AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de martineden74


D’abord qu’il la montre, qu’on la voie son Hospitalité. Ils avaient retiré le drap qui la recouvrait. On avait applaudi, le maire lui avait pris la main pour la lever bien haut.
— C’est un honneur pour la Suisse ! Pour La Tour…
On avait encore applaudi… Maintenant c’était son tour, le maire avait demandé le silence, Courbet regardait sa sculpture comme s’il la découvrait.
— Elle a de beaux cheveux…
Il cherchait ce qu’il pouvait bien en dire. Il y avait eu quelques rires parce que ça fait toujours rire un homme qui ne sait plus, qui se cherche… encore plus s’il est saoul. Il les avait regardés.
— Vous attendez que je dise quelque chose… C’est pas facile, la liberté c’est pas facile…
C’était lui maintenant qui avait son petit rire. Il allait les faire chier un peu puisqu’ils voulaient se marrer. Il s’était tourné vers le maire, un peu gêné l’élu, sur des œufs… il y avait eu quelques sifflets, encore des rires.
— Vous l’avez déjà rencontrée vous, la liberté ? Je l’ai peut-être aperçue mais je ne me souviens plus, je devais être bourré.
Ils mordaient, ils riaient. Ça, il savait encore… même si c’était toujours à son détriment.
— Peut-être bien qu’il faut être bourré pour la voir ! Peut-être que je me suis trompé de femme… Mais le cœur y était. Vous êtes un peuple merveilleux, vous avez les plus belles montagnes du monde… le meilleur des mondes, pardon à Rousseau.
On l’avait applaudi comme s’il avait dit quelque chose d’important.
— J’avais préparé un petit texte… mais je ne vais pas le lire.
Ça lui était venu comme ça, pas prémédité, remâché… il n’avait plus envie, il était fatigué.
— Je suis un peu fatigué et puis… il faut de l’innocence pour parler de la liberté. Il faudrait ne pas savoir… rien des hommes.
Là, il avait creusé un silence, on le sentait parti, qu’il allait s’envoler, sortir quelques perles comme il était le seul à savoir. Mais non !… Son regard s’était arrêté sur un petit Jo… Pourquoi lui ? Un autre petit Jo, il avait pensé et il en avait été tout remué. Petit Jo ! Comme il serait heureux de l’avoir près de lui… Pour lui, peut-être il arrêterait de faire le con. Il avait fait signe à l’enfant de le rejoindre, sa mère l’avait poussé, lui n’osait pas… Il s’était avancé freluquet, petit Jo aurait été plus décidé… Courbet l’avait pris par les épaules pour le retourner vers le public. Il avait retiré une feuille de sa poche.
— Tu sais lire ?… Oui ?… T’as peur ? Vas-y…
L’enfant avait lu le premier mot.
— Cette tête…
Courbet lui avait soufflé à l’oreille : “Très bien, maintenant tu parles fort et tu te tiens droit !” L’enfant avait fait comme il avait dit, il s’était mis à lire avec ce ton propre aux enfants qui déchiffrent. Courbet gardait les mains sur ses épaules.
— Cette tête, je l’ai appelée Liberté. La liberté, elle n’appartient à aucun pays, aucune caste… elle n’exprime aucune haine ni colère…
Si l’enfant butait, Courbet reprenait le mot. L’enfant parlait avec de plus en plus d’assurance et de plus en plus fort, le rose aux joues. Et on découvrait que dans sa bouche, les mots prenaient du poids, même ou surtout parce qu’il ne les comprenait pas tous.
— La liberté appartient à l’humanité tout entière… elle est sa grandeur et sa beauté. Oui, la liberté est bonne… pas de lauriers sur son front ! parce que les peuples n’ont pas besoin de lauriers pour être heureux. Je suis fier de l’offrir au pays qui nous accueille, les bannis, les chiens… les fous de liberté. Vive la liberté, vive l’amour de la liberté… Vive la Suisse.
Courbet avait embrassé l’enfant, il l’avait soulevé de terre pour qu’on l’applaudisse. Le maire attendait pour le remercier encore à deux mains. L’enfant avait couru retrouver sa mère. On s’approchait pour voir de plus près cette Liberté et ce Courbet ! On venait le féliciter, c’était joyeux et il y était pour quelque chose… Tout le reste n’avait aucune importance
Commenter  J’apprécie          00









{* *}