Citations de François-Henri Désérable (577)
« Chez nous, l’auto-stop est une pratique qui se perd : il existe aujourd’hui des applications, des sites, des plateformes, qui moyennant commission mettent en relation conducteurs et passagers. On se donne rendez-vous à tel endroit à telle heure ; on fait ensemble un bout de chemin ; on partage les frais. Comme pour le sexe, comme pour l’amour, comme pour le choix des hôtels et des restos, au hasard on a substitué les algorithmes. On appelle cela le progrès. Le programme du progrès : éradiquer l’aléa. »
Il ne manquait plus qu'il se mît à pleuvoir : il se mit à pleuvoir.
, Je ne sais pas, mais moi je vois la vie comme deux lignes parallèles : la première représente ce à quoi l’on aspire, ce que l’on voudrait être ; la seconde, ce que l’on est réellement. Et bien sûr elle ne se superposent jamais tout à fait, mais tout l’enjeu est d’en réduire l’écart autant que possible. On ne mesure pas la réussite d’une vie à l’écart entre ces deux lignes, mais à l’effort consenti pour le réduire.
Planifiez votre vie, et la vie déjouera tous vos plans.
Nous avions la nuit pour adresse
Pour compagnons d'âpres vins blancs
Au fond des yeux plein de tendresse
Et quelque chose de troublant
Nous étions assis face à face
Dans ce café en clandestins
Où nous écrivions ce qu'effacent
À présent les tours du destin
J'avais tes yeux d'un vert agreste
Rien que pour moi et pour cela
Je pourrais donner ce qui reste
De ma vie pour ces heures-là
Ces heures qui soudain revient
Dans la scansion de mes vers
Je voudrais que tu t'en souviennes
Comme d'un beau ciel bleu l'hiver
Est-ce qu’une femme déjà mère d’un enfant retranchait cinquante pour cent de l’amour qu’elle avait pour le premier quand le second venait au monde ? Non : à celui-là comme à l’autre elle donnait cent pour cent de son amour, car l’amour ne se divise pas, il se multiplie. Le cœur, comme l’Univers, est extensible.
Citoyen, écrivis-je, avoir des opinions différentes de ceux qui gouvernent est peut-être un malheur; les publier est peut-être une imprudence: mais pourquoi serait-ce une folie absolue de ne pas ressembler tout à fait à tout le monde?
Aux rencontres fortuites
Aux écarts de conduite
A nos chambres secrètes
Aux puissances discrètes
Obscures des hasards
Et à tout ce bazar
Que ça fout dans nos vies
A la vie à l'envie
Et qu'est-ce que la vie, disait Vasco, si l'on y songe un instant ? De petits bonheurs éphémères, dominés par d'insondables chagrins. Et on n'en continue pas moins d'aller au bureau, et de dire bonjour aux collègues, et de rire à leurs blagues, on n'en continue pas moins de jouer la comédie du bonheur, alors qu'en vérité on porte un masque à même la peau, pas tout le temps mais la plupart du temps, pas tous les gens mais la plupart des gens, un masque qui nous fait une seconde peau, rieuse et joyeuse par-dessus l'autre, défigurée par la douleur.
« Quand une guerre éclate, les gens disent : « Ça ne durera pas, c’est trop bête. » Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l’empêche pas de durer. »
On prétend parfois qu'elle [ la littérature ] ne sert pas à grand chose, qu'elle ne peut rien contre la guerre, l'injustice, la toute-puissance des marchés financiers - et c'est peut-vrai. Mais au moins sert-elle à celà : à ce qu'un jeune Français égaré dans Vilnius prononce à voix haute le nom d'un petit homme enseveli dans une fosse ou brûlé dans un four, soixante-dix ans plus tôt, une souris triste à la peau écarlate, trouée de balles ou partie en fumée, mais que ni les nazis ni le temps n'ont réussi à faire complètement disparaître, parce qu'un écrivain l'a exhumée de l'oubli.
Deux désespoirs qui se rencontrent, ça fait un espoir, non ?
Si je devais écrire un livre sur la vie d'Évariste, il compterait vingt chapitres, pas un de plus, pas un de moins. Vingt, comme le nombre d'années qu'il vécut. Rien du tout à l'échelle de l'humanité. ; pas grand chose à celle d'une vie ; assez pour que cette vie ait compté. Et cela grâce à une nuit, une seule : la dernière.
À la première intersection, je tournai à droite, sur une longue rue que je descendis trois cents mètres, laissant arbitrairement à ma gauche les bulbes verts d’une église orthodoxe (quand trois ans plus tard je devais retourner pour la quatrième fois à Vilnius, les bulbes ne seraient plus verts mais dorés, repeints tels qu’ils étaient à l’origine, tels, penserais-je alors, qu’il avait dû les voir tous les jours en sortant de chez lui) pour continuer encore à droite, rue Jono Basanavičiaus.
Au n°18, sur la façade d’un immeuble de stuc jaune dont le porche donnait sur une cour intérieure, se trouvait une plaque, en lituanien et en français: L’écrivain et diplomate français Romain Gary (vilnius, 1914 – paris, 1980) a vécu de 1917 à 1923 dans cette maison qu’il évoque dans son roman "la promesse de l’aube".
Et puis un soir comme un autre où l'un et l'autre vous essayez de vous séduire, elle dit quelque chose de tout à fait con, une ineptie. En temps normal (et par normal j'entends celui où les oscillations du cœur d'un jeune homme ne sont pas conditionnées par les battements de cils d'une jeune fille), en temps normal donc, vous l'auriez congédiée sans ambages, mais là, non, vous lui pardonnez: vous trouvez ça spirituel. Vous êtes foutu: vous voilà amoureux.
On l'oublie trop souvent, mais c,est aussi l'enfant qui meurt quand meurt le père. La mort emporte le père dans la tombe, et la tombe se referme sur l'enfant. (p.57)
Qu'est-ce que la beauté, sinon une forme de laideur à la mode ?
Tu verras, Henri-Clément, il n'y a que deux choses qui font tourner le monde : le travail et l'amour. Le travail parce qu'il nous permet de vivre, l'amour parce qu'il nous donne une raison de vivre.
Leur silence n'est ni indifférence à l'égard des manifestants, ni approbation à l'endroit du régime : c'est la peur.
Aux Iraniennes vent debout cheveux au vent