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Critiques de François Vallejo (237)
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Efface toute trace

Chez Vallejo ce qui me subjugue sont ses sujets originaux ( mais vraiment originaux, difficile de dire ça me rappelle ce livre-ci, ou ce livre-là) et son style d'écriture sec où il détaille tout au scalpel, à l'aide de mots et expressions d'une froideur et d'une minutie chirurgicale, «  enveloppe charnelle , mode opératoire ....». Son dernier opus ne déroge pas à la règle.



“Le cas le Go, à la suite des cas Hui et Glenn, a déclenché les interrogations, puis l'inquiétude, enfin la panique d'un nombre croissant d'entre vous, à tel point que vous vous êtes associés pour réclamer l'analyse comparative d'un expert tel que moi”.....Le moi est notre narrateur, personnage Vallejoien typique, froid, distant, cynique, expert en Art Contemporain. le Go, Hui et Glenn , trois hommes d'affaires riches et puissants , tour à tour, français, chinois de Hongkong, et américain, retrouvés brûlé, noyé, dissolu à l'acide, leur seul point commun étant leur appartenance au monde des collectionneurs d'Art Contemporain, et plus précisément à l'Art Urbain dont les artistes se cachent sous des pseudos.....L'affaire se corse avec une quatrième victime liée au marché de l'art, un Helvétique « exécuté » dans le même mode opératoire brutale......



Non, non ce n'est pas un thriller, c'est un Vallejo, ovni littéraire français 😀 , une réflexion assez original et partiellement ironique sur l'Art Contemporain, devenu un business international, où l'on collectionne non pour le plaisir mais pour l'appât du gain, une arène souvent infestée d'objets d'art non identifiés, sujette à de gros enjeux financiers. L'astuce de Vallejo est justement de nous faire réfléchir sur la place et le rôle de cet Art qui part un peu dans tous les sens dans notre monde actuel à travers le prisme de l'énigme de quatre meurtres et plus. Réflexion suscitée par le biais de questions soulevées par des faits concrets, bien qu' ici fictifs pas si loin que ça de la réalité. Une galerie a-t-elle le droit de privilégier le potentiel économique si l'artistique fait défaut ? Donnant l'exemple d'un artiste qui vend une oeuvre authentique volée à un musée d'un grand maître avec 11 de ses copies dont certaines affectées cependant d'une transformation plus ou moins importante, un découpage, un détournement , un ajout ,accompagnées d'un grattoir et un solvant , à charge pour l'acquéreur d'en enduire le tableau et de le saborder le plus rapidement possible après l'achat...l'acquéreur ou le collectionneur prend ainsi le risque de faire disparaître à jamais une oeuvre authentique du patrimoine mondiale. Un jeu vrai et périlleux pour l'histoire de l'art, un coup médiatique et financier pour la galerie, et un enthousiasme étrange de la part des collectionneurs ......Là j'ai cité que l'idée de départ, c'est la suite, agrémentée de détails croustillants qui devient vraiment intéressante.....

Pour ne pas faire plus long je vous laisse découvrir ce dernier Vallejo que j'ai autant apprécié que les précédents et même un peu plus. de nombreuses références aux grands et petits noms de l'Art Contemporain, dont vous pouvez retrouver les oeuvres sur internet, ajouteront encore plus de piment si vous vous y référez durant votre lecture, à moins que vous les connaissez déjà. Celles ou ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'Art Contemporain se délecteront aussi des associations allusives, visuelles autant que citationnelles difficile à prendre au sérieux auxquelles a recours L'Expert (Vallejo ne manque pas de se moquer aussi du « métier ») pour interpréter « les oeuvres d'Art contemporaines » du récit.



Un livre doté d'une structure  sophistiquée et hurluberlue à l'image de l'Art Contemporain et de son chef-d'oeuvre protagoniste « Efface toute trace », dont la lecture altérera à jamais votre vision dans ce domaine là !

Vallejo est unique dans son genre dans la littérature française contemporaine ( mon avis), et si vous ne le connaissez pas encore vous pouvez y aller sans hésiter avec ce dernier livre diabolique et génial de la rentrée littéraire 2020.



“La subtilité des artistes contemporains nous apparaît souvent sans limites, mais parfois aussi trop sybilline.”
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Efface toute trace

Je crois que je perds la mémoire, et mes clés.

- Chérie, tu sais où sont mes clés ?

- Là où tu les as laissées…

Quelques mots à l’encre pas vraiment sympathique pour ne pas effacer toute trace de cette lecture Alzheimerisée.

J’avais pourtant aimé les derniers romans de François Vallejo, son écriture élégante, sa "polyvaillance" romanesque, mais cette enquête autour de la mort mystérieuse de collectionneurs d’art, m’a autant inspiré que l’œuvre d’un taggeur de sanisettes.

« Le consortium de l’angoisse », amicale fortunée de spéculateurs qui font et défont la cote d’artistes contemporains, sorte de Girafes Club de l'art contemporain, mandate un expert pour enquêter sur plusieurs décès suspects parmi leurs ouailles guindées.

Point commun entre un chinois ventru faisant la planche dans la baie de Hong Kong après une overdose de sucre, un volatile interlope new yorkais mijoté à l’acide, un investisseur suisse trépassé dans un téléphérique – comment va-t-il s’acquitter des 135 euros ? – et quelques autres : ils ont tous acheté l’œuvre d’un artiste underground, répondant au nom de jv. Où va-t-il ? On s’en moque et s’est bien cela le problème.

François Vallejo a fait le choix de narrer cette histoire sous la forme de rapports de l’expert snobinard vers ses commanditaires invisibles. C’est certes mieux écrit que le diagnostic d’un comité Théodule sur la migration des canards de baignoire mais ce style qui empêche de changer de trottoir pour rejoindre l’histoire, impose une distanciation sociale avec le lecteur qui m’a privé de toute palpitance, n’en déplaise à ma vieille grammaire.

Maigre pitance jusqu’à l’irruption dans le récit du mystérieux artiste qui performe pour créer son propre mythe et le détruire. A mon avis, Banksy a pas mal inspiré François Vallejo. Le roman prend vie avec lui. Il utilise des copies de chef d’œuvre et les détourne. C’est comme peindre à dada une moustache à Mona Lisa à la Duchamp.

Au-delà de l’enquête, le roman interroge la finitude de l’artiste et de son œuvre. Dépassée l’époque où la postérité s’acquérait dans le temps long. L’art se dématérialise. La signature se pirate. La réalisation des œuvres se sous-traite, comme pour un vulgaire objet de consommation.

François Vallejo met en évidence avec subtilité l’évolution du rapport entre l’artiste et son œuvre. Désormais, certains veulent survivre à leurs œuvres, être l’oeuvre, selfie masqué, et performent pour buzzer, en quête d’absolu et de reconnaissance immédiate. On a le pinceau capitaliste, la renommée éphémère.

La charge est féroce, pas tant envers les créateurs, l’auteur rend hommage à certains comme Keith Haring, mais plutôt à l’encontre de cette intelligence de plus en plus artificielle qui régit ou veut régir l’art comme le reste du monde.

J’ai été beaucoup plus intéressé par deux thématiques majeures et moins abstraites du roman : la manipulation et l’authenticité. Qui de l’artiste ou de l’expert instrumentalise l’autre ? Quelle influence le collectionneur peut avoir sur le succès d’une œuvre ? Suffit-il de poser une tête de clown sur la victoire de Samothrace pour créer une œuvre ? Ai-je réellement perdu mes clés ?

je reconnais à l'auteur une vraie inventivité et une narration subtile. Trop. Une démonstration trop alambiquée qui manque d’eau de vie à part dans sa dernière partie.

Bizarrement, mes clés étaient effectivement rangées à l’endroit précis où mes mains les avaient posées. Il faudra m'en souvenir.

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La Delector

Lorsqu’on évoque l’œuvre de Matisse, on pense tout de suite à ses nus d’un bleu cobalt qu’on nommera le bleu Matisse. L’œuvre du peintre Henri Matisse, né à la fin du XIX e siècle, est colossale, mais ce que l’on connait moins, ce sont ses sources d’inspiration. Outre son épouse Amélie, nombre de modèles ont été ses muses pour un temps plus ou moins long, comme Hélène Galitzine, princesse russe exilée. Il y aura aussi Monique Bourgeois qui deviendra sœur Jacques-Marie chez les dominicaines et entrainera le vieux peintre à décorer la chapelle du Rosaire à Vence. L’un de ses modèles a été plus que cela pour le vieux peintre, c’est Lydia Delectorskaya. Russe de Sibérie, orpheline et pauvre, elle entre au service du couple Matisse pour un emploi sans qualifications : garde malade et dame de compagnie auprès de madame, intendante toute puissante du foyer.

Enigmatique, efficace et discrète, la jeune fille se fait sa place auprès du couple, entre l’épouse régente et le vieux peintre exigeant. Il faut veiller madame et poser comme modèle pour monsieur, des journées bien remplies mais jamais une plainte. Cela va durer des années jusqu’à ce que l’épouse prenne ombrage de cette fille trop belle dont la sensualité éclate dans les tableaux de son mari. Et puis, le contrat stipulait qu’elle était à son service, et la voilà qui consacre presque tout son temps à Matisse qui ne peut plus se passer d’elle en tant que modèle mais aussi d’assistante. La rupture est totale, on ne veut plus d’elle. Mais le maitre a trop besoin de cette fille qui l’apaise et l’inspire tout à la fois avec son calme et sa sensualité. Et, l’épouse partie, la voilà qui remonte en scène.

Lydia Delectorskaya va se consacrer entièrement au maitre dont elle connait les exigences. Elle le suivra durant la débâcle de la seconde guerre mondiale, tandis que lui refusait de fuir à l’étranger pour ne pas se séparer d’elle, l’étrangère.

A la mort du maitre en 1954, elle a quarante-quatre ans et elle est seule au monde. Elle gagnera sa vie en tant que traductrice de russe et restera fidèle à Matisse jusqu’à sa mort. Autrice de deux livres sur le peintre, elle restera muette quant à la vraie nature de sa relation avec le maitre.

On ne s’étonnera pas que François Vallejo ait été captivé par cette égérie qui garde sa part de mystère et ses secrets. A-t-elle été sa maitresse, ou bien cet amour réel entre eux n’a-t-il été que fantasmé ? On n’en saura rien, et elle sera bafouée, rejetée et traitée en ennemie et en intrigante malgré son altruisme et sa discrétion.

C’est là qu’entre en scène la fiction et l’auteur nous dit : « Seule une narration libre peut avoir la prétention de serrer d’un peu plus près le type de relation inédit qui s’est inventé, puis instauré entre un vieil artiste et une jeune partenaire. »

Tout au long de cette biographie romancée, l’auteur titille notre curiosité, il sait nous captiver tout en nous faisant découvrir la genèse des œuvres de Matisse. C’est un véritable plaisir que de pénétrer l’intimité de dizaines de tableaux et dessins que Lydia Delectoskaya a inspirés au maitre.

François Vallejo n’affirme rien, il laisse ouverte la porte de tous les possibles. Cette biographie enrichie de l’imagination de l’auteur est écrite dans un style alerte et sans fioritures. Un vrai régal de lecture !



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Hôtel Waldheim

16 millions de pages de rapports ont été déchirées et stockées par la Stasi dans 16 mille sacs que la RFA n'a pas eu le temps d'incinérer. Grâce à un logiciel, l'Allemagne réunifiée a restauré les documents et a recomposé des vies à partir de ces confettis. Dans le roman, les fractions de pages ont été assemblées et numérisées, elles relatent une histoire qui vient bousculer aujourd'hui les souvenirs de Jeff Valdera, le narrateur. Frida lui reproche d'avoir aidé la Stasi à arrêter son père alors qu'adolescent il passait ses vacances à l'hôtel Waldheim. Il va devoir revisiter ses souvenirs éclairés par les rapports fournis par la jeune femme.



La couverture -et c'est rare que l'on parle de la couverture- est illustrée judicieusement par un tableau mis en abyme. Mais dans ce roman, la deuxième image est modifiée; elle revisite la première à partir d'une nouvelle perspective. Le roman est en effet construit à partir de traces mémorielles, celles des souvenirs d'un adolescent qui avait 16 ans en août 1976 et qui se trouve confronté, plusieurs décennies plus tard, à celles des écrits de la Stasi durant la guerre froide. Effacés par le temps ou déchirés avant la chute du mur de Berlin de 1989, ces souvenirs étaient en miettes. Emboités, ils construiront un puzzle qui redessinera une histoire bien différente de celle, initiale, du seul souvenir humain.



Intrigant n'est ce pas ? Ce roman l'est tout du long.



Le roman est original dans sa construction comme un jeu de go ou un jeu d'échecs dont les pions sont les vacanciers de l'hôtel.

François Vallejo mène une progression magistralement développée par petits bouts au travers d'un palpitant duel de mémoire. Son dernier roman distille dans un contexte historique une atmosphère mystérieuse qui nous accroche.



Hôtel waldheim est inscrit sur la première liste du Goncourt.



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Un dangereux plaisir

Prenez un jeune garçon, Elie Elian, faites-le réduire devant une assiette fade, cuite sans amour. Laissez-le mastiquer, longuement. Il en fait une boulette, la crache. La cache sous la nappe. Pas d'appétit. Tout maigre.



Mettez –lui sous le nez une croûte de pâte feuilletée aux fraises, bien croustillante. Il l'avale, tout rond. Il quitte la famille sans saveur, la cuisine sans plaisir. Il va dans la rue. Il change de nom. Le voilà Audierne.



Laissez monter sa faim, émulsionnez son désir avec les reliefs jetés sur les quais: qu'il les dispute aux mouettes, aux chats, aux chiens. Qu'il fasse mijoter quelques légumes et quelques herbes pour ce petit peuple d'affamés : le voilà cuistot des laissés- pour-compte de tout poil et de toute plume. Rajoutez quelques clodos : voici ses premiers clients !



La table est mise pour le destin d'un grand chef !



Faites dorer les premiers morceaux de ce joli conte gustatif, laissez-vous chatouiller les narines par les parfums des premiers succès : voici qu'une femme, une restauratrice un peu mémère, frétille d'aise, toute émoustillée par les performances gastronomiques de notre Elie-Audierne et par son fameux son tour de main …



D'un fouet habile, donnez corps aux fumets, relevez les filets, épicez les chairs, laissez macérer dans leur jus, faites saliver : Audierne-Elie sait comment retourner habilement les femmes les plus rétives, il accommode leurs désirs à sa sauce.



Cuisiner et faire l'amour sont deux façons de se sentir vivant…et vivante !



Mais qu'est-ce donc, là, dans la bisque onctueuse, quelques arêtes ? Sont-ce des pierres qui croquent vilainement sous la dent, dans le délice caviardé des lentilles ? Est-ce déjà la fin du menu ? Serons-nous privés de dessert ? Faudra-t-il retourner sur les marchés, glaner quelques tristes trognons de chou ?



Une bonne fée un peu cuisinière prend quelques initiatives anonymes et gouleyantes…C'est reparti pour la grande bouffe !



Prenez un restaurant renommé mais un peu tradi', un peu réac', renouvelez sa carte, étonnez sa clientèle : faites sauter joyeusement dans une poêle bien agitée les anciens patrons, faites réduire, gardez la quintessence de ce jus-là, nappez-en votre notoriété nouvelle, montez, montez, devenez star..



Mais voici que le vin se brouille, que la crème se délite, que le roux est plein de grumeaux.. Deux trublions et une trublionne viennent à nouveau gâcher le festin…



Le gigot de neuf heures marinerait-il dans le bouillon d' onze heures ? Tout va-t-il se terminer en infecte ragougnasse ? Les étoiles du cuisinier clignotent comme de vulgaires bougies d'anniversaire…vont-elle s'éteindre au firmament de la gloire ?



Une fable savoureuse sur la virtuosité des grands cuisiniers et les délices du palais, un conte gourmand qui ne cesse de vous mettre l'eau à la bouche et vous fournit même, obligeamment, quelques savoureuses recettes au passage.



Un peu longuet parfois ( pourtant je suis gourmande et j'aime les plats longuement mijotés) : le gibier final est un peu faisandé , la note du dernier plat manque de subtilité, le service est un peu lent, le dessert n'est pas à la hauteur de l'entrée.. bref, la fin nous laisse un peu sur la nôtre…on en perd son orthographe!



François Vallejo est comme ces artistes qui reviennent saluer un peu trop souvent le public : il cabotine un peu, mais on lui pardonne : c'est troussé comme une poularde demi-deuil, relevé comme un faisan grand veneur, crémeux comme un risotto safrané, enlevé comme une poêlée de saint jacques au vin vert…



On se régale- même si on a un peu trop mangé et qu'on a les dents du fond qui baignent…

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Un dangereux plaisir

"C'est un roman de la Bouffe, de la Faim et de L'Appétit "d'après les propres paroles de l'auteur.



Élie Élian, déjà avec ce nom, Vallejo dont j'adore les histoires insolites, des contes pour adulte, nous donne le ton. La lecture d'un livre de Vallejo est particulier, avec son style d'écriture presque impersonnel, il nous met dans une ambiance intemporelle, sobre, sur un terrain neutre, où même si on ne s'identifie pas avec les protagonistes, on part à l'aventure avec eux, et on s'y perd merveilleusement.

Ici l'aventure, on l'entame sur une durée d'une trentaine d'année,avec l'obsession culinaire d'un jeune homme, une obsession sorti tout droit de parents austères, dépourvus de papilles gustatives.Enfant quasi frôlant l'anorexie, une rencontre avec une tarte au fraise changera à jamais sa perception de la nourriture. Découvrant peu à peu le plaisir de manger et de cuisiner, il va tout faire pour assouvir son obsession.

Une formidable aventure culinaire qui par le biais de la cuisine lui ouvrira les portes de la Vie. Il ira loin, mais un vrai repas familial, lui manquera toujours. Changeant de monde, il lui sera difficile de trouver le monde qui lui convient....belle leçon de vie.



Tout est culinaire dans ce livre même l'amour, la politique et la justice. Quand à savoir l'époque de cette histoire, mystère ! Les chamboulements politiques difficile d'y accoler une date.

Vallejo mêle subtilement saveurs, amours, intrigues avec des personnages qui me semblent sortis tout droit des oeuvres de Daumier, et nous offre en prime, une satire sociale des plus astucieuses.

Un clin d'oeil aussi à Chaim Soutine."Groom" m'avait évoquée l'oeuvre du même nom du peintre.De même ici, viandes, poissons et même le personnage d'Élie, pensant à son " petit pâtissier", m' y fait songer.



C'est succulent et truculent avec une fin coquine! Bienvenue au festin !





" Ca lui a toujours réussi d'attraper la vie qui passe, alors attrapons-la, mais avec délicatesse."
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Le voyage des grands hommes

Je suis restée un peu sur ma faim avec ce Voyage des Grands Hommes.

Rousseau, Diderot et Grimm, c'était pourtant prometteur mais d'anecdotes sans grand intérêt en situations répétitives, on tourne un peu en rond, il faut bien le dire.

S'ajoute à cela, le phrasé populaire du XVIIIe siècle, truffé de mots et d'expressions qui n'ont plus court et dont j'ignorais le sens. Il est vrai, cependant, que ce style était logique dans le contexte vu que le narrateur du récit n'est autre que Lambert, le valet de ces Messieurs. Mais il n'empêche que ce souci d'authenticité voulu par l'auteur m'a, par trop souvent, déroutée et je suis certainement passée à côté de quelques subtilités ou traits d'humour.

Il en ressort néanmoins que si le sel de certains passages m'a échappé, j'en ai relevé d'autres assez savoureux. D'où mon appréciation mitigée.
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Ouest

Leur Ouest est si loin du monde…



Deuxième incursion chez François Vallejo avec Ouest et grand plaisir de lecture pour ce livre sombre et enlevé, qui témoigne de l’étendue stylistique d’un auteur que je découvre sur le tard.



Oui elles semblent bien loin du monde, ces terres de l’Ouest du baron de l’Aubépine des Perrières, récemment héritées par le fils à la mort de son père. Alors que la monarchie de Juillet se meurt, le jeune aristocrate enrage d’être si éloigné de Paris et de l’effervescence de la nouvelle révolution qui s’y prépare, ayant depuis longtemps pris le parti inverse de celui de son rang.



Sur ses terres, son garde-chasse Lambert ne comprend pas le comportement de son jeune maître, qui au lieu de jouir de ses rentes et des plaisirs de la chasse dans ses bois infinis comme ses aïeuls avant lui, semble vouloir bouleverser tous les équilibres construit jusque-là. À l’image de ce qu’il se passe à Paris.



Et c’est sans compter sur les femmes que le jeune Aubépine ramène au château pour quelques nuits et les pratiques étranges dont Lambert voudrait bien protéger sa jeune fille Magdeleine…



À la fois roman noir et fresque historique des années charnières du milieu de ce XIXe siècle où la France sembla à nouveau hésiter entre deux destins, Ouest est un livre réussi qui monte progressivement en tension, au fur et à mesure que l’esprit du jeune Aubépine se dégrade.



Dans le quasi huis-clos de ces terres vastes et pourtant enfermantes, c’est une confrontation psychologique permanente entre Aubépine et Lambert, le maître et son affidé, dont les mondes et repères vont basculer, jusqu’à s’inverser.



Connu pour sa capacité à se renouveler à chaque livre y compris en matière de style, Vallejo réussit dans Ouest à décrire la folie d’un homme, en l’appuyant d’une réflexion poussée sur ce qui fait notre dépendance ou notre liberté. Une réussite dont on comprend qu’elle fut couronnée de prix à sa sortie !
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La Delector

Certains auteurs ont le pouvoir d'installer d'emblée le lecteur dans un univers familier. On peut citer Murakami qui en deux lignes enveloppe son lecteur dans un brouillard nimbé de poésie. On peut aussi penser à François Vallejo dont l'extraordinaire plume saisit en deux mots .

Car oui, au delà du thème du livre , François Vallejo a son style bien a lui. Brillant, surprenant parfois, il amène son lecteur de tournures en phrases désarticulées dans une histoire où les mots et leur ajustement , la syntaxe, ont autant d'importance que le fond.

Le fond , justement. Henri Matisse et plