« Pire crise éducative jamais enregistrée », c'est ainsi que l'UNESCO a alerté sur le recul et les perturbations liées à la pandémie sur le domaine éducatif pendant la journée mondiale dédiée à l'éducation, le 24 janvier.
Depuis 2020 et partout dans le monde, des écoles ont fermé, entraînant des pertes d'apprentissage et de compétences qui se paient. L'UNESCO estime par exemple que cette génération d'élèves risque de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus tout au long de la vie. Comment l'éducation a-t-elle été touchée par la pandémie et comment pouvons-nous rattraper les retards d'apprentissage ?
La sous-directrice générale de l'UNESCO pour l'éducation, Stefania Giannini et François Taddei, biologiste, chercheur à l'Inserm et directeur de Learning Planet Institut, étaient les invités des Matins de France Culture le 24 janvier 2022.
#éducation #covid19 #pandémie
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Le vrai secret de Singapour est d'avoir placé la recherche au cœur de l'enseignement, depuis le début des années 1980.
Avant d'apprendre, désapprendre, p 173
Depuis la fin du XIXe siècle, la durée de scolarité moyenne des Français augmente à peu près de une année tous les 10 ans. Quand mon grand père passe le bac il y a un siècle, 1% des Français ont le bac. Aujourd'hui, on atteint 80% et environ 1% d'une génération passe un doctorat. Le niveau de formation moyen a donc augmenté de manière substantielle. Mais dans l'intervalle, le nombre de places dans les grandes écoles les plus prestigieuses-polytechnique ou l'école normale supérieure en particulier- n'a pas changé dans les mêmes proportion. Si bien que la probabilité pour un bachelier d'intégrer ces écoles à l'époque de mon grand père était nettement plus élevée qu'aujourd'hui. Ce malthusianisme, qui constitue une exception française, engendre une tension terrifiante sur le système éducatif, plus anxieux de trier que de s'assurer de l'efficience des apprentissages et de leur égale distribution dans toutes les catégories sociales et toutes les zones géographiques.
(...) nous avons naturellement tendance au don et au partage . Mais à une condition, qui est tout sauf neutre : il faut que ce don ou ce partage s'effectue dans un contexte équitable ou crée une situation plus équitable. On retrouve ici le besoin d'équité, valeur fondamentale manifestée par Jonathan Haidt à travers les cultures.
Une des applications les plus simples et répandues de ce mécanisme concerne notre disposition à payer des impôts. Si le système est perçu comme juste , nous payons . Mais si nous avons l'impression que ces impôts sont utilisés au profit exclusif d'un petit groupe, ou si les autres trichent pour se soustraire à l'obligation, nous refusons ou tenterons à notre tour de tricher.
La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. Songez aux fleuves de sang déversés par tous ces généraux et ces empereurs afin que nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maitres temporaires d'une fraction d'un point.
Il existe bien d'autres projets inspirants portés par de nombreux enseignants motivés. Ils restent malheureusement au mieux minoritaires , au pis marginaux , faute d'une formation adéquate des enseignants , que l'on recrute avant tout sur leurs savoirs disciplinaires , pas sur leurs compétences pédagogiques ni leur appétence pour la démarche scientifique . Rien ne sert de gloser sur l'école « émancipatrice » , qui s'initie à « l'esprit critique » et se prépare au « vivre - ensemble » , si rien - ou si peu - n'est fait pour que les programmes et les méthodes y préparent les enfants et les adolescents.
Le jeune historien néerlandais Rutger Bregman va plus loin. Il tente de démontrer, dans "Humanité: Une histoire optimiste", que « la plupart des gens sont bons ». Selon lui , « les humains ne cherchent pas à s'entre-déchirer au premier drame , au contraire , en général ils s'entraident , ils se montrent altruistes , ils fraternisent » - ce qui s'est vérifié en bien des occasions au printemps 2020 , lors de la phase la plus dure du confinement . Mais ces attitudes « sont en fait si prégnantes , si enracinées en nous , si intimement liées à la nature humaine que nous n'y prêtons plus attention » . Choisissant Rousseau contre Hobbes, il multiplie les exemples de comportements altruistes dans des circonstances inattendues. Pourquoi , alors , tant de haine ? Car , selon lui , « on fabrique ce que l'on suppose chez l'autre - notre vision de la nature humaine pose est bien souvent une prophétie autoréalisatrice . Si nous construisons nos institutions autour de l'idée que les gens sont égoïstes, nous ne devrions pas nous étonner si les gens se comportent ainsi ». Construisons des cadres de confiance, et la bienveillance naturelle des humains l'emportera. Son espoir : « Nous arrivons à la fin d'une période qu'on peut appeler " l'âge néolibéral " et à la fin de la croyance selon laquelle il faudrait baser nos institutions sur l'idée que les hommes sont égoïstes ».
(...)Pour ce faire, faut-il, comme le suggère le spécialiste des droits de l'enfant colombien Nicolás Brando, leur donner le droit de vote dès 16 ans voire avant ? Notez que, puisqu'il n'existe pas de critères biologiques permettant de définir l'âge du vote, on peut se demander quel serait l'âge minimum. Pourquoi, pour prendre en compte l'intérêt des nouvelles générations sur des sujets comme les impacts du changement climatique qui les concernent plus que ceux à l'espérance de vie plus réduite, ne pas aller jusqu'au bout de la démarche et donner à leurs parents un droit de vote dès leur naissance, quitte à offrir à l'enfant dès qu'il le souhaite de voter sur les sujets dont il comprend l'importance. Brando relève que les arguments avancés pour s'opposer à un droit de vote des jeunes ont déjà servi. Ils sont au nombre de quatre : l'incapacité à formuler un choix éclairé faute de facultés cognitives ; l'absence d'expériences sociales ou économiques suffisantes pour étayer un choix ; une trop grande malléabilité des jeunes esprits face aux manipulations ; le risque de déséquilibrer le jeu démocratique. Ces quatre arguments , avance-t-il , pourraient s'opposer à de larges pans de la population adulte en âge et en droit de voter .
C'est ce qu'on appelle l'effet nocebo (du latin " je nuirai ") . Vous connaissez l'effet placebo ? Eh bien, c'est le même, avec des effets négatifs. Il est mis en lumière de la même façon: on administre la même substance à deux groupes d'individus. Mais à la différence des expériences tendant à évaluer l'effet placebo , dans lequel tous les sujets croient qu'ils ont ingéré une substance qui va leur être bénéfique , on informe une partie du groupe d'effets secondaires potentiellement nocifs (risques de migraines, vertiges , etc . ) . Certaines personnes les ressentent alors, physiquement. Cet effet peut être puissant. La presse avait médiatisé en 2009 la plainte d'habitants de Saint Cloud contre Orange , dont les antennes de téléphonie étaient suspectées de produire des troubles du sommeil et de provoquer des saignements de nez , alors que ces antennes n'étaient pas encore activées ( elles n 'étaient même pas raccordées au réseau électrique ) .
Or, nous sommes nombreux à croire que si l'apprentissage ne se déroule pas dans un contexte ennuyeux, voire s'il n'occasionne pas un minimum de souffrance , c'est qu'il y a un loup. Cette opinion est aussi répandue que fausse. La recherche scientifique montre qu'on apprend jamais mieux que lorsque motivation et plaisir se nourrissent mutuellement.
(Condorcet) préconise pour cela (sans succès à ce jour) que l'émulation entre élèves ne se transforme pas en compétition , sous le poids de notes , classements ou concours incessants ("L'habitude de vouloir être le premier partout est un ridicule ou un malheur pour celui à qui on la fait contracter, et une véritable calamité pour ceux que le sort condamne à vivre auprès de lui"). Tout se passe comme si ce visionnaire de Condorcet avait déjà compris les dangers que Michael Sandel a dénoncé dans son livre La Tyrannie du mérite. Face aux écueils d'une méritocratie qui engendrent excès d'orgueil et humiliation, Michael Sandel rappelle qu'il est plus que jamais nécessaire de revoir notre position vis-à-vis du succès et de l'échec, en prenant davantage en compte la part de hasard qui intervient dans toutes les affaires humaines et en prônant une éthique de l'humilité plus favorable au bien commun.