Citations de François Léotard (19)
Il avait inversé sa vie : il avait commencé comme un grand et vers la fin, il avait écrit avec son doigt sur le sable :j'ai mis tant de temps à devenir enfant.
Dans le monde sauvage des animaux politiques il ne faut pas être sur le passage d'un prédateur. Je le sais, j'ai traversé imprudemment la savane. Chirac était un carnassier débonnaire. Avec lui on était mort mais c'était sans rancune. Chacune de ses victimes, antilope déchiquetée et consentante, devenait digne d'une amitié nouvelle définitivement inoffensive.
Arrivé à l'âge où la jeunesse nous quitte, j'ai compris que l'Histoire, elle aussi, cédait la place. Elle reculait, abandonnant ses territoires de culture et d'enseignement. Elle n'était plus de force à lutter contre ce nouveau Dieu qu'on appelait le Marché, une divinité pourtant connue depuis longtemps.
Avec un plaisir digne d'un spécialiste du Gault-Millau, le nouveau Président, qui connaissait bien les papilles des médias, sélectionnait les produits, choisissait les ingrédients et surveillait la cuisson.
Au fond, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'élection d'un Président au suffrage universel ? Je parle de la nôtre, la française, la plus stupide dans sa brutalité même.
On sait maintenant que cela rend les candidats fous et les électeurs légèrement ivres...
Mais nous sommes un peuple dont les admirations sont fugitives. Souviens-toi simplement que Churchill et De Gaulle qui, l'un et l'autre, avait sauvé l'Europe du désastre furent, l'un et l'autre, battus par des élections. Ils ne le furent nullement par la bête immonde contre laquelle, avec panache, ils se battirent. Gagner la guerre et perdre les élections, c'est quelque chose qui choque la raison.
Je crois que tu as toujours eu peur des femmes. Tu veux les séduire mais tu ne sais pas les commander. Juste un conseil : il ne faut jamais essayer.
C'est vrai, il y a parfois de la mesquinerie chez les Rois. Toute notre Histoire le montre. Et Versailles, le Louvre, le Palais-Royal, l’Élysée, ce sont des bâtiments où la mesquinerie s'est largement déployée. J'ai bien connu Giscard et Mitterrand. C'est tout dire ...
Le politiquement correct est déjà pénible. Mais j'aime encore moins le temporellement correct, cette vaste fumisterie qui nous fait croire que le futur a de l'avenir. Il me semble que, nous les Français, nous devrions prendre hardiment le parti du passé. Ça aurait de l'allure parce qu'il n'a plus beaucoup d'avocats, notre passé. Mais il a des hérauts de grande qualité.
J'imagine un homme.
Il sort d'un camp où ses frères humains ont été torturés, pendus, brûlés, achevés un à un dans le mépris ou, pire encore, dans l'indifférence.
J'imagine cet homme, un rescapé comme ils furent quelques uns, livré à son propre silence parce qu'il n'y a plus de parole en lui, suffoqué par la haine qu'il a rencontrée, l'absence de tout espoir.
J'imagine cet homme au bord, chaque matin, de sa mémoire. Il est juif, cambodgien, gitan, arménien, rwandais, homosexuel, noir, opposant politique ou religieux. Il est l'Autre. Il n'est pas l'Ennemi, il est le sous-homme. Il sort du XXe siècle.
J'imagine cet homme voulant clore sa vie, de lui même, de son propre chef, de sa propre décision. En finir.
Il est sans doute le plus averti de tous les humains.
(...) Je ne voudrais pas qu'il pense que ça ne reviendra pas. Parce que ça revient toujours. Et le courage aussi d'y résister.
Chez les humains, la méchanceté c'est un travers de droit commun ... et je ne voulais pas être comme tout le monde.
Le budget de l’État est à la disposition des caprices du moment. Il n'est pas le bien commun des Français, il est la cassette du président. Ce n'est plus l'Allemagne paiera. C'est la dette qui paiera.
Ma grande erreur fut de nature politique. Je commençais à penser que je n'avais pas toujours raison. Et pire encore : je comprenais les arguments de mes adversaires.
Nous les méduses, on n'existe pas vraiment. Que l'on vive, que l'on meure, que l'on disparaisse, cela ne laisse aucune trace. C'est la règle du jeu.
Payés en liquide, nous sommes des fugitifs, insensibles, visqueux sans visages. Nous gérons la vie des profondeurs. Assez semblables en cela aux agents de nettoiement qui font disparaître dans la nuit ce qui doit être éliminé.
Nous sommes au début de la vie comme l'ont été les premières molécules. Ou bien tout à la fin, lorsque la vie elle-même se rétracte dans les yeux d'un homme qui va mourir, lorsqu'elle se limite aux déchets, aux aspirations détruites. Pas d'identité non plus.
Ce qui se passe aujourd'hui, c'est la politique à l'estomac, la même similitude entre le milieu politique et le milieu littéraire, la même arnaque qui permet de vendre de faux livres ou de fausses promesses à des gens que le spectacle a soigneusement décervelés.
La stratégie du Président était simple. Il fallait pierre par pierre démolir les trois maisons qui s'étaient construites sans autorisation : le Parti socialiste, le Front national, la petite baraque en contreplaqué que Bayrou avait sauvé du désastre. Aucun n'avait de permis de construire. La démolition ne fut pas très difficile tant était grande la bonne volonté des ruines à venir.
Ma vraie joie d'aujourd'hui, ce sont les livres que j'ai acheté. Je trouve en eux le réconfort que ne me donne plus aucune parole, aucune image.
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Merveilleuse diversité de l'intelligence humaine, bienfaisante confrontation des mots, des idées, des histoires, des émotions. Je passe d'un livre à l'autre comme on traverse un archipel, avec des parapets, des ports qui ne s'animent qu'à la nuit, de petites anses d'où l'on devine la vie, là-bas, cachée le long de la côte, par où passent les hommes et leurs paroles.
Avec cette vieille idée selon laquelle on gagne les élections quand on maîtrise les médias. Une idée archaïque, fausse et dangereuse. De Gaulle a été battu alors qu'il "tenait" la télévision.
A mes yeux, la lecture est un dialogue avec l'intelligence, et l'écriture une conquête de la liberté.