Citations de Francis Perrin (61)
Quel malsain plaisir certains hommes trouvent-ils à réfuter systématiquement du génie à ceux qui ont le don de faire rire ? Pourquoi chercher à les rabaisser ? Sommes-nous si dangereux pour susciter tant d’acharnement, tant de haine et tant de mépris ? Mais j’en reviens à moi parce que, ce soir, je suis ici pour te parler de moi, Triboulet. Toi, c’est ton véritable patronyme, moi ce n’était qu’un surnom que l’on m’a donné au sortir de mon enfance
Le comte de Montmorency ne supportait pas que l’on se moque de sa bedaine qui le précédait d’un bon pied et lui donnait une allure de tonnelet ambulant. Il me menaça de me faire périr sous la bastonnade. J’allais aussitôt m’en plaindre à « mon cousin » :
« Ne crains rien, me rassura-t-il, s’il ose te faire subir pareil traitement, je le ferai pendre dans le quart d’heure qui suit.
– Ah ! cousin, grand merci, mais je préférerais que vous le fassiez pendre dans le quart d’heure qui précède ! »
François avait sa voix des graves occasions et je savais, à l’entendre, que c’en était fini pour moi :
« Je t’avais mis en garde : ne jamais être aux dames malfaisant. Tu as transgressé l’ordre royal en dépassant toutes les limites par ton insolente vulgarité envers la favorite de ton roi qu’on ne peut accuser de champisseries. Je te condamne à mort mais comme tu m’as diverti durant bon nombre d’années, je te permets de choisir ta mort !
– Mon cousin, j’aimerais mourir de vieillesse. »
L’éclat de rire spontané qui suivit ma repartie me sauva la vie.
Je m'appelle Alain Triboulet, j'ai cinquante-cinq ans.
- Avez-vous du temps pour une dernière question, La Grange ?
- Je vous écoute
- Sommes-nous vraiment utiles à la société ?
- Qu'entendez-vous par là ?
- J'ai un désagréable sentiment d'insignifiance. Que voulez-vous qu'il reste d'un saltimbanque ? Je suis passé par toutes les incarnations possibles J'ai été tantôt peureux, héroïque, joyeux, ridicule, lâche, généreux, hâbleur, naïf, rusé, paillard, tragique, toujours malmené entre le rire et l'émotion Comment savoir qui je suis vraiment ? Pourquoi s'évertuer chaque soir à être quelqu'un d'autre ? Qu'avons nous à attendre en retour ? Des larmes, des rires, des applaudissements, des ovations ou des insultes et de méchantes critiques. C'est un métier qui a besoin d'éloges sinon il se meurt dans la sécheresse.
Molière veut que l'on cesse de toujours considérer le rire comme un art mineur et tente de briser cette idée reçue disant que tout l'esprit et toute la beauté sont dans les poèmes serieux et que les pièces comiques sont des niaiseries qui ne méritent aucune louange.
Lully, qui compose désormais toutes les musiques des comédies de Moliere, fait à présent partie du cercle d'amis qui se retrouve régulièrement rue de Richelieu. Il leur donne parfois un aperçu de ses compositions en les jouant sur sa guitare qu'il manie comme un virtuose. Le jeune Racine, lui aussi, est à présent un habitué de ces longues et fréquentes soirées où l'esprit et le talent font assaut de préséance.
Écrire ? Quand ? Ma condition de chef de troupe m'en laisse-t-elle le temps ? Entre les répétitions, la mise en place, la surveillance des décors, la composition des costumes, la gestion des dépenses, la distribution des parts à chaque comédien, l'achat des chandelles et autres inattendus, il ne me reste qu'une partie de la nuit et le petit matin...
Il s'est toujours trouvé meilleur tragédien malgré le succès remporté en province par les farces et par l'Étourdi, sa première comédie écrite en vers cinq années auparavant lors du passage de la troupe à Lyon. Mais cet echec cuisant va l'obliger à repartir en province et connaître à nouveau les difficultés qui ont souvent jalonné son parcours et qui ont précédé son retour a Paris.
Cela se terminait invariablement par de gros rires gras et force tapes dans le dos autour d'une chopine quand ce n'était pas à conter "farfemouille" à une souillon pour y tremper sa chandelle à la fin de la nuit.
(Triboulet parlant de son frère)
Je regardais ce grand nigaud avec une compassion qui n'excluait pas le dégoût. Il traînait après lui une odeur d'étable mal nettoyée ; il était si sale qu'il n'avait jamais dû se laver qu'à la pluie.
Il était pareil à ces vilains qui ne songeaient qu'à s'empiffrer de viande grasse et crue, engrossant leurs propres filles et sodomisant les truies.
Il est des moments dans une vie que l'on voudrait prolonger à l'infini, des moments de grâce, des moments où la moindre respiration, le plus petit geste sont ancrés au plus profond de soi.
Vint ensuite le dégoût, non pas de la matrone mais de moi-même.
Je me promis de prendre sur moi désormais, de ne plus m'écarter de mon plaisir solitaire et surtout de ne plus rêver à la bagatelle.
J'ai dû même songer une fraction de seconde à couper cet organe "pendouilleur et frétilleur" qui m'occupait trop l'esprit.
J'avais tout juste vingt ans et je sentais que cette sève qui s'agitait à gros bouillons à l'intérieur de moi ne demandait qu'à s'épanouir au grand jour.
Alors, je le prenais à pleines mains et le secouais comme prunier à l'automne pour lui redonner une forme raisonnable.
C'est ainsi que je découvris un plaisir solitaire qui me donna toujours entière satisfaction, me consola de bien des chagrins et calma des ardeurs qui auraient pu me détourner de mon sacerdoce.
L'histoire n'est que l'effort désespéré des hommes pour donner corps aux plus clairvoyants de leurs rêves.
(Albert Camus)
Qu'est-ce que la vie des mortels est d'autre qu'une vaste comédie dans laquelle divers acteurs travestis de divers costumes et masques déambulent, jouant chacun leur rôle jusqu'à ce que le grand ordonnateur les chasse de la scène ?
(Erasme)
Les humains ont tendance à mélanger ce qu'ils appellent la folie et les fous. Le véritable fou ne s'aperçoit pas qu'on se moque de lui. Il a de l'innocence dans la vraie folie et l'innocence, on passe aisément à la niaiserie, à la bêtise, à ce que vous nommez si justement à présent: la connerie.
Vous allez même jusqu'à organiser des dîners pour vous moquer d'un con, moi ça me couperait l'appétit.
Si tu as trop de sel
Tu paieras la gabelle.
Si tu refuses de la payer
l'apostille sera salée.
Tu perdras ta belle
Viendront le écrouelles.
Pour ne pas payer la gabelle
Suis donc un régime sans sel.
Pourquoi m'avait-on marqué du sceau de la différence? Comment un si joli esprit a pu se loger dans un si vilain corps? Si l'on me donnait le choix de rejouer mon existence, je voudrais avoir ce corps harmonieux dont j'ai tant rêvé mais je voudrais garder mon esprit tel qu'il était. Beau, beau, beau, mais brillant à la fois !
Trahi de toutes parts, accablé d'injustice,
Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices,
Et chercher sur la terre un endroit écarté,
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.
Le Misanthrope, Molière.