La condition pour approcher ce processus de connaissance réside dans la capacité à supporter la douleur qu’il risque d’engendrer.
Bion […] considère […] que la théorie psychanalytique s’appuie sur une vision idéaliste et réductrice de la réalité quand elle choisit tant la linéarité que la progressivité pour rendre compte du développement du psychisme.
Chez Bion, « psychotique » et « non psychotique » ne sont pas dissociés de façon aussi tranchée [que chez Freud]. Il y a, au cœur de chaque individu, des parties psychotiques et des parties non psychotiques qui se côtoient et s’influencent réciproquement, selon les circonstances et les situations, et ce sont surtout les liens entre ces différentes parties qui conditionnent compréhension et réaction plus ou moins « folles ». C’est pour ce genre de raison, entre autres, que Bion écrit qu’il faudrait, plus souvent qu’on ne le fait, être attentif aux différences qui existent entre un « névrosé insensé » et un « psychotique sensé ».
xCy signifie que x est engagé dans un processus de connaissance vis-à-vis de y, connaissance qui modifie, évidemment, la connaissance que x a de y, mais qui modifie aussi y, et x également, puisque x se trouve modifié par la connaissance de y. C’est bien à ce processus d’amplification que fait allusion le sous-titre de Transformations, « Passage de l’apprentissage à la croissance », le but d’une analyse devenant clairement pour Bion qu’elle produise des changements chez le patient et chez l’analyste.
[Bion fut amené à penser] qu’au niveau institutionnel la formation psychanalytique produit un effet d’intimidation, d’obéissance et de soumission qui diminue le sentiment de pouvoir exercer la psychanalyse de façon libre et créatrice.
Bion lui-même a constaté qu’il en était devenu l’otage. Il parle des interprétations soporifiques qu’il était amené à formuler « comme il se doit », écrit le traducteur français, alors qu’il faut traduire « duly and dully » […] par l’expression « comme de juste et lourdement » [Bion, Réflexion faite, p.9].
Le « temps analytique » ne peut se saisir que dans l’expérience et à partir de l’expérience, dans l’hic et nunc du déroulement de la séance, dans la pratique de l’analyse. Le « temps analytique » ne se conçoit qu’à partir du présent -présent de la séance- qui vise à construire un futur composé de telle sorte qu’il ne soit pas calqué sur le passé.
Dans le meilleur des cas, les éléments-bêta sont « transformés » en éléments-alpha qui, eux-mêmes, sont « transformés » en rêves, pensées du rêve et mythes, « transformés » à leur tour en préconception, puis conception ou pensée, concept, système scientifique déductif, calcul algébrique…
Si […] l’on ajoute que la « compréhension » de tous ces mécanismes requiert de faire appel à un fonctionnement intellectuel incluant pensée logique, théories causalistes et réflexions d’ordre philosophique, on comprend que Bion appelle à « supprimer le désir, le souvenir et la compréhension » car ils visent à « faire obstacle au bouleversement psychologique inséparable de la croissance mentale » [p73]. Pour Bion, l’analyste doit être sans limites, « devenir infini » [p90], être « l’homme ultime irréductible » [p108] [même si « cela ne se peut »], car il « cherche quelque chose qui diffère de ce qui est normalement connu comme la réalité » [p87]. Il soutient aussi que, « plus l’analyste est près de parvenir à supprimer le désir, le souvenir et la compréhension, et plus il est susceptible de se laisser glisser dans un sommeil proche de la stupeur » [p92], disposition dans laquelle « l’accentuation du contact avec O » produit « un accroissement de la perception ».
Nous supportons tous une certaine dose de ce que Bion, s’inspirant de John Keats appelle une « capacité négative » (a negative capability), expression qui désigne la capacité de demeurer dans une situation de doute ou d’attente, sans se précipiter pour répondre de façon prématurée.
Toute promesse temporelle est empreinte de sexualité et toute promesse sexuelle est gorgée de temporalité.