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Critiques de François Denord (3)
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Le concert des puissants

Un rapport spécifique aux règles sociales



La critique de l’économie politique permet de comprendre les tendances et les contradictions du mode de production capitaliste. Les rapports sociaux sont simultanément des rapports de pouvoir, des rapports de domination.



François Denord et Paul Lagneau-Ymonet nous proposent de regarder du coté de la structure du pouvoir, de l’inégalité des ressources, du rapport singulier des dominant-e-s – le plus souvent des hommes – au monde social, de la domination de l’ordre économique et de son poids sans précédent, des héritiers, « le passé ne meurt pas : il propulse les vivants dans une course de relais pipée ».



Un concert et des partitions, des structures hiérarchisées et interdépendantes, des enjeux car il ne suffit pas de s’indigner pour remettre en cause ces formes de dominations. Il convient de saisir cette « configuration des pouvoirs », les différentiations et les hiérarchisations, les rapports de force « entre ordres institutionnels et au sein de chacun d’eux », l’efficacité des mécanismes de reproduction sociale. « Ce livre a pour objectif de fonder en raison l’insatisfaction que suscite l’ordre des choses, de mettre en question la légitimité des pouvoirs et de comprendre leur structure actuelle »



Un concert en trois temps. Et pour commencer, « La hiérarchie des pouvoirs », l’argent comme étalon, la prégnance des rapports de production, l’évolution des pouvoirs dans les trois derniers siècles, le rôle de l’Etat dans l’imposition de l’ordre néolibéral, « le néolibéralisme ne se confond pas avec le « laisser-faire », l’introduction et la généralisation de la concurrence, le bien fondé dominant « d’une économie livrée aux patrons et aux cadres dirigeants », l’internationalisation et l’émergence de mastodontes du capitalisme, la puissance des patrons, les héritiers, les « élites » plus que jamais économiques, la modification du paysage des fractions de la bourgeoisie et la domination de la bourgeoisie d’affaires, les nouveaux « flux intersectoriels » (administration, enseignement, finance, justice, commerce, etc. et au centre l’industrie) et la circulation des cadres…



François Denord et Paul Lagneau-Ymonet analysent la structure contemporaine du pouvoir, les position occupées, l’exercice du contrôle sur les moyens de production, la très forte endogamie sociale, le degré d’intégration à l’ordre économique, l’ancienneté d’appartenance à la classe dominante, les certifications scolaires, le nom comme patrimoine, « La fraction dominante de la classe dominante est une zone carrefour située à l’intersection de la politique, de l’administration, du capitalisme d’Etat, du secteur privé et du capitalisme familial », cette étroite minorité dont le style de vie « tranche d’avec celui du commun des mortels »…



Second temps, « L’arbitraire de la naissance ». Arbitraire à mettre en rapport avec l’idéologie méritocratique. Les auteurs insistent sur deux éléments « l’argent et la culture ». Ils parlent des conditions sociales et historiques des possibles, de l’école et de la sélection sociale, des grandes écoles comme « instances de certification », des formes privilégiées d’instruction permises par l’argent, de capital économique et de capital culturel, « Capital économique et capital culturel se soutiennent plus qu’ils ne s’opposent », du Collège de France, du poids de l’héritage (« A l’échelle de la planète, 62 individus possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres »), du patrimoine agrégeant « revenus épargnés et richesses héritées », des échelles et des sources de revenus, « plus on s’élève dans l’échelle des revenus et des patrimoines, moins la rémunération du travail compte et plus l’argent provient de l’exercice du contrôle des moyens de production et du droit de propriété »…



J’ai notamment apprécié les passages sur les bénéfices des commandes d’Etat conjugués aux dénonciations de l’intervention de la puissance publique, la machine à laver les grandes fortunes, la substitution de la charité privée au principe d’universalité, les carnets d’adresse, les lieux de rencontre et l’entre-soi, le maniement des symboles et leur inscription en premier lieu dans des dispositifs matériels, le luxe des biens rares, la reconnaissance, « En faisant de leur reconnaissance une qualité propre, les dominants donnent à leur trajectoire une valeur spécifique », la naissance comme source de privilèges considérables, la violence des échanges et des conflits au sein du champ du pouvoir et l’organisation des compromis…



Troisième temps, « La solidarité au sommet ». François Denord et Paul Lagneau-Ymonet soulignent des éléments de cet « univers spécifique », les règles de la solidarité et la morale particulière, les arrangements avec la concurrence pourtant publiquement prônée. Les auteurs montrent comment les règles de la concurrence sont à la fois contournées et utilisées par les grandes entreprises (distribution des marchés sur une base géographique, manipulations des consommateurs et des consommatrices, consolidation de pratiques anticoncurrentielles à leur avantage, contournement calculé des règlements, etc.) d’autant que le gigantisme de certains oligopoles en impose même au pouvoir d’Etat.



Si les puissants ont et renforcent leurs privilèges, il convient comme les auteurs de souligner que « Les privilèges sont moins une affaire de statut, public ou privé, que de libéralités consenties aux puissants ». Ils en détaillent certains : fixation unilatérale de rémunération, avantages financiers ou en nature, utilisation d’une « armada procédurière » face aux moyens limités de la justice, traitement particulier réservé aux puissants, tribunaux de commerce, « La justice consulaire permet à des notables de perpétuer une forme d’autorégulation aux marges de la justice ordinaire » (Comment ne pas faire le parallèle avec les procédures d’arbitrages inclues dans les accords internationaux?), etc.



Par ailleurs, grâce aux « représentants d’intérêt » – aimable dénomination pour couvrir les activités de lobbying, les dominants « co-produisent » les règles qui leur sont applicables.



J’ai notamment été intéressé par les paragraphes sur l’estime d’eux-mêmes, les gages de légitimité, l’usage des carnets d’adresses, la multipositionnalité et la mise à distance de la « morale ordinaire », « Les avantages qu’ils en tirent passent pour récompenser des caractéristiques innées alors qu’ils témoignent avant tout de la puissance d’institutions », les conditions sociales du privilège, les lieux d’entre-soi (dont Le Siècle) ou les cénacles privés qui permettent à quelques-uns d’être « comme larrons en foire »…



En conclusion, François Denord et Paul Lagneau-Ymonet parlent de l’ordre politique qui démocratiquement peut fournir aux individu-e-s « les moyens collectifs de s’émanciper », de rupture avec le néolibéralisme, de redéploiement et d’extension du service public, des moyens de rendre leurs prérogatives aux élu-e-s tout en limitant leur possible omnipotence…



Volontairement je n’ai pas cité de noms. Si celles et ceux de grand-e-s héritier-e-s ou de grands patrons sont connus, d’autres noms ne manqueront de questionner sur leur appartenance revendiquée à la gauche ou sur la conception de cette même gauche pour certain-e-s syndicalistes ou politiques…



Un petit livre donnant à penser sur les arrangements institutionnels du pouvoir, la réalité d’une « classe sociale », la place de l’« ordre économique » ou de l’héritage. L’abrogation des privilèges – dont l’héritage des moyens de production, des grands biens immobiliers ou luxueux – est bien toujours à l’ordre du jour politique et démocratique, au nom de la liberté et de l’égalité de toutes et tous, de chacun et chacune…



« Seule une politique qui aurait l’égalité pour principe, la démocratie pour base et la liberté pour but romprait avec la tonalité néolibérale »
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Le concert des puissants

C’est que les sociologues François Denord et Paul Lagneau-Ymonet ont réussi un ouvrage d’une concision remarquable. Le Concert des puissants est une analyse brillante, aussi précise qu’agréable à lire, de l’élite au pouvoir en France.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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L'Europe sociale n'aura pas lieu

Court, concis et efficace.

Un historique de la construction européenne qui détaille ce qui est lointain et passe plus rapidement sur le passé récent. Historique qui prouve que le sociale n'a jamais été au menu de l'Europe et que ses fondements interdisent toute idée d'Europe sociale



A faire lire à tous les gauchistes ouiouistes
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