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Critiques de Franck Bouysse (3007)
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Né d'aucune femme

Pourquoi je vis, pourquoi je meurs

Pourquoi je lis, pourquoi je pleure ...



... assurément pour de tels livres, les vibrants, les telluriques, ceux que tu n'oublies pas une fois refermés et achevés, ces mots qui continuent à tournoyer dans ta tête de façon obsédante.



Né d'aucune femme est de ce calibre-là. Sombre mais jamais obscur, profondément romanesque mais si humain. Rose, ma petite Rose, si digne dans l'insoutenable cruauté de la vie, sauvée par les mots.



« Les mots , nous dit-elle dans l'intimité des chapitres qui lui sont consacrés, j'ai appris à les aimer tous, les simples et les compliqués que je lisais dans le journal du maître, ceux que je ne comprends pas toujours et que j'aime quand même, juste capable de m'emmener ailleurs, de me faire voyager en faisant taire ce qu'il sont dans le ventre, pour faire place à quelque chose de supérieur qui est du rêve. Je les appelle les mots magiciens : utopie, radieux, jovial, maladrerie, miscellanées, mitre, (... ) et tellement d'autres que j'ai retenus sans effort, pourtant sans connaître leur sens. Ils me semblent plus légers à porter que ceux qui disent. Ils sont de la nourriture pour ce qui s'envolera de mon corps quand je serai morte, ma musique à moi. C'est peut-être ce qu'on appelle une âme. »



Edmond et ses épaules émouvantes qui avoue : «  toute ma vie j'ai failli être un homme », qui le deviendra peut-être après le mot «  fin ». Gabriel, le prêtre empathique qui sait porter la souffrance des hommes, et l'entendre pour faire bouger le destin et apporter l'espoir. Tous les personnages sont formidablement campés, c'était comme si je pouvais tous les voir à porter de mots, leur visage, leur âme même.



Franck Bouysse est un grand, un grand conteur qui construit admirablement son roman pour faire naître les émotions dans les révélations qui distillent au moment juste ; un grand styliste, une écriture à l'os. Combien de phrases, de passages j'ai relus, uniquement pour m'en enivrer tellement ils sont beaux, puissants, brillants sans jamais tomber dans la démonstration vide de sens.





Et cette formidable couverture, au diapason de la perfection de ce roman. Cette sublime Madone allaitante, forte et attentive, en écho à Rose, à sa mère et ses «  trois filles arrachées au néant, au motif qu'un homme et une femme se doivent de fabriquer un peu plus qu'eux-mêmes pour échapper au temps, sans penser ni même imaginer qu'un seul instant les malheurs à venir et le cadeau empoisonné que peut devenir une vie. Parce que sortir un petit être du néant d'avant pour lui offrir celui d'après est une immense responsabilité, une pure folie. »



Parce que j'en ai encore les larmes aux yeux, parce que je tremble encore un peu.
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Né d'aucune femme

Avertissement !

Cette chronique est le fruit de mon ressenti à l'instant où je referme ce livre. Elle n'a pour objectif que de vous...OBLIGER... à le lire....

Comment débuter l'année de plus belle façon.

Première lecture et je suis déjà à genoux.

Que d'émotions.

Quelle écriture.

Né d'aucune femme, LE livre que vous ne pouvez pas manquer cette année.

J'ai déjà vanté l'écriture de Franck Bouysse, ce livre ne fait que confirmer mes impressions.

Gabriel est curé.

Gabriel est appelé à l'asile pour la mise en terre d'une femme qui y est internée depuis des années.

Une femme devenue folle après avoir tué.

Enfin, c'est ce qui se dit....

Gabriel est là pour récupérer quelque chose.

Quelque chose qui va bouleverser sa vie, quelque chose qui va bouleverser des vies...

C'est ainsi que débute ce magnifique roman.

Magnifique, mais noir. Très noir même.

Sortez vos mouchoirs. Mais pas vos vulgaires mouchoirs en papier, non. Les beaux, les brodés. Parce que l'écriture de Mr Bouysse va vous bouleverser et qu'une telle écriture mérite le plus bel écrin pour vos larmes. Parce que des larmes, à moins que d'avoir l'âme aussi noire que certain des protagonistes, vous allez en verser, je vous l'assure.

Le destin d'une jeune femme qui va se jouer devant vos yeux ne pourra que vous émouvoir.

Et puis, Né d'aucune femme, rien que le titre, ça ne vous touche pas déjà  ?

À ceux qui, comme moi, ont découvert l'écriture de Franck Bouysse avec Glaise ou Grossir le ciel, je vous garantis de retrouver ici la même émotion,  si ce n'est plus forte encore.

À ceux qui aiment la littérature noire.

Aux amoureux des belles phrases, aux amoureux des mots.

À ceux que l'émotion transporte.

À tous les insensibles, ceux qui se croient invulnérables.

À tout ceux qui aiment lire.

Ne passez pas à côté de Né d'aucune femme.



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Né d'aucune femme

Magistral, monumental, stupéfiant, édifiant, prodigieux, et j'en passe... Je reste sans voix, le coeur transi, l'âme déchirée à la fin de ce roman... Quel roman ! Un équilibre parfait entre le fond et la forme. Un vocabulaire de haute voltige, imagé, métaphorique à souhait. Des émotions à vous retourner le coeur, à vous serrer le ventre, à bouleverser l'âme.

Je reprends les mots de Tostaky61 qui comme d'autres a trouvé les mots justes pour ce dernier Franck Bouysse : « aux amoureux des mots, à tous les insensibles qui se croient invulnérables » oui oui oui ce livre est pour vous !



