène qui sont égaux.
(p.259)
La démocratie est le meilleur régime si on la considère non pas comme une simple organisation institutionnelle, mais comme un ensemble de valeurs (liberté, égalité, justice, dignité) auxquelles l'ensemble de la population peut adhérer. Le XXème siècle a appauvri l'idée démocratique, en la réduisant à son sens minimal, c'est-à-dire à la manière de choisir nos gouvernants à travers des élections libres et compétitives.
Or elle est bien plus que cela, et c'est cette conception riche, substantielle, qui m'intéresse. Les démocrates grecs, dans l'Antiquité, le disaient déjà : la démocratie est une manière de vivre, une façon d'entrer en relation avec les autres.
(interview Télérama, novembre 2015)