Si je devenais le premier fonctionnaire de la famille, toutes branches comprises, je pouvais surtout afficher qu'en moi s'étaient agglomérés, agglutinés assez de savoirs pour être un français « agrégé », ayant la densité d'une molécule. Cette agrégation à la française signait le parachèvement d'un désir de France, commencé avec la naturalisation de mon grand-père, juif russe, et confirmé cinquante ans plus tard par celui dont le nom figurait désormais au tableau de ceux qui « apprendraient le français » aux jeunes Français. L'étude du latin m'avait même permis de repérer dans le mot d'agrégé la racine étymologique de grégaire, grex, le troupeau. Ainsi avais-je rejoint la troupe des Français, non pour y tenir un fusil comme Chaïm, mais comme passeur de sa langue et de sa culture.