Une force exponentielle se dégage ici dans ce portrait de cet ange qu'est Rose. Ce n'était qu'une enfant encore, quatorze ans, toute la vie devant elle, l'insouciance comme seul habit, lorsque son père la vend pour quelques pièces d'or afin de blanchir la misère sous son toit. Rose est vendue à un homme qui n'est homme que par son nom, Charles. Avec sa mère, ils forment un couple maudit, un monstre à deux têtes.

L'histoire de Rose est déposée dans un carnet qu'une infirmière remet aux mains du prêtre Gabriel. Ainsi s'ouvre ce roman choral qui donnera mots et vie (vie oui car les personnages étaient tous là, juste à côté de moi tant les descriptions sont réalistes et palpables) aux différents personnages qui gravitent autour de Rose. Son père, ravagé par la culpabilité, Edmond le palefrenier, trop bon, trop lâche, le prêtre Gabriel en quête de vérités et de sens. Mais y a-t-il un sens à l'ignominie, au malheur, aux étoiles mortes ?



Je craignais en ouvrant ce roman une vague noire déferlante, j'ai été happée comme jamais à travers une littérature engagée, puissante, élaborée où c'est tout un univers qui nous ait conté ici. L'histoire d'une fille forcée à devenir femme avant l'âge et rejetée et laissée pour rien le jour où elle accueillera sa féminité.



Un roman que je ne suis pas prête d'oublier. Et cette page de couverture... de toute beauté...



Un roman exceptionnel qui a su me toucher en plein coeur...



Sous la plume de Franck Bouysse, le noir a des allures de vastes étendues où les cris se conjuguent avec la force, où les pleures trouvent refuge dans les mots, où l'amour continue et continuera toujours à éclairer tous les possibles.



Magnifique.
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Né d'aucune femme

Maintes fois le père Gabriel, au confessionnal, a entendu les mêmes paroles. Aussi, lorsqu'une voix fluette, à peine voilée, lui demande de bénir le corps d'une femme à l'asile et de récupérer par là même des cahiers cachés sous la robe de la défunte, il est fort étonné. Mais le père Gabriel a promis. Et c'est en compagnie de Charles, le sacristain, que Gabriel se rendra à l'asile, bénira Rose et emportera les cahiers... Des cahiers emplis de confessions...

Des années auparavant, Rose, l'aînée des quatre filles, a 14 ans. C'est elle qui, aujourd'hui, accompagne son père au marché. Un gros type parlemente avec ce dernier, marchande, s'énerve un peu. Rose ne le sait pas encore mais c'est d'elle dont il est question. Vendue pour quelques pièces qui devraient permettre à la famille de sortir de la misère. Avant même qu'elle ait pu dire au revoir à son père, là voilà embarquée dans la carriole. Direction Les Forges où l'attend une nouvelle vie...



D'une puissance rare, d'une profondeur remarquable, d'un souffle renversant, le dernier roman de Franck Bouysse nous emporte et nous émeut. À travers les yeux du père Gabriel qui découvre les confessions de Rose, l'on suit le destin de la jeune fille, dans la campagne française de la fin du XIXème siècle. L'auteur dresse le portrait ô combien touchant et empli d'émotions de celle-ci, vendue à un riche maître et dont la vie va basculer sous l'emprise de ce dernier et de sa mère. Franck Bouysse, après La trilogie des Marches, change de registre et surprend le lecteur, notamment en se mettant dans la peau de Rose lorsqu'elle écrit. Il alterne ces chapitres en donnant la voix à Edmond, le palefrenier, au père Gabriel, dépositaire de ces confessions et à Onésime, le père de Rose, rongé par le remords. Habilement construit et brillamment mis en scène, ce roman, magnifique et déchirant se révèle tout à la fois sombre et lumineux.
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Né d'aucune femme

Bouysse is back and beautiful !



J'avoue en avoir un peu soupé du rural noir, thème de prédilection de l'auteur.

Non pas qu'il se soit subitement découvert en humoriste ravageur, faut pas déconner non plus, et puis le grand écart facial, c'est pas donné à tout le monde, mais ce nouveau récit sombre et amer sort gaillardement des sentiers battus pour vous perdre en des contrées maléfiques que l'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi.



Elle s'appelle Rose, sa vie ne sera qu'un long chapelet d'épines.

Quelques cahiers étrangement captés pour en témoigner, parcourus par un homme d'église déconfit, il n'en faudra pas plus à Bouysse pour vous embarquer sur une croisière où s'amuser sera bien la dernière de vos attentes.



Originalité du propos, force des mots, phrasé érudit, musicalité Bouyssienne qui tape direct au cœur, sans préavis, Né d'Aucune Femme est de ces livres qui matraquent crescendo sans véritablement laisser entrevoir la moindre porte de sortie tendance rose fushia. Un blush flamand m'aurait pourtant contenté, c'est dire.

Noir est son parfum, mélancolique et cafardeux sont ses atours.



Une construction impeccable, un tourbillon insondable de maux habilement dépeints, ce récit ne se lit pas, il se vit comme une expérience extrême, un puits sans fond de larmes asséché par la haine et la concupiscence de ceux qui n'ont que la persécution et la détestation à offrir.



M'en vais mater les Calaisiens à Cancun, tiens, histoire de me détendre le neurone un chouïa...
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Buveurs de vent

Bol d’air impur au Gour Noir.

Le dernier roman de Franck Bouysse est un pendule irrésistible qui oscille entre le conte et le western.

On n’est pas dans le Grand Ouest, mais dans un bled paumé placé sous la coupe d’un propriétaire tyrannique épaulé par des hommes de mains sales aux mines patibulaires. Le casting des sbires rappelle des phénomènes de foire, monstrueuse parade avec un nain reptilien, Snake, une brute gigantesque, le Double, et une sorte de shérif aussi vicieux que véreux, Lynch.

