Il est difficile encore aujourd'hui d'évoquer le patronyme de cet écrivain qui subit le châtiment suprême, un certain 6 février 1945. Un tabou qui s'enracine malgré le temps qui passe...
C'est pourtant au moment où l'on ne s'y attend plus, que se présente un volontaire pour foncer sur un terrain miné. Le hussard que voilà, ose s'attaquer à la damnatio memoriae pesant encore sur l'auteur des Sept couleurs. Il faut dire que son précédent ouvrage, consacré à la terreur révolutionnaire, l'avait plutôt bien préparé à la tache.
Pour prendre à bras le corps ce sujet sensible, il était indispensable de le faire sans haine ni apologie. Rien de tel qu'un roman pour tenir ses promesses en matière de nuances, comme l'indique ce titre évocateur. François Jonquères est très clair dans son propos. Que l'on ne compte pas sur lui pour absoudre Robert Brasillach des ses choix politiques ou en faire tardivement un martyr. Il est en revanche déterminé à ce que l'on porte un regard neuf et apaisé sur l'œuvre littéraire de cet enfant du pays catalan.
On pourrait craindre qu'il ne s'engage dans une vaine Croisade ou un long chemin de croix au service d'un illustre pair. Mais c'est là qu'entre en scène le renfort de son écriture. François Jonquères maîtrise un certain art du rythme passant du style contemplatif à celui de fougueux tandis que son métronome narratif oscille eurythmiquement entre le rire et le tragique.
Et que dire du choix idéal d'Esther comme héroïne centrale ? En dépit de sa douloureuse expérience de persécutée, cette jeune fille voue un véritable culte littéraire à Robert Brasillach. Elle est sauvée malgré elle par Valérius, un baroudeur au destin cornélien qui s'invite dans les bals des maudits. Qui d'autre, si ce n'est cette victime résiliente, aurait le droit de porter sur ce briscard aux mains sales mais au cœur pur, un jugement nuancé ? François Jonquères se distingue par un remarquable roman sur le thème du pardon, de la seconde chance et de l'amour; le tout sur un arrière plan de guerres et de paix, de littérature et de liberté.