Notre garçon est né un 4 mai.
Juif ou chrétien, il ressemble à tous les enfants du monde : deux yeux, un nez, une bouche, deux oreilles et tout le reste.
Des pinsons, ils les appellent !
Ces stupides passereaux n’arrêtent pas de nous imposer leur ramage dès cinq heures du matin, alors que le jour se pointe à peine derrière les stores de
toile ! Ce chant m’a toujours fait peur : il ressemble aux trois notes, celles que les ambulances vomissentpour faire place nette devant elles !
Plus au nord, ces mêmes Italiens — j’ai presque honte de mettre un « I » majuscule au nom de ceux là — mitraillent en enfilade sur les routes le flot des réfugiés. Des enfants pleurent leur mère, étendue à terre, la bouche ouverte, d’où coule le sang. Des mères bercent leur bébé, qu’elles ne veulent pas laisser. Mort dans leurs bras.
Les Allemands viennent à la rescousse, parachèvent le travail. En un ballet virevoltant, ils poursuivent les rescapés. Pas de pitié ! Dieu reconnaîtra les siens ! Ils envahissent le pays dont les habitants, harcelés, en vident le corps comme le ferait une hémorragie.
Dans peu de temps, la France entière sera sous la coupe de l’ennemi.
Alors je pleure !
Non pas de joie, mais bien de tristesse. Je revois mes amis, laissés dans cette France douloureuse.Garçons et filles qui piétinent dans le froid pour une distribution de vivres qui ne vient pas. Je pense à mes camarades de classe, qui essaient de faire entrer dans leur tête creuse à force de privations des formules algébriques ou chimiques, des analyses de phrases d’un classique d’une langue française révolue que va assujettir bientôt, si l’on n’y prend garde, celle de Goethe.
D’abord elle sent bon. Elle a l’odeur poivrée des filles d’Abraham, mélangée à celle particulière des partenaires féminines qui nous suivent dans les
compétitions sportives, où les embrocations leur rajoutent une pointe virile qui les rend encore plus séduisantes. Elle est brûlante comme un désert de
sable à l’heure où le soleil l’enflamme.