Petit zoom sur Chuck Berry, l'un des pionniers du rock'n'roll. Ce portrait est à retrouver dans le dernier ouvrage de Franck Balandier, Sing Sing, musiques rebelles sous les verrous, préface Philippe Manoeuvre, au Castor Astral. Au programme, agressions et concerts en prison !
A la cité des peintres, l'herbe qui fait rire aidait à tenir debout jusqu'aux lendemains qui persistaient à ne pas chanter. Non seulement elle déclenchait le rire de manière inopinée, mais elle possédait également le pouvoir de rendre beau ce qui ne l'était pas.
Pour simplifier, à la cité des peintre, tout était moche. Même les gens étaient moches. Les couleurs n'étaient pas des couleurs mais des nuances de gris. Les rues n'avaient de couleurs que le nom de peintres qui les désignait. Cézanne, donc. Mais aussi Van Gogh, Matisse, Gauguin...
" C'était un petit bout de femme rabougri, la trentaine déjà fanée, de ces fleurs qu'on oublie d'arroser et qu'on laisse mourir au bord d'un balcon en plein été."
Si je mourrais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
C’est en février 1905 qu’il faut situer la rencontre d’Apollinaire avec le peintre Picasso. Et c’est encore du côté de Saint-Lazare qu’elle eut lieu. Jean Mollet, qui se fait à présent appeler « Sa magnificience le baron Mollet », ça sonne plus chic et plus sérieux, surtout quand on ne se prend pas au sérieux, se fait, une fois de plus, l’entremetteur de cette rencontre au sommet.
Comme à son habitude, Apollinaire est attablé à l’Austin’s, rue d’Amsterdam, et sirote une bière anglaise. Il attend son ami qui lui a confié vouloir lui présenter quelqu’un. Quelqu’un avec qui il va falloir compter dans le domaine de la peinture et de la sculpture, dans les années qui viennent. Manolo, lui rapporte-t-il, le sculpteur catalan, le lui a présenté au Lapin agile.
Mollet est convaincu qu’entre les deux hommes le courant va passer et il ne se trompe pas. Du moins au début de leur relation.
Je ne sais pas si je meurs demain. Si c'est déjà mon tour. Forcément. Ça ne devrait plus tarder, avec toutes ces injections.
Nous ne sommes plus que quelques un à loger ici.
Loger ! La plupart des baraquements sont vides.Ceux encore occupés sont transformés en salle d'opération, d'expérimentation, par manque de places. Plus assez de prisonniers. Trop de morts vivants.
Strudhof, Alsace, France, camp de malades involontaires, Strudhof, hôpital concentrationnaire militaire. Camp de morts. Presque le nom d'un gâteau.
"...le rêve éveillé de nos dents, l'horrible va et vient de nos mâchoires à vide, nous dormons au pas de nos estomacs, nous parlons à nos gencives mortes, qu'avons nous donc à croquer avec tant d'urgence, sinon nos propres langues...". Le froid, les seaux entassés sur la carriole, qui ressemblent à du lait à cause du givre sur le bord, et "...toute cette pisse gelée. Tu ressembles à de l'or en paillettes. Un sorbet au citron...."
Et puis, "....le souvenir criant et hagard d'une sentinelle qui me prend au hasard... " J'ai conscience qu'il m'aime de presque rien, de mon anus, de mes hémorroïdes mal soignées..." Je conçois qu'il est des mots qu'on ne traduit jamais.
Moi, je vis encore. Je ne vais pas me plaindre. Je n'ai même plus froid. Je m'habitue à la neige, la pisse et à la merde.
On m'a encore changé d'affectation. J'espère que, cette fois, c'est bien la dernière. Maintenant, j'officie dans la pièce qui précède le four crématoire.
Je suis arracheur de fausses dents. Je visite des bouches qui paraissent sourire, d'autres qui portent aux lèvres la trace de leur bave. J'explore des gorges aux remugles étranges. Je longe le chemin des gencives abandonnées. Je bute sur des ornières d'incisives cassées. J'aimerais décrire l'excitation que me procure la découverte, au fond d'une bouche, d'une dent en or, les précautions que je prends. Surtout ne pas l'abîmer, l'extraire, telle une pépite. Il est des gorges comme des mines à ciel ouvert. On devrait supprimer les langues, de toute façon, on n'a plus le droit de parler, et puis il est trop tard pour crier, pour appeler quelqu'un...
Je suis chercheur d'or, orpailleur du fleuve Amazone. Je suis voleur de ma propre mort.
Le sable est la terre qui meurt. De la roche en poudre pour endormir les petits enfants. La trace des mers emportées. Ici, il pique les yeux à pleurer, à se demander si la fatigue ou la peine n'augurent pas les déserts. Des pièges se referment sur ses chevilles, mouvances qui l'absorbent jusqu'à remplir sa bouche. Il croit mourir. Lorsque, enfin, il meurt, la porte s'ouvre sur une nuit uniforme qui crie: Punition terminée. Réintégration!
Réintégrer quoi? Derrière la porte, des grilles, un autre vide. Le sable fuit entre ses jambes dans les ruisseaux retournés à la mer. Reflux...
Trois fois par jour, à l'heure des repas, la porte s'ouvre pour un cérémonial immuable. Il passe à travers la grille sa gamelle qu'un détenu auxiliaire, accompagné d'un gardien, emplit. Le récipient racle le sol, surtout éviter le contact. Ne pas parler, ne pas se toucher, à peine se regarder. Ainsi, dans le silence. Pierre pense un instant mourir: a-t-on déjà tenter se suicider avec un couteau de plastique? S'y essayant, un peu plus tard dans la solitude d'une insomnie, il ne peut dessiner sur son avant-bras et au poignet, que l'empreinte de sa mort en pointillés, pour quand il sera temps, lorsque les couteaux auront l'éclat de l'acier, et plus la fausseté d'un jouet. Pierre répète les morts possibles auxquelles il n'échappera pas.
Des yeux se collent derrière la porte. À quoi bon? Pierre n'a rien à montrer, sinon un petit bout de vide, le vide de sa tête, le vague de ses yeux perdus dans un rai de lumière tombé par idnavertance du plafond. Il répète des phrases, improvise des lettres qu'il n'écrira jamais...