La mégalomanie de ce dictateur provincial va jusqu’à baptiser toutes les rues de son seul nom, Joyce. Pas très pratique pour distribuer le courrier. Tout lui appartient. Le barrage, la centrale électrique, la carrière et… les habitants, employés serviles et apeurés, n’osant mordre la main qui ne les nourrit que de misère et d’humiliations. Aucun cavalier solitaire ne va venir à la rescousse, Clint Eastwood n’a jamais trouvé le chemin de cette vallée perdue sur son GPS, campagne des Bermudes repliée sur elle-même, comme un petit animal blessé. Il faut dire que, comme à son habitude, l’auteur ne renseigne ni les lieux ni l’époque de son roman. A croire que Franck Bouysse ne veut pas partager ses coins à champignon. Ou bien, souhaite-il, c’est plus probable, se laisser la liberté d’inventer un monde qui autorise la légende.

Dans cette contrée, plus unis que les 4 mousquetaires, aussi emprisonnés que les Dalton, vivent trois frères et une sœur, soudés par le sang, dans le sang. Leur père, à défaut d’avoir les mots, a la main lourde et la mère est cloitrée dans sa bigoterie. Elle a trouvé Dieu et perdu sa famille. Seul le grand-père, Elie, veille discrètement sur eux. Ce quatuor, qui s’amuse à se suspendre à des cordes du haut d’un viaduc, illumine ce texte sombre. Il y a Marc, avide lecteur battu par son père dès qu’il le surprend en train de bouquiner, Mathieu, plus amoureux de la nature qu’un cycliste grenoblois (je ne sais pas pourquoi je dis ça, enfin si un peu), Mabel, créature de rêve assoiffée de liberté et Luc, esprit lunaire labellisé « idiot du village » qui se réfugie dans l’île au Trésor de Stevenson pour fuir sa différence. Quand la fiction sert de cachette.

Séduit par la Rose de « Né d’aucune femme », j’ai été tout autant conquis par la Mabel(le) de « Buveurs de vent », âpre roman d’émancipation. L’insoumission d’une femme contre ses parents et les ardeurs d’une brute épaisse va allumer la mèche de la révolte de toute une vallée. La soif de liberté de Mabel, contagieuse, va inspirer tous ses cas contacts. Le sens de la justice de ses frères et de Gobbo, un marin aux gênes shakespearien va renverser la montagne.

Côté chafouinades, j’ai trouvé le démarrage un peu poussif malgré une réelle qualité d’écriture. L’installation prend plus de temps que le déménagement d’un piano. Le récit avance au diesel avant de passer heureusement à l’essence (avec plombs) après le premier tiers du roman.

J’aurai aussi aimé que l’extraordinaire personnage de Joyce, ogre narcissique, soit plus présent dans le roman même si son ombre plane en permanence sur le récit. Que serait James Bond sans ses méchants charismatiques ?

Le dénouement, enfin, digne d’une scène biblique, aurait mérité un récit plus explicite et un ou deux chapitres de plus.

Bon, c'est vraiment râler pour râler, on est en France, mais ces quelques réserves n'ôtent rien au plaisir de lecture et à la puissance de cette histoire.

Je ne partirai pas visiter le Gour noir pour mes vacances mais ce roman bien noir, serré et sans sucre, mérite la lumière de vos lampes de chevet.

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Né d'aucune femme

Je ne peux pas.

Je ne peux pas.

Je ne peux pas.



J’espère que je me suis bien fait comprendre.

Je ne peux pas continuer à lire ce roman de tortures physiques et mentales.

Je ne peux pas encaisser ces viols, ces esprits dérangés, cette cruauté absolue.



Je ne raconterai pas l’histoire.

Je ne veux pas.

Bien des lecteurs l’ont fait sur Babelio. Si vous vous sentez l’âme aguerrie pour aborder ce domaine des ténèbres, allez-y. Vous êtes plus forts que moi.

Mais laissez-moi tranquille.



Ce roman m’a fait penser à « Règne animal » de del Amo. Pourriture. Douleur. Brûlure.

Le style était lui aussi très spécial. Ici aussi. C’est le piège, évidemment. Enfin, pour moi. J’adore le style qui se démarque.

Donc je me suis fait piéger.

Heureusement je suis forte : je sais mes faiblesses.



Je sais aussi que je ne ressemble pas à la majorité des lecteurs puisqu’ils ont plébiscité ce roman.

Eh bien tant pis.

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L'homme peuplé

Quel bonheur de renouer avec la plume magistrale de Franck Bouysse. Ses lignes sont merveilleuses, comme une rivière bercée par un champ de poésie.



Dans L’homme peuplé, l’auteur nous offre un roman polyphonique où s’entremêlent passé et présent. Deux hommes solitaires : Harry, écrivain en panne d’inspiration jette son dévolu sur une maison délabrée recluse au milieu de nulle part. Caleb, jeune homme solitaire élevé par une mère rigide et tenancier de pouvoirs de guérisseur tel un sorcier.



On va suivre ici la vie chahutée de ces deux êtres car la maison d’Harry résonne aux sons des murmures des fantômes.



Il faut s’appeler Franck Bouysse, écrivain hors pair pour écrire un roman puzzle qui voyage dans le temps et dans la mémoire des gens sans nous égarer une seule seconde. Quel délice de se pourlécher de la prose habitée de l’auteur. Un véritable tour de force cette promenade au cœur de ce que la littérature française offre de plus précieux. Des mots nectars qui roulent et caressent et viennent butiner nos papilles.



Roman d’atmosphère nourri d’une magnifique plume onirique. J’ai frisé le coup de coeur sans cette fin trop nébuleuse à mon goût.
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Buveurs de vent



Né d’aucune femme est un miracle. Qu’écrire après un tel chef d’œuvre ? Avec une droiture littéraire remarquable, Franck Bouysse se renouvelle tout en traçant son sillon avec ce roman dense qui emprunte aussi bien au conte qu’au western contemporain ou à la tragédie biblique. Il s’écarte de son minimalisme habituel pour créer en paysagiste des mots tout un univers géographiquement cohérent, dans lequel il déploie une multitude de personnages.



Cette vallée du Gour est incroyablement vivante et créatrice de romanesque. Une enclave hors du temps figée par l’emprise d’un incroyable despote qui va être traversée par le souffle de la liberté et de l’insoumission d’une de ces héroïnes inoubliables qui est née pour faire bouger les lignes et fissurer les ordres établis jusqu’à leur implosions.

Si j’aime autant Franck Bouysse, c’est pour son talent à caractériser en quelques mots, ces personnages, pour les faire vivre, pour les faire surgir des pages. Je retiens tout particulièrement le magnifique grand-père Elie, Gobbo le marin énigmatique aux milles vies ainsi que le tyran, Joyce, l’entité maléfique qui a piégé les habitants du Gour dans sa toile tissée de paranoïa. Et puis il y a Mabel. Elle pourrait être la petite sœur de Rose ( Né d’aucune femme ), une rebelle qui n’abdique jamais, mais elle, elle n’est pas seule. Elle a ses trois frères, quatuor soudé par des liens d’amour indéfectibles.



Le récit est très sombre, mais c’est un noir à la Soulages. Les pages sont saturées de noir, de drames qui couvent, de tragédies déjà révélées ou prêtes à l’être, mais ce qui intéresse Franck Bouysse, c’est la réflexion de la lumière sur cette obscurité qui agit comme révélateur de l’âme, c’est l’incidence de la lumière sur la surface. Le noir peut être lumineux et il l’est sous la plume éblouissante de l’auteur. Son écriture, à la fois onirique et tellurique, vibre de partout. Le choix d’un seul mot ou de son agencement dans la phrase décale cette dernière et apporte poésie, étrangeté ou émotion immédiate. A l’image de ce titre, somptueux. A l’image de ce premier chapitre qui crée une image qui reste gravée dans les pupilles durant toute la lecture : le rituel après l’école de ces quatre frères et sœur qui se suspendent à un viaduc au bout d’une corde, attendant l’arrivée du train pour sentir les vibrations, pour percuter leurs rêves et sonder l’horizon. Les phrases de Franck Bouysse se savourent et je m’en suis délectée durant toute ma lecture.



Alors, c’est vrai que le scénario, admirablement mis en place durant la première moitié du roman, m’a moins convaincue sur la fin, trop abrupte là où l’auteur avait pris le temps pour faire vivre son récit. C’est vrai que je n’y ai peut être pas retrouvée l’intensité solennelle de Né d’aucune femme. Pour autant, j’ai été très sensible à ce cri d’amour pour la littérature. Shakespeare, Whitman, Faulkner, Stevenson, London, Verne, autant de références disséminées très clairement dans le récit, à travers notamment le personnage de Marc, le frère lecteur. Tout comme j’ai été embarquée dans ce récit parabolique sur la quête de liberté au-delà de l’emprise des adultes ( qu’il s’agisse de la famille ou de la société ) par l’énergie de l’écriture.



Franck Bouysse confirme sa voix très singulière, celle d’un de nos tout meilleurs auteurs français. Merci.



« Ils s’assirent sous la vaste paupière maçonnée, serrés les uns contre les autres, dessinant à eux quatre l’iris de l’œil d’un cyclope inscrit dans la pupille laiteuse du ciel, toujours en leur royaume, échappant ainsi à une destinée cartographiée de longue date par les adultes. Ils inspiraient fort buvaient le vent qui montait de la vallée, le recrachant en relents de tempête sous leurs crânes d’enfants. »

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Glaise

Chantegril, au pied du puy Violent, août 1914. Victor, comme tant d'autres mobilisés, doit quitter son Cantal et laisser derrière lui femme et enfant. Avant de grimper sur son cheval, quelques recommandations à l'oreille de son fils, Joseph, 15 ans, devenu maintenant l'homme de la famille pour un moment. Un moment qui, tous l'espèrent au fond d'eux, ne s'éternisera pas. L'adolescent, entouré de sa mère, Mathilde, et de sa grand-mère, Marie, va s'acquitter des tâches inhérentes à la ferme sous l'oeil avisé du vieux Léonard, ami et soutien de la famille. Non loin de là, dans la ferme voisine, les Valette, un couple aigri et brut, lui dont la main atrophiée l'empêche d'accomplir son devoir et elle qui pleure son fils parti au front, recueillent chez eux leur belle-soeur et leur nièce, le père étant lui aussi parti à la guerre...



C'est dans ce contexte tragique que Franck Bouysse plante le décor de son roman. C'est dans ces campagnes vidées de ses hommes valides que vont se jouer des drames, au cœur de cette nature sauvage. L'on fait la connaissance de Joseph, un adolescent, entouré de sa mère et de sa grand-mère, qui va peu à peu prendre conscience du monde qui l'entoure. Un monde empli de rancoeurs, de violence, d'aigreur, d'amertume, de souffrance mais aussi d'espoir et d'amour. L'auteur dépeint avec force et âpreté des êtres taiseux parfois meurtris, aigris, généreux ou encore insouciants. Au loin, la guerre gronde et l'orage, au puy Violent, n'est jamais bien loin. Franck Bouysse nous offre un roman fort, puissant, parfois étouffant. Une fresque poétique, initiatique et sociale servie par une narration ciselée et une plume lyrique, riche et d'une grande justesse.
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L'homme peuplé

Sortez les doudounes.

Dans les romans de Franck Bouysse, la météo est encore plus pourrie que dans un polar scandinave. Avec lui, pas de changement climatique. Vous lisez trois pages et les nappes phréatiques transforment les champs en pédiluves jusqu'à la prochaine canicule. Un Fjord pour le dessert.

Quoi ? Si je n'ai retenu de ce roman à la nature austère que la neige, le froid, les sols gelés et les cols roulés ? Non, mais à force de me faire culpabiliser de passer la Toussaint en bermuda, le climat Bouyssien méritait ce petit bulletin météo et m'a fait forte impression.

Son style aussi, comme d'habitude. Ses personnages ont le moral en dessous des normales saisonnières mais l'auteur n'écrit pas avec des moufles. D'un livre à l'autre, on sent que l'écrivain a trouvé sa voie. La phrase est âpre, en harmonie totale avec l'écosystème du récit.

Ecrasé par le succès de son premier roman, l'Aube noire, oxymore d'une folle gaieté, un écrivain s'isole dans une ferme isolée pour humer l'inspiration. Des terres recouvertes de neige pour vaincre le syndrome de la page blanche, c'est un concept.

Ses contacts avec le réel vont se limiter à des coups de fil à son père malade et à son éditeur plus zen qu'un moine tibétain dans la queue d'une station-service. Il va aussi de temps en temps prendre un café dans le seul commerce du village voisin, tenu par une jeune femme au charme mystérieux mais avare de confidences. Pas le genre à étaler sa vie dans les réseaux sociaux, la demoiselle.

L'écrivain, qui se prénomme Harry, a pour unique voisin Caleb, sauvage propriétaire de la ferme d'à côté. Un vrai filon de célibataires besogneux pour "l'amour est dans le pré" ce coin. Caleb est un peu sourcier et un peu guérisseur aussi mais il réserve son don aux animaux, par animosité pour sa propre espèce. En résumé, pas de fête des voisins en perspective avec taboulé à volonté. Ils se sentent, s'observent, s'épient mais ne se croisent jamais. Chacun son chapitre, à tour de rôle dans une polyphonie de deux solitudes qui labourent les souvenirs.

L'homme vit avec ses fantômes et l'écrivain avec ses personnages. Quand l'homme est écrivain, les deux se mélangent un peu comme des siamois. Franck Bouysse interroge avec virtuosité le processus de création littéraire: fréquentation assidue de démons intérieurs, imprégnation des lieux, poids de la mémoire, accompagnement de certaines musiques et influence des lectures passées.

Dans cet Homme peuplé (par qui ? c'est le mystère), l'auteur ne sert pas l'histoire toute faite au lecteur. Ce dernier est mis à contribution. Il n'y a pas de mode d'emploi et c'est tant mieux. Un roman, ce n'est pas un meuble Ikea. Il m'a fait cogiter le bougre. Sa confiance m'honore et il est agréable de ne pas être pris pour un imbécile mais je suis à peu près certain d'être passé à côté de certaines idées et références. Il me faudra une seconde lecture.

Ce récit hanté de l'intérieur fait vraiment perdre à ses personnages et au lecteur les notions de temps et d'espace. Le temps de l'écriture est coincé entre la réalité et la fiction. Et si la quatrième dimension était le territoire de l'imagination ?

Au final, il m'a quand même manqué un peu de romanesque pour prendre le même plaisir de lecture qu'avec « Né d'aucune femme » et « Buveurs de vent » mais j'ai été vraiment impressionné par l'ambition de ce texte.

Je lui tire mon bonnet.



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Buveurs de vent

Dans cette vallée coupée du monde, la vie tourne autour du barrage, de la centrale hydroélectrique et de la carrière, propriétés du puissant et tyrannique Joyce. Pourtant, par une sorte d'effet papillon, une suite d'évènements va peu à peu lézarder l'ordre établi, sous l'involontaire impulsion d'une fratrie de quatre jeunes gens, loin d'imaginer ce que leur insoumission va déclencher.





Buveurs de vent confirme la règle : lire Franck Bouysse, c'est toujours plonger dans l'ineffable plaisir d'une écriture dotée d'un vrai style, ciselé, éblouissant, comme il en existe bien peu. A elle seule, cette plume vaut déjà le détour. Quand elle s'allie à une histoire qui sait si bien transcender le registre du rural noir déjà magistralement exploré dans les précédents romans de l'auteur, tout est réuni pour porter l'admiration du lecteur à son comble et pour souhaiter à ce livre les plus grandes récompenses.





Car, tout en restant fidèle à ses sombres drames de la campagne, campés autour de personnages qui cachent leurs cicatrices sous un silence de plomb, dans une nature aussi âpre que splendide, Franck Bouysse réussit ici à se renouveler, sous la forme d'un roman métaphorique qui nous emmène dans un monde imaginaire à l'ambiance travaillée et très particulière. Le résultat est un hymne au miracle de la vie et des forces de la nature, une réflexion sur notre façon de mener ou de subir notre existence, une évocation de la puissance du langage et de la littérature, le tout traversé de fulgurants moments d'amour et de constantes références au divin et à la religion.





Combat entre l'ombre et la lumière, ce drame singulier, parfois déroutant, aux multiples miroitements poétiques et métaphoriques, pousse un cran plus loin le talent de Franck Bouysse, plus que jamais maître dans l'art de tenir ses lecteurs sous le sortilège de sa manière de conter et de son inimitable écriture. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Grossir le Ciel

Quel livre mes amis, quel livre ! Un livre sombre, poignant, envoutant, servi par une écriture poétique d'une simplicité brute et vertigineuse, qui vous laisse le souffle court, comme si vous vous teniez au bord d'un précipice surplombant un panorama grandiose. Ha! Je suis complètement sous le charme.



Roman rural, roman noir, roman d'ambiance, ce livre vient incontestablement de rentrer dans le top 10 - peut être même top 5 - des plus beaux livres que j'ai lus cette année. Une fois n'est pas coutume, je ne mettrai en avant que le positif. Je vous l'ai dit, je suis sous le charme !



"Gus vivait ici, depuis plus de cinquante hivers. C’était en décembre que ce pays l’avait pris et que sa mère l’avait craché sur des draps durs et épais comme des planches de châtaignier "



"Ici", c'est un lieu-dit isolé constitué de 2 fermes enclavées dans les grands espaces austères et somptueux des Hautes Cévennes, non loin de Pont-de-Montvert. "Ici" l'hiver a enroulé son blanc et froid manteau autour d'une nature majestueuse et intransigeante, posée sur de la roche. "Ici", c'est l'homme qui s'adapte à la nature et non l'inverse. "Ici" c'est le labeur, le soin des bêtes, les travaux de la ferme et le temps qui rythment la vie. "Ici", le superflu n'a pas sa place et on se contente de ce qu'on a.



"Il faut croire que, tant qu’on n’a pas goûté à mieux que ce qu’on a sous la main, on se trouve des raisons d’apprécier sa pitance, peut-être même de ne pas du tout en chercher d’autre."



Personnellement, je ne connais pas du tout les Cévennes. Mais depuis la lecture de ce livre, je suis gagnée par une furieuse envie d'aller y trainer mes guêtres. Mais je m'égare... Revenons à l'histoire. Le temps semble s'être figé sur cette partie du monde. Tant au niveau de la technologie, assez ancestrale, qu'au niveau du rythme, très lent, comme assourdi. L'auteur prend le temps de poser son histoire. Il nous plonge avec moult détails dans le quotidien de Gus et de son chien Mars. Certaines scènes sont décrites avec tant de détails anodins qu'elles se vivent quasiment en temps réel, créant une sorte d'inertie et renforçant cette impression d'immobilisme. Pourtant, des éléments inhabituels vont perturber la routine de Gus, l'obliger à se questionner, et faire ressurgir petit à petit un passé amer, à l'odeur soufrée de secrets enterrés.



"Gus pensait que c’était décidément une drôle de journée, avec tous ces souvenirs qui s’amenaient, comme des vols de corneilles sorties du brouillard. Des souvenirs dont on ne sait jamais où ils mènent, ni même si ça fait du bien de les avoir, mais qui ressurgissent et s’imposent, sans crier gare"



Gus entretient avec son voisin Abel (la deuxième ferme donc) des relations amicales frontales et sans fioritures. Des relations nécessaires, basées sur l'entraide où ils mêlent parfois leur solitude autour d'un coup de pinard. Les 2 hommes sont des solitaires, frustres, 2 taiseux, presqu'asociaux. Chargés d'un passé lourd. Des caractères forts qui font corps avec la nature, et dont la carapace rugueuse suinte pourtant de beaucoup d'humanité. Les dialogues sont peu nombreux mais percutants, en quelque sorte adaptés à la rudesse de la vie. Il y a dans leurs rapports comme un cycle immuable qui converge vers un épicentre. Les événements inhabituels auxquels Gus est confronté vont tendre leurs rapports. Il ne se passe à priori rien, mais une atmosphère d'éclipse solaire s'installe insidieusement : pesante, sourde, inquiétante, gravée dans la solitude et le silence, un climat de défiance et terre remuée. Car ce livre est aussi et surtout un livre d'ambiance.



"Désormais le soleil crachait ses rayons sur les arbres déplumés, qui ressemblaient à des arêtes de gros poissons sans chair dans un charnier à marée basse."



On dit qu'il y a des écritures plus musicales et d'autres plus picturales. Celle-ci se déploie comme un tableau avec de puissants effets de ténébrisme et des lignes brisées expressionnistes. C'est d'un noir lumineux. Certes, dur et âpre, mais intense. C'est mon ressenti en tout cas. Et un grand moment de lecture.

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Né d'aucune femme

♫Suivant la longue métamorphose qui m'éloigne de mon passé

J'ai croisé une Rose qui ne pouvait pas avancer

Pas qu'elle n'ose pas la chose mais n'y avait jamais pensé

Depuis toujours tenant la pose quand les regards l'éclaboussaient

Elle a la couleur de l'amour bien que je n'l'ai jamais croisé

Bien qu'à la lumière du jour, les fleurs sont toutes belles à crever

Alors j'ai mis la route en pause, à ses cotés me suis posé

Puisque cette Rose semblait morose d'être seule au jour achevé

Ma Rose, ma Rose, ma Rose, ma Rose écoute mes murmures

Ma Rose, ma Rose, ma Rose, ma Rose tu peux être sûre

Que tu n'seras plus jamais seule pour franchir les murs

Il y a d'la place sur mon épaule pour une Rose et son armure♫

-Antoine Elie-2018-

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Ni une, Ni Aucune ! mais Deux Rose !!?

Histoire de coeur, dérisoire métaphore

Un sentiment diffus, le coeur n'est pas d'or

le coeur de Rose , lui sert à si peu de choses.



Une histoire sans temps

du Jacquou le Croquant

"L'espoir de voir la famille se reformer, même dans la misère, même dans l'épuisement des journées sans fin.

L'espoir que disparaisse la mère dans le pichet et qu'on le remplisse de nouveau de cidre ou bien de vin ."

L'important: la famille coûte que coûte

Préserver le nom que l'on porte

Servante écarlate, Des livres-nous du doute

Un Etre caché aux yeux des autres...

La rage au coeur, devient Mot Rose

Mais... L'important c'est la Rose, c'est la Rose l'important

Rien de plus qu'une maison emplie d'ombres héritées...

Le parti de creuser l'obscurité.

Une Ultime Violence...

Un bruit sur le silence, une pause

L'amer qu'on voit dans ces... proses

Echanger sa chair contre de la terre

Une Musique de l'âme, écoutez sa Lumière...

M'a complètement Ensuqué

Voire totalement Emmotionné 🧡🧡🧡🧡🧡



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Buveurs de vent

Ils sont quatre frères et sœur. Marc, le féru de littérature qui doit se cacher des yeux de son père pour assouvir sa passion ; Matthieu, l'amoureux et défendeur de la nature ; Mabel, magnifique jeune fille à la beauté sauvage assoiffée de liberté et enfin Luc, le petit dernier, l'idiot du village. Tous les quatre unis et plus que jamais soudés. Élevés auprès d'un père à la main parfois lourde et d'une mère bigote qui ne jure que par ses bondieuseries, c'est auprès de leur grand-père, discret mais persuasif et qui a élu domicile chez eux depuis la mort de sa femme, qu'ils peuvent trouver du réconfort. Et ils en ont besoin car, au Gour Noir, l'avenir semble bien sombre. En effet, pas d'autre perspective ici si ce n'est travailler à la centrale qui alimente toute la ville, aux carrières ou pour Joyce, véritable tyran qui possède tout et a même le shérif à sa botte. Et les quatre frères et sœur veulent vivre plus grand et plus fort...



Western contemporain, roman noir, chronique rurale, drame, le dernier Franck Bouysse mélange habilement les genres. L'on suit, durant quelques années, le destin de la fratrie Volny éprise d'amour et de liberté. Si le vent souffle et fait chavirer leur vie et leur cœur, il ne leur sera néanmoins pas facile de s'élever et de s'envoler. Franck Bouysse nous offre (encore) ici un roman remarquable, vertigineux et d'une formidable richesse, aussi bien sur le fond que sur la forme. Si l'histoire des quatre frères et sœur, auxquels s'ajoutent le tyrannique Joyce, le sage Élie ou encore Gobbo, le marin aux mille vies, se révèle tout à la fois passionnante et originale, la plume de l'auteur est tout simplement magnifique, à la fois envoûtante, dense et poétique. L'auteur tisse une intrigue captivante, époustouflante, illuminée par cet amour fraternel si puissant. À la fois sombre et lumineux, un très beau roman d'une rare intensité...
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Né d'aucune femme

A quatorze ans, Rose est vendue par son père au maître de forge. Pas par vénalité mais la famille est très pauvre et ne compte pas de garçon. La suite c'est Rose qui la raconte dans son journal, confié secrètement au curé alors que Rose a cessé de vivre sur cette terre où tant de souffrances lui furent infligées.



Les pages d'ouverture de ce roman noir, très belles et inspirées, laissent présager une suite magnifique. Le problème est que d'énigmatique et profond, le récit de Franck Bouysse glisse vers une surenchère ; des mots, des effets inutiles et redondants, des scènes nauséeuses. À cela j'ajouterais une fin facile et une histoire qui semble calquée sur celle de l'excellent livre de Nell Leyshon, La couleur du lait, écrit il y a maintenant quelques années. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il existe des qualités narratives indéniables chez Franck Bouysse (visibles à condition qu'il renonce à ses effets tape à l'oeil et superfétatoires) laissant penser que notre romancier du terroir est perfectible. Ce n'est bien sûr que mon avis.

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Né d'aucune femme

Il y a très longtemps que je voulais lire Franck Bouysse.



C'est chose faite. Et quelle lecture !



Ce qui frappe d'abord, c'est la virtuosité de la plume. Franck Buysse maîtrise son écriture. A la fois âpre et flamboyante. Intime et gigantesque. Je suis complètement sous le charme de son empreinte. Poétique. Animale. Rugueuse et pourtant douce comme de la soie.



Le récit se centre autour de Rose, plus tout à fait une enfant, pas tout à fait une femme. Elle va pourtant brutalement devenir une héroïne tragique lorsque son père décide de la vendre à un riche maître de forge.



Elle va alors raconter dans des cahiers ce que va alors devenir son existence.



C'est un roman terrible. Violent. Passionnant. Douloureux. Captivant et enivrant.



Un destin de femme. A travers une plume qui mérite le détour dans ce livre indispensable de 2019. Dans la plus pure tradition romanesque. Avec tout ce qui me peut me toucher dans ce genre précis.



Un roman où chaque personnage à son importance. Où chaque être fait partie intégrante d'une tragédie plus grande que lui.



Maître des ressentis, Franck Bouysse pénètre l'âme de son lecteur. Fait véritablement remonter des odeurs de terre, de végétation. On entend le craquement des branches. Nous sommes dans ces bois à courir avec Rose. Réellement. Nous sommes dans ce lit à sangloter sur la solitude de cette enfant.



Réellement.



Roman social . Roman noir. Roman du réel.



Une lecture indispensable de cette rentrée d'hiver. Croyez-moi.



Lisez le.


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Glaise

Que j'aime cet auteur !

J'ai lu mon Franck Bouysse dans le désordre.

D'abord son premier roman, mon premier, Grossir le ciel, une révélation comme je n'en avais pas eu depuis longtemps en littérature.

Puis son deuxième, mon deuxième, Plateau, bon, très bon sans atteindre les mêmes sommets, une confirmation tout de même.

Puis Né d'aucune femme, son quatrième, mon troisième, un choc qui résonne encore, LE coup de coeur de mes lectures 2019.

Et enfin, celui-ci, son troisième, mon quatrième donc.



Si j'avais lu dans l'ordre bien gentiment, juste après Plateau, je pense que je l'aurais trouvé absolument formidable. Là, après Né d'aucune femme, je le trouve excellent et le vois comme une montée en puissance qui annonce la suite.



Les premières pages sont saisissantes. On est en août 1914, la veille du départ du père pour la guerre. La vieille Marie, sa mère, est accrochée à un mystérieux coffret métallique, terrifiée par l'orage qui gronde violemment.



«  Marie était prisonnière de funestes pensées qui se propageaient dans sa tête comme un coulée de boue glacée. Si Victor ne devait pas revenir de la guerre, elle perdrait tout, s’affaisserait à la manière d’une herbe cisaillée par la faux, et rien n’y ferait contre une telle douleur, pas même la présence de ce petit-fils qui lui ressemblait tant, qu’elle chérissait sans honte, à croire que ce genre de manifestation sautait les générations. Elle pensa aussi à Mathilde, si effacée, si fragile. Marie ne la sentait pas armée pour faire face à la place vide dans le lit, ce désespoir qui saisirait sa bru, ce désespoir dont elle savait tout. L’expression tangible de sa peur n’avait rien voir un vide quelconque, mais plutôt avec son propre effondrement de mère. Une paralysie intérieure dont elle ne voulait surtout rien montrer et qu’i l’avait prise depuis que les cloches de Saint-Paul s’étaient mises à sonner à contretemps. Marie se sentait vieille. Bien trop vieille pour se suffire du labeur. Son coeur et son corps fatigués auraient eu besoin d’être ménagés, mais elle haïssait le repos et le haïrait infiniment plus lorsqu’on son fils serait parti pour la guerre. Elle savait ce qu’une femme peut finir par accepter. Une mère, jamais. »



Dans ce roman, toute la patte Bouysse s’exprime à plein : un monde rural dans lequel couve une tragédie nourrie de la découverte de l'amour , de rancoeurs cuites, de fatalisme paysan ; une écriture lyrique qui emporte le lecteur sans souci de mesure ; de la rudesse âpre à chaque page. Toutes les émotions sont exacerbées par le contexte guerrier qui dérègle le monde traditionnel et semble ouvrir des brèches à la folie des hommes. La tension monte très vite et s'éteint jamais. On sent que le drame couve, on sent de quelle direction il va venir, mais on n'a ni l'heure ni le lieu, ni la modalité ultime.



Les personnages sont tous formidablement campés, on les voit, on comprend leur ressort à défaut de les aimer tous et de les comprendre tous. J'ai particulièrement apprécié celui de l'épouse de l'affreux Valette, taiseuse, qui va précipiter l'action lorsqu'elle bascule dans une folie inattendue.



Bien sûr c'est très sombre même si la noirceur de ce roman est éclairée par une très belle histoire d'amour naissant, d'une délicatesse dingue, ainsi que par la relation quasi filiale qui unit le jeune Joseph au vieux Léonard, celui qui transmet et réconforte alors que le vrai père est loin, au front.



Que j'aime cet auteur, donc !



Merci à cette belle maison d'édition, La Manufacture de livres, de le soutenir depuis le début !
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L'homme peuplé

Franck Bouysse fait partie de mes auteurs préférés c’est avec un immense plaisir que j’ai lu son dernier roman. Jusqu’à la page 100 environ je me disais c’est excellent mais ce n’est pas un de ses meilleurs écrits. Franck Bouysse tel un magicien qu’il est m’a alors prise par la main et m’a entraînée en dansant dans l’histoire, j’ai été totalement grisée et captivée par les rebondissements et les événements me délectant à chaque page davantage de ce délicieux breuvage. Un coup de cœur pour ce nouveau roman. L’ambiance du livre est très mystérieuse et magique, le style parfait. Je vous recommande vivement la lecture de L’Homme peuplé. Bravo à Franck Bouysse qui a l’art et la manière d’écrire des romans inoubliables. Un roman de cette rentrée littéraire à savourer.

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Né d'aucune femme

Rien dans ce roman n'a su trouver grâce à mes yeux. Je ne voudrais surtout pas heurter la susceptibilité de ceux et celles qui l'ont apprécié mais je vais dire tout net ce que j'en pense: une horreur !

Tout d'abord j'ai détesté l'intrigue affreusement nauséabonde, pleine de violence et de perversité : voyeurisme, sadisme, viol, meurtre, torture. Que du bonheur ! Et tout ça pour quoi ? Pour faire pleurer Margot tout en la laissant frémissante d'horreur à la lecture de ces vieux fantasmes faisandés, cuisinés à la sauce mélodramatique...

Ensuite j'ai trouvé le style fort moyen, pêchant par un excès d'effets qui se veulent probablement poétiques mais alourdissent inutilement le texte. Et trop de réflexions imitant la profondeur sonnent creux. C'est typiquement le genre d'écriture à laquelle je suis allergique.

Bref, ce roman n'était visiblement pas fait pour moi. Ne m'en veuillez pas trop de me montrer si sévère, ça n'est juste que mon humble avis. ☺
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