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Critiques de François Héran (13)
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Migrations et sociétés

Depuis janvier 2018, François Héran est professeur au collège de France et titulaire de la chaire "Migrations et sociétés" . Il dirige l'institut Convergences Migrations après une carrière à l'INED puis à l'INSEE .

Il s'agit ici de sa conférence inaugurale .

Avec un langage clair, précis et accessible , il développe 4 aspects , qu'il qualifie de"tensions" du phénomène migratoire : Une présence forte quoique minoritaire, un mécanisme spontané ...qui ne va pas de soi, l'asymétrie entre droit d'émigrer et droit d'immigrer, migration utile ou migration de plein droit?

A travers l'analyse et la comparaison de données chiffrées , des exemples et de nombreuses références et citations ( Jean-Jacques Rousseau, Adam Smith...), il fait apparaître la complexité du phénomène migratoire , le replace dans son contexte et en retrace son évolution et son ancienneté .

Loin de l'émotionnel et du superficiel sur la question , et tout en prenant position , il nous invite à prendre de la hauteur .

Pour ma part , cette lecture m'a donné envie d'aller plus loin ;J'ai apprécié la diversité des approches et de l'argumentation .

A lire absolument , à relire , à méditer et à approfondir .

Un grand Merci à Babelio pour m'avoir permis de découvrir et de lire ce livre dans le cadre de la dernière opération Masse critique
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Le temps des immigrés : Essai sur le destin d..

Lecture pour mes cours oblige, je me suis donc lancée dans cet essai de Mr Héran.

Le thème m'a attiré et au fil de ma lecture j'ai pu constater que l'auteur avait des remarques pertinentes. C'est un ouvrage également intéressant pour les explications plutôt claires et les quelques exemples donnés.



Mais il y a quelques bémols. Notamment les nombreuses répétitions de l'auteur qui rendent le tout un peu lourd. Quelques pages en moins n'auraient donc pas été un mal !

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Lettre aux professeurs sur la liberté d'expre..

Monsieur François Héran, sociologue et anthropologue, professeur au Collège de France, est un grand intellectuel aux titres incontestables. Au lendemain de l'assassinat de Samuel Patys, il a publié à chaud une « lettre aux professeurs » portant sur le contexte de cet assassinat ; dans cet ouvrage, il reprend , commente et élargit ses thèses de l'époque en terminant par une défense et justification du wokisme qui n'est pas ce qu'un bon peuple réactionnaire pense (et qui d'ailleurs n'existe pas, la preuve c'est qu'on l'enseigne). Mais n'allons pas trop vite.

A première vue, le thèses de l'auteur sont pertinentes ; il entend démontrer la pertinence du concept d'islamophobie, conçu comme racisme, des rapports indissociables entre la croyance et le croyance qui justifient le concept de blasphème, il se livre à une exégèse éblouissante et étayée par un vaste appareil critique des textes fondateurs de la laïcité, des différentes déclarations des droits de l'homme, française, américaine, européenne, des législations qui les complètent, de l'histoire et de la politique française, de l'histoire coloniale, que sais-je encore, qui emporte presque l'adhésion.

Ainsi je ne juge pas, a priori, indispensable que les fameuses caricatures soient érigées en objet d'études dans l'éducation nationale (à une réserve près, que je dirai plus loin), et je trouve sale et écoeurant le dessin représentant Mahomet nu et prosterné, avec son commentaire et ses sous-entendus.

Lorsu'il énumère les turpitudes et palinodies intellectuelles des contempteurs du concept d'islamophobie (au premier rand desquels Taguieff, auquel il voue une hainse vigoureuse),il cite la théorie dite de la pente savonneuse, qui serait selon lui un paralogisme, et qui consiste en gros à dire, pour ce qui s'agit de l'Islam, que si vous acceptez qu'on s'en prenne aux caricatures, que vous défendez le voile islamique, vous finirez par admettre la charia (en l'espèce, ce n'est pas si faux).

