Cette passion [de tout ce qui est français], portée à l'excès, dégénéra en fureur ; les femmes sur-tout la pousserent jusqu'à l'extravagance. Canitz ayant épuisé la France en modes nouvelles, pour renchérir sur toutes les autres, chargea un Marchand de faire venir de Paris un mari jeune, beau, vigoureux, poli, spirituel & noble, persuadée que cette marchandise s'y trouvait aussi commodément que des pompons dans une boutique. [...]
Ce fut un bonheur pour les Prussiennes, que ce mariage tournât au mécontentement de la Dame ; autrement son exemple auroit été suivi ; les beautés Berlinoises auroient passé dans les bras des François ; & les hommes auroient été réduits à enlever les Sabines de leur voisinage.
Chez les Germains, comme parmi nous dans les siecles de chevalerie, on honoroit les femmes comme les dieux, la galanterie étoit un culte ; mais dans ce culte, comme dans tous les autres, il y avoit des tiedes & des hypocrites. Ce furent les Sauvages du nord qui porterent, avec les embrasemens & les ruines, l'esprit de galanterie qui regne encore aujourd'hui en Europe. Le systême qui nous a fait un principe d'honneur de regarder les femmes comme des souveraines, nous est venu des forêts de la Germanie & des bords de la mer Baltique.