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Le jour des morts de Francisco G. Haghenbeck
Un jour elle débarqua dans la cuisine de Frida, sans crier gare : - Diego m'a dit que tu n'étais bonne que pour la bagatelle. Et la voilà retroussant ses manches, enfilant un tablier et se mettant à éplucher les légumes. Frida en resta comme deux ronds de flan. L'autre ne manquait pas d'air. Où a-t-on jamais vu, jamais, une épouse virée de sa propre cuisine ? Le choc frontal était inévitable. Frida se jeta donc sur Lupe en rugissant et lui arracha son couteau des mains. - Y'a que moi qui prépare sa bouffe à Diego, compris ? Toi t'es larguée depuis une paye, alors ferme ta gueule et fous-moi le camp. Et Frida entreprit de trancher elle-même les oignons. Mais Lupe n'en rabattait pas, et la voilà mettant une casserole à bouillir, jetant de l'huile sur le feu. - Tu connais que dalle à la cuisine, ma petite. Écrase ! Et le combat de faire rage. Et les légumes de voler, les œufs de s'écraser au coin du nez, et la friture de brûler, les casseroles de rouler, les marmites de flamber, la moutarde de monter, le lait chaud renversé, les gueules enfarinées et beurre noir sur les yeux. La pièce s'emplit de haine, le fiel tapissa les murs et les balles sifflèrent : - Sale petite pute ! - Pouffe en chaleur ! - Croupion de bécasse ! - Figue sèche ! - Jambon au torchon ! - Papaye pourrie ! Elles en perdirent le souffle, à en être toutes hébétées, sales, dépenaillées, grotesques à tout-va. Elles partirent alors d'un grand éclat de rire pour finir par s'embrasser comme deux gamines contentes de leurs diableries. + Lire la suite |