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Francis Ponge
Il ne faut cesser de s'enfoncer dans sa nuit : c'est alors que brusquement la lumière se fait.
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Francis PONGE Un siècle d'écrivains : 1899-1988 (DOCUMENTAIRE, 1999) Émission « Un siècle d'écrivains », numéro 203, diffusée sur France 3, le 25 septembre 1999, et réalisée par Jean Thibaudeau et Pierre Beuchot.
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Francis Ponge
Il ne faut cesser de s'enfoncer dans sa nuit : c'est alors que brusquement la lumière se fait.
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Le parti pris des choses / Douze petits écrits / Proêmes de Francis Ponge
Le cageot À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie. Agencé de façon qu'au terme de son usage il puisse être brisé sans effort, il ne sert pas deux fois. Ainsi dure-t-il moins encore que les denrées fondantes ou nuageuses qu'il enferme. À tous les coins de rues qui aboutissent aux halles, il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc. Tout neuf encore, et légèrement ahuri d'être dans une pose maladroite à la voirie jeté sans retour, cet objet est en somme des plus sympathiques, - sur le sort duquel il convient toutefois de ne s'appesantir longuement. |
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Les rois ne touchent pas aux portes de Francis Ponge
"Les grandes pensées viennent du coeur. Perfectionne-toi moralement et tu feras de beaux vers. La morale et la rhétorique se rejoignent dans l'ambition et le désir du sage."
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Francis Ponge
Prendre un tube de vert, l'étaler sur la page, Ce n'est pas faire un pré. Ils naissent autrement. Ils sourdent de la page. Et encore faut-il que ce soit page brune. Préparons donc la page où puisse aujourd'hui naître Une vérité qui soit verte. (Le Pré - Extrait) |
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Le parti pris des choses / Douze petits écrits / Proêmes de Francis Ponge
Comme dans l'éponge il y a dans l'orange une aspiration à reprendre contenance après avoir subi l'épreuve de l'expression. Mais où l'éponge réussit toujours, l'orange jamais : car ses cellules ont éclaté, ses tissus se sont déchirés. Tandis que l'écorce seule se rétablit mollement dans sa forme grâce à son élasticité, un liquide d'ambre s'est répandu, accompagné de rafraîchissement, de parfums suaves, certes, -- mais souvent aussi de la conscience amère d'une expulsion prématurée de pépins. Faut-il prendre parti entre ces deux manières de mal supporter l'oppression ? -- L'éponge n'est que muscle et se remplit de vent, d'eau propre ou d'eau sale selon : cette gymnastique est ignoble. L'orange a meilleurs goût, mais elle est trop passive, -- et ce sacrifice odorant... C'est faire à l'oppresseur trop bon compte vraiment. Mais ce n'est pas assez avoir dit de l'orange que d'avoir rappelé sa façon particulière de parfumer l'air et de réjouir son bourreau. Il faut mettre l'accent sur la coloration glorieuse du liquide qui en résulte et qui, mieux que le jus de citron, oblige le larynx à s'ouvrir largement pour la prononciation du mot comme pour l'ingestion du liquide, sans aucune moue appréhensive de l'avant-bouche dont il ne fait pas hérisser les papilles. Et l'on demeure au reste sans paroles pour avouer l'admiration que suscite l'enveloppe du tendre, fragile et rose ballon ovale dans cet épais tampon-buvard humide dont l'épiderme extrêmement mince mais très pigmenté, acerbement sapide, est juste assez rugueux pour accrocher dignement la lumière sur la parfaite forme du fruit. + Lire la suite |
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Francis Ponge
Pour la ruée écrasante De mille bêtes hagardes le soleil n'éclaire plus Qu'un monument de raisons. |
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Le parti pris des choses / Douze petits écrits / Proêmes de Francis Ponge
LE MOLLUSQUE Le mollusque est un être – presque une – qualité. Il n’a pas besoin de charpente mais seulement d’un rempart, quelque chose comme la couleur dans le tube. La nature renonce ici à la présentation du plasma en forme. Elle montre seulement qu’elle y tient en l’abritant soigneusement, dans un écrin dont la face intérieure est la plus belle. Ce n’est donc pas un simple crachat, mais une réalité des plus précieuses. Le mollusque est doué d’une énergie puissante à se renfermer. Ce n’est à vrai dire qu’un muscle, un gond, un blount * et sa porte. Le blount ayant sécrété la porte. Deux portes légèrement concaves constituent sa demeure entière. Première et dernière demeure. Il y loge jusqu’après sa mort. Rien à faire pour l’en tirer vivant. La moindre cellule du corps de l’homme tient ainsi, et avec cette force, à la parole, – et réciproquement. Mais parfois un autre être vient violer ce tombeau, lorsqu’il est bien fait, et s’y fixer à la place du constructeur défunt. C’est le cas du pagure. un blount *: le cadre de la porte. + Lire la suite |
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Le parti pris des choses / Douze petits écrits / Proêmes de Francis Ponge
La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.
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Le parti pris des choses / Douze petits écrits / Proêmes de Francis Ponge
Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d'alcool : il faut attendre jusqu'au printemps l'effet d'une application de compresses sur une jambe de bois.
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Francis Ponge a écrit "Le pain"