Mais il applique parfaitement lui-même cette technique ; j'ai commencé par admettre que la caricature du prophète était répugnante, et qu'il n'était pas indispensable de la commenter dans less écoles ; et si je l'avais suivi, j'aurais été conduit à admettre que la critique d'une religion, particulièrement de l'islam, constituait une forme de racisme anti-musulman parce qu'il n'était pas possible de dissocier le musulman de sa religion et de critiquer l'une sans haïr l'autre, et que dès lors , sans vouloir l'interdire, il était difficile de tolérer le blasphème (un bel exemple de double pensée, d'ailleurs ;

Sur le blasphème cependant, qui serait une offense insupportable, une violence pour les croyants justifiant presque son interdiction, je ferai cependant observer que je suis catholique et croyant, et que, bien avant de s'en prendre au prophète, Charlie avait publié des caricatures de même farine consacrée à ma religion et en beaucoup plus grand nombre (je crois même qu'un Pape y avait été représenté dans la même posture que Mahomet) sans que beaucoup de gens s'en soient émus , et sans même que nous réagissions particulièrement ; nous avons l'habitude.

(d'ailleurs, le catholicisme étant la religion des dominants – dominant quoi, j'aimerais bien le savoir- le concept de catholicophobie ne saurait être pertinent ; la preuve, les woke ne l'ont même pas nommé)

Et je n'ai jamais crié au blasphème, parce que l'idée même de blasphème est un non-sens ; elle présuppose qu'une créature aussi insignifiante qu'un caricaturiste puisse offenser Dieu, et que, quand bien même ce serait le cas, Il ne pourrait pas se défendre tout seul.,

Cela dit, il existe un moyen bien simple d'échapper au spectacle des caricatures : ne pas acheter et ne pas lire Charlie ; bon, vous me direz : et l'enseignement des caricatures à l'école, là les enfants ne peuvent choisir de les voir ou pas ; alorsje veux bien reconnaître que ce n'est peut-être pas indispensable. Cependant, c'est à cause de ces caricatures qu'on a déjà tué par deux fois ; alors faut-il céder ? Je m'interroge mais la question est ouverte

Et puis il y a ce que l'auteur dit de Samuel Paty ; la caricature qu'il aurait montré aux enfants (en précisant d'ailleurs que ceux d'entre eux qui craignaient d'être choqués pouvaient sortir, mais cela même lui fut reproché comme discriminatoire) serait précisément celle où Mahomet est montré nu et à genoux. C'est une information. Mais ensuite il s’interroge sur le « cheminement « qui a conduit le professeur à « montrer à ses élèves de quatrième ce dessin particulièrement choquant » 

Moi, c'est cette interrogation qu me choque, car cela laisse à penser que le malheureux professeur aurait pu nourrir des intentions inavouables

Comme si le comportement de la victime pouvait excuser le crime en quoi que ce soit.....

La dernière partie du livre est un long plaidoyer pro domo, lu mille fois, sur la pertinence des études postcoloniales et décoloniales (il paraît que ce n'est pas la même chose, on en apprend tous les jours), le racisme systémique, le privilège blanc, l’intersectionnalité, que sais-je encore, qui tend à démonter que toutes ces choses sont normales, et même louables, et qui ne convaincra que les convaincus.

Je dirai quand même en conclusion que le livre mérite d'être lu, car il représente un travail rigoureux, très supérieur aux pamphlets affligeants qu'on lit habituellement sur ces sujets, mais dont il faut avoir conscience que c'est un livre orienté, écrit à partir d'un point de vue politique.

Sinin gare à la pente savonneuse !

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Immigration : Le grand déni

« Cessons de scruter avec anxiété, des berceaux à la tombe, l’évolution respective de la « population majoritaire » et des minorités visibles en cherchant à repousser le moment fatidique où « la France ne sera plus la France ». Travaillons plutôt à accélérer l’intégration des groupes « minorisés » dans une majorité élargie. Prenons au sérieux la lutte contre les discriminations de toutes sortes, directes et indirectes, individuelles et systémiques. Le seul combat qui vaille est de poursuivre le mouvement engagé depuis plusieurs générations pour élargir les contours de la population majoritaire, renouveler notre vision de la « francité » en y intégrant tour à tour toutes le minorités. Nous avons suffisamment de données pour pouvoir affirmer à la fois que le brassage des populations progresse dès la deuxième génération et que les esprits évoluent dans le même sens, même si des combats d’arrière-garde veulent encore nous ramener au rêve désuet d’une France vierge de toute immigration. Notre horizon n’est pas le grand remplacement mais le grand renouvellement. »

(p. 169)

Au moment où les mots « invasion », « envahissement » ou « tsunami », et l’expression « grand remplacement », instillés par l’extrême-droite dans le discours sur l’immigration en France, se banalisent, dans un temps aussi où nombre de manifestations hostiles aux migrants, souvent particulièrement haineuses, sont organisées sur le territoire devant les centres d’accueil ou dans les villages où l’on projette d’en créer, quand la police à Calais et Dunkerque s’acharne contre des exilés (avec les méthodes violentes décrites par Louis Witter dans La Battue, autre ouvrage récent sur le sujet), le livre de François Héran constitue un bon début de réponse face à la contagion xénophobe et à la réédification des frontières. Fruit de ses recherches, comme sociologue démographe et philosophe, spécialiste de la question de l’immigration depuis de longues années, et aujourd’hui professeur titulaire au Collège de France de la chaire « Migrations et sociétés », il évoque avec des chiffres précis et une analyse scrupuleuse la réalité de l’immigration en France. Oui, souligne-t-il, les arrivées de migrants sont en augmentation depuis 2000 sur notre territoire (mais cela n’a rien d’extraordinaire, si au lieu de « dénier » ce phénomène mondial de déplacement massif de populations, lié au réchauffement climatique, aux guerres et aux répressions politiques, on en reconnaît l’inéluctabilité), mais non, la France, loin d’être envahie, est plutôt en net retard par rapport à ses voisins pour ce qui est de l’accueil des réfugiés (hier et toujours, afghans, syriens ou africains, aujourd’hui ukrainiens) et sa prétention à rester « terre d’asile » généreuse largement usurpée. François Héran montre aussi comment les dysfonctionnements, les retards et la mauvaise volonté de l’administration, dans le traitement des demandes d’asile et de séjour, aggravent notre relation avec ces immigrés, quand l’étude du long terme révèle que les efforts mis à faciliter l’intégration des populations nouvelles sont payants pour l’ensemble de la société. Un texte qui offre à tous les ressources nécessaires à une réflexion fraternelle, sinon simplement réaliste, sur la question, au moment où le nouveau projet de loi Darmanin fait craindre le retour de la pire démagogie et des réflexes ostracistes !

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Migrations et sociétés

Il n'est pas certain que les prolégomènes de cette leçon inaugurale au collège de France aient quelque intérêt. Mais une fois le droit d'entrée payé par l'impétrant aux très modestes ancêtres (mystagogue compris) et aux diverses institutions, le court exposé de François Héran qui suit est extrêmement utile.





Le titulaire à la chaire migrations et sociétés, dans cette vénérable maison, compte et recompte pour rendre compte. Si le chercheur fait dans ces quelques lignes, à notre humble avis, beaucoup trop confiance à l'arithmétique pour établir les faits, tracer les causalités et mesurer l'écart entre une réalité et un idéal d'égalité, de cohésion sociale et de non-discrimination ; s'il pense bien à tort que le péril n'est pas dans la gouvernance par le nombre mais dans la diversion par le nombre, il n'en demeure pas moins que son rappel de quelques chiffres et les analyses qui parfois s'en suivent sont bien utiles. En sciences humaines sans doute ne faut-il pas procéder à des jugements valeurs ; cependant, il peut être utile de prendre parti pour des valeurs. François Héran ne fait d'ailleurs pas autrement. Les auteurs les plus souvent cités, les concepts mis en avant dans son livre sont étroitement libéraux et souvent même libertariens. Ses futurs travaux, dans cet esprit et avec une perspective détestablement comptable, se proposent de mesurer : « ce qu'on gagnerait à remplacer l'aide au développement – au rendement douteux – par la délivrance de visas facilitant le va et vient Nord-Sud ».





François Héran note que nous sommes passés, après le choc pétrolier de 1974, d'une migration utile à une migration de plein droit où la logique familiale, humanitaire ou estudiantine l'emporte sur la logique économique pure et simple, où en France les 220 mille migrants non européens, qui obtiennent chaque année leur permis de séjour, ne sont pas là pour rajeunir la pyramide des âges ou pour combler les pénuries de main d'oeuvre (< 10%). Les migrants entent chez nous aujourd'hui parce qu'ils en ont le droit.





Les recherches de François Héran, sans démagogie aucune, rappelle dans cet ouvrage qu'incontestablement la migration affecte en profondeur les sociétés d'origine et de destination. Elle est ainsi fortement présente en France quoique minoritaire. Les personnes nées étrangères à l'étranger pèsent en effet dans la population française 10 à 11% en 2018, soit sept millions de personnes. La seconde génération, pas immigrée, compte quant à elle 12 à 13% de la population française, soit huit millions de personnes. C'est donc près d'un quart de population française qui est liée à l'immigration de la première ou de la seconde génération. C'est beaucoup mais comparable aux autres pays de vielle immigration (Allemagne, USA ou Pays-Bas).





François Héran dans son intervention insiste, en plus de la présence, il faut absolument rendre compte des flux annuels des nouveaux entrants. L'Union Européenne a accueilli, en 2017, 2,4 millions d'immigrés pour 509 millions d'habitant, soit 0,47% ; les États-Unis, 1,1 millions pour 320 millions, soit 0,34%. le nombre de migrants non-européens admis au séjour en France par année, en 2017 (année de crise migratoire), est de 260 mille, soit 0,4%. Les flux migratoires en France comme ailleurs ne sont donc pas massifs, c'est leur accumulation dans le temps qui finit par produire des changements pesants. Il y a, conclut François Héran, non pas une intrusion spectaculaire, mais une intrusion durable qui finit par modifier les origines de la population et qui, au fil des générations, favorise leur brassage progressif.





Contrairement à ce qui est habituellement admis, la mécanique des fluides ne s'applique pas à l'écoulement des populations. Les migrants, des hautes pressions de contrées pauvres et surpeuplées ne sont pas nécessairement entrainés vers les basses pressions de contrées riches et sous-peuplées. Sur sept milliards et demi d'habitants de la planète seulement trois cent millions vivent à l'étranger, soit environ 4 à 5% ; il faut noter que 95% de la population mondiale n'a donc jamais migré. C'est une autre physique, celle de la gravitation, qui semble ici s'appliquer. le modèle, nous dit François Héran, assimile les populations à des corps de masses inégales qui s'attirent mutuellement. le nombre des migrants déplacés est proportionnel à la «taille» des populations en présence et inversement proportionnel au carré de la « distance » les séparant. Pour le statisticien, la « taille » devient opportunité, âge, genre et la « distance » coût du transport, écarts culturels, histoire … le modèle gravitationnel, avec ses variables individuelles et de contexte, révèle le caractère sélectif des migrations. Les planètes massives fortes de leur poids démographique retiennent l'essentiel des particules légères de leurs populations indigentes. Ce ne sont pas les plus pauvres qui se déplacent, il y a souvent concurrence des migrations régionales et internes. Ainsi, l'augmentation des populations subsahariennes, ne devrait pas faire croitre dans les mêmes proportions le nombre de migrants (en 2050, passage de 0,4 à 2,4% de sa population).

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Immigration : Le grand déni

La misère du monde.

Tout d’abord, il faut saluer le courage de François Héran pour faire le point sur un sujet aussi sensible politiquement que l’immigration en France. Dans une analyse qui se veut dépassionnée, il se fait pourtant le pourfendeur de certaines idées reçues sur le sujet. Il part d’une position claire : « la France souffre d’un déni de l’immigration c’est-à-dire nier que la France est une terre d’immigration, affirmer qu’elle l’est devenue et n’aurait jamais dû, dénoncer la submersion migratoire et se faire fort de l’endiguer » (p.11). D’où la conséquence, il faut « faire avec » sans état d’âme. D’autant que « Dans un état de droit, il existe forcément des migrations de droit, mais aussi un droit des états à contrôler les migrations, à condition que ce droit soit dument encadré et proportionné » (p.15). Il semble aligné sur les célèbres convictions de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde (Décembre 1989), mais elle doit en prendre sa part. (Août 1996) »

L’analyse des données montre que les migrations dans le monde sont en expansion continue que ce soit en nombre absolu ou en pourcentage. Cependant, la France, l’immigration progresse mais à un rythme plus faible que la plupart des pays européens comparables, attachés à l’état de droit. Les régions du monde qui émigrent le plus en temps de paix ne sont pas les plus pauvres mais celles qui ont une position moyenne dans l’échelle du développement humain (Maghreb, Caucase, Balkans, …). Il souligne le rôle facilitateur des diasporas qui allègent les charges d’accueil pour les gouvernements et la société civile. Les titres de séjour ont bien augmenté considérablement (61% en 15 ans) mais surtout en ce qui concerne les étudiants internationaux, les travailleurs qualifiés et les réfugiés, la migration familiale (« regroupement familial ») s’avère être en baisse. La France compte 11 à 12% d’immigrés, c’est une progression certes mais qui est plus faible en France que dans le reste des pays européens occidentaux comparables. Enfin, la France se révèle peu attractive pour les ressortissants des pays européens qui peuvent circuler librement. Voilà pour ce qui est de la claque aux idées reçues !! Il rappelle l’illusion qui consiste à croire que la société française aurait absorbé les vagues d’immigrés antérieures sans heurts. S’intégrer prend toujours du temps et nécessite une stabilité des règlements et des lois. Il faut, de plus, une administration et une organisation de l’accueil qui soit à la hauteur des enjeux et une volonté politique forte comme avec les boat-people (en1979 et en 1989) et les ukrainiens (en 2022).

Le dernier point que je retiendrai de cet essai sociologique et qui à mon avis en constitue la limite, c’est qu’on a affaire à une vision et à des interprétations très marquées à gauche qui cherche à nous faire croire que les méchants de l’histoire sont à droite de l’échiquier politique : rien ne peut les repêcher ! Que la démocratie serait belle sans le peuple !! Je cherche désespérément une autre vision des choses, mais il semble bien difficile d’être sociologue sans faire allégeance à la gauche !

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Immigration : Le grand déni

C’est forcément un peu frustrée et contrite que je publie cette critique huit mois après ma lecture de cet édifiant essai (décidément, la collection La République des idées est une valeur sûre !), qui aurait mérité d’être érigé en lecture obligatoire avant le vote de toute loi sur l’immigration…



François Héran y dénonce avec clarté et concision, et bien sûr chiffres à l’appui, à quel point le sujet de l’immigration est au cœur du débat public, que cette dernière est exagérée à l’envi pour mieux marteler ensuite quelles mesures drastiques il faudrait appliquer pour faire face à cette vague submersive permise par de récentes politiques trop laxistes. Face à ces cris d’orfraie qui oublient que l’immigration est une composante de la société française depuis belle lurette (et que la sacro-sainte continuité historique ne résiste pas à une analyse des différences entre régions françaises, dont les habitants se considéraient jusqu’à une période récente comme des étrangers), l’auteur milite pour une politique dépassionnée et respectueuse du droit international, une lutte contre la ségrégation territoriale et la paupérisation qui lui est souvent associée, et une simplification ou du moins une rationalisation des procédures administratives kafkaïennes de régularisation.



Abordant en premier lieu la bataille des chiffres, François Héran rappelle que la hausse de l’immigration est en effet réelle ces dernières années, mais que ce mouvement touche l’ensemble du monde, et que la France est loin d’être en tête du classement des pays européens lorsque l’on compare la part de population d’origine étrangère. Il balaie également le mythe d’une France incroyablement attractive pour les étrangers par une analyse détaillée des titres de séjour accordés ces dernières années, et en tire un bilan plus qu’instructif bien éloigné des conclusions à l’emporte-pièce que l’on entend de toute part. Du point de vue de l’accueil des exilés et des réfugiés, la part de la France est là encore bien timide, loin des efforts faits dans les années 70 pour accueillir les boats people que rappelle l’auteur et dont on se souvient bien peu aujourd’hui.



J’ai trouvé l’exemple de Mayotte particulièrement édifiant ; l’auteur nous rappelle que la France, ayant encouragé l’intégration de l’île des Comores comme département français fait désormais face à une « migration étrangère » (auparavant insulaire et normale, puisque réalisée au sein d’un même pays). Il faudrait alors « lutter contre l’attractivité sociale et administrative » de Mayotte pour mieux la protéger, ce qui passe par un régime d’exception du point de vue législatif sur l’île. Si ce n’était pas aussi ubuesque, on pourrait presque en rire…



Les derniers chapitres reviennent sur le sujet inflammable qu’est l’immigration, et le traitement dont elle fait l’objet par les politiques d’extrême-droite et de droite, ainsi que sur l’appareil administratif et législatif aujourd’hui en place pour gérer les demandes de régularisation. La justice n’est pas chiche en la matière, puisque vingt-deux lois ont été publiées depuis 1986 sur le sujet, rendant la plupart des procédures inextricables puisque les directives changent tous les dix-huit mois.



Une très belle synthèse à lire et à relire et qui résonne bien tristement au vu de l’actualité. En en relisant quelques passages, je n’ai pas résisté à étoffer un peu la partie citations, on sera étonné de voir à quel point François Héran avait anticipé les écueils de la loi immigration.
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Immigration : Le grand déni

On me l'avait conseillé en me le présentant comme un essai sociologique sur l'immigration qui n'était ni pour, ni contre et qui savait défendre toutes les idées.

J'émets quelques réserves sur cette affirmation (cela dit, je pense que c'est difficile de parler d'un sujet aussi débattu en France sans pencher plus d'un côté ou de l'autre, que ça très droite ou très gauche - il aura eu le mérite d'essayer).



Cela étant, Héran prend à bras le corps le sujet en utilisant, chiffres à l'appui, quelques contre-arguments qui feraient pâlir des gens prêts à écouter et qui sont plutôt tendance droite. Le style est facilement abordable et on peut sans soucis le lire sans grandes attentes, ni grandes connaissances (certaines choses peuvent échapper au néophyte, que je suis, mais dans mon cas c'est surtout dû à mon manque de connaissances de pleins de sujets d'actualité parce que, que voulez-vous, je n'ai que 24h dans une journée, minus 10h pour avoir une belle peau).



Si l'on a surtout envie de renvoyer le tonton raciste dans les cordes ou animer un repas de famille un peu morne, Héran fournit un joli nombre d'informations qui permettront de clouer le bec (ou lancer un débat que vous pourrez fuir en allant vous réfugier en cuisine). Il initie bien sinon une approche (plutôt pro-immigration et pro-faisons notre part) et donne des clefs et de nombreuses sources qui permettront d'approfondir le sujet aux intéressés.
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Immigration : Le grand déni

Fort utile pour comprendre comment les idées de fin 2022 ont été complètement pervertie dans la loi finale de fin 2023...des analyses parfois justes mais complètement retournées par les Républicains...au total une déroute qui ne règle rien...espérons la sanction du CC

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Le temps des immigrés : Essai sur le destin d..

Au-delà du seul problème de l'immigration, ce petit livre a le grand mérite d'introduire le lecteur non initié à la rigueur du raisonnement démographique, utile vaccin contre bien des démagogies et illusions de tout poil. Bref, un petit ouvrage pédagogique que n'aurait certainement pas renié Alfred Sauvy.
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Immigration : Le grand déni

Le grand spécialiste des migrations François Héran rappelle quelques faits salutaires sur le sujet pour sortir de la surenchère politique.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Migrations et sociétés

François Héran dirige l'Institut Convergences Migrations et est professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire "Migrations et sociétés". Ce livre d'environ 70 pages est la retranscription de sa leçon inaugurale. Il va y traiter le sujet en évoquant quatre tensions dont celui-ci est l'objet :

1) La migration, une présence forte quoique minoritaire

2) La migration, un mécanisme spontané...qui ne va pas de soi

3) L'asymétrie entre droit d'émigrer et droit d'immigrer

4) Migration utile ou migration de plein droit ?

Il réussit à rester neutre, à pointer du doigt les choses essentielles et à nous faire prendre conscience que nous sommes tous impliqués. Il montre également qu'il faut aller plus loin que la seule étude démographique. C'est très intéressant.



"Faut-il s'étonner qu'un exilé préfère le pays qui affiche sa volonté de l'accueillir ?"



A retrouver sur France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/migrations-et-societes-lecon-inaugurale-de-francois-heran
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Avec l'immigration

Au terme de ce livre, François Héran a ainsi largement déblayé le terrain en écartant les polémiques et les discours hors sol. Resterait à définir le contenu, ou tout au moins les options, de ce qui pourrait constituer une politique migratoire pour le XXIe siècle. Mais peut-être s’y emploiera-t-il dans un prochain ouvrage ?
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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