En leur compagnie, aux premières lueurs de l’aube, oubliant avec la fatigue la prudente réserve qu’il affichait partout ailleurs, il avait évoqué ouvertement les conséquences de ses découvertes : non seulement la Terre ne pouvait pas, physiquement, être au centre de l’univers puisque celui-ci apparaissait infini, mais encore elle n’était que l’un des astres qui tournaient autour du Soleil. Les schémas de Ptolémée et la physique d’Aristote devaient être abandonnés ; la théorie de Tycho Brahé relevait de l’imposture intellectuelle. Le vrai système du monde était celui qu’avaient imaginé, pressenti, supputé Pythagore et Copernic. Il serait, lui, en mesure d’en prouver la réalité dans un avenir proche.
« Une seconde d’arc ! »
Inchofer reprit fébrilement ses calculs, une fois, deux fois, trois fois...
« Près d’une seconde d’arc c’est sûr ! »
L’évidence se manifestait dans cet écart infinitésimal, mais indubitable a ses yeux. Cette petite sphère lumineuse aux confins de l’univers lui avait livré le verdict : Inchofer se trouvait sur un point d’observation mobile.
« Elle tourne ! »
Cette révélation le fit s’affaisser sur sa chaise. Comme si la fatigue de cette longue nuit de veille s’emparait subitement de lui. Il demeura interdit. Une sorte de vertige intense l’empêchait de rassembler ses idées. Même si de longues nuits de veille l’avaient mené à ce résultat, il n’était pas préparé à voir se présenter devant lui la vérité nue, dans sa lumière aveuglante.
Il se jeta à genoux, fourra sa tête entre ses mains, et se mit à prier.

- Je m’appelle sœur Arcangela par la volonté de celui qui m’a condamnée à vivre en réclusion perpétuelle, répondit-elle sèchement en se levant de sa chaise. Savez-vous ce que cela signifie de passer le restant de ses jours enfermée, quand on est jeune et désireuse de vivre une vie normale, tout simplement ? Vous qui vous êtes toujours vanté d’être le plus libre des savants, de vous affranchir des barrières de la tradition, pour philosopher, vous l’avez fait au détriment de la liberté des autres. Vous recherchez la vérité dans les astres et l’univers, mais commencez par considérer celle d’ici-bas, tellement plus triviale, mais tellement plus concrète : je n’ai pas trente-quatre ans, et en voilà plus de vingt que j’endure toutes les privations imaginables par la décision sans appel d’autrui. Jamais je n’ai eu le choix du moindre de mes actes, sacrifiée que j’ai été aux projets d’un père et aux règles d’une société injuste. Si vous saviez comme j’aurais désiré, tout à l’heure, pouvoir prendre la place de ma sœur bien-aimée, paix à son âme ! Mais j’ai beau l’implorer chaque jour, la mort ne veut pas de moi...
Elle se dirigea vers la porte et, avant de l’ouvrir, ajouta entre deux sanglots :
- La fille indigne et offensante que je suis souhaite que vous vous épargniez, à l’avenir, la peine de lui rendre visite. Cela vaudra mieux pour nous deux. Adieu !
L'intention du Saint-Esprit est de nous enseigner comment on va au Ciel et non comment va le Ciel.
(p.186)
Voilà la parfaite illustration d'une vérité éternelle : interdisez, et vous faites naître la curiosité. Le Saint-Siège ne s'y prendrait pas autrement s'il voulait faire de son Index un catalogue pour éditeurs protestants. (chap. 15)
- (Galilée) J'ai toujours douté que la Lune puisse avoir un quelconque effet sur les éléments terrestres. Au contraire, je pense qu'il convient de rendre compte des marées par un phénomène purement lié à la Terre elle même...
- (Le pape Urbain VIII) Vous vous engagez en terrain périlleux, mon fils. Faut-il vous rappeler la position prise par le Saint-Office à propos de la doctrine de Copernic ? Il est formellement interdit à tout catholique de la traiter autrement que comme une pure hypothèse mathématique. (chap. 6)