Le personnage qui vous produit en tout honneur ces saincts memoires de perfection a pensé que le texte ne valloit pas mieux que le commentaire ; par quoy il les a fait aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous commenciez icy ou là, n'importe, ce livre est, par-tout, plein de fidelles instructions et sens parfaict, tellement que c'est tout un par où vous le lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine ; il y a autant à apprendre dans un lieu qu'en l'autre, en ceste sorte-cy qu'en celle-là : il n'y a ligne, verset, endroict, ou passage (afin de parler niaisement aussi bien que les doctes) qui ne soit tout farcy de science mistigorique et concluante.
Le rire pour l'âme et le vin pour le corps.
Je ne suis plus celui qui respirait la vie
De vos yeux, mon soleil, je ne suis qu’un vain corps.
Amour qui m’a frappé de ses traits les plus forts
Pour triompher de moi, a mon âme ravie.
Mon esprit erre en bas en la plaine obscurcie,
Et mon corps au tombeau croît le nombre des morts.
Ma vie sous l’horreur des meurtrissants efforts
Qui bourrellent mon cœur, de moi s’est départie.
Je suis l’ombre amoureux de vos rayons formé,
Lorsque de vos beautés, chastement enflammé,
Je tirais de vos yeux une seconde essence.
Puis donques que je suis de vous seule animé,
Il faut que comme vous, de vous je sois aimé,
Ou pour le moins nourri d’une juste espérance.
Voulez-vous voir mon cœur, ouvrez-moi la poitrine,
Vous y verrez les traits de vos rares beautés,
Vous verrez en mon sang mille diversités
Émues par l’amour qui par vous y domine.
Vous y verrez l’ardeur de ma flamme divine,
Vous verrez tout au près mes poumons agités
Qui soupirent pour vous, et mille cruautés
Exciter la rigueur qui ma vie termine.
Mais las ! arrêtez-vous, vous n’y pourriez rien voir,
Car la mort aussi tôt ayant sur moi pouvoir
Effacerait l’effet du désir qui m’enflamme.
Regardez mes soupirs, vous y verrez mon cœur,
Vos beautés mon amour, vos rigueurs ma douleur,
Et soyez humble aux pleurs que vous offre mon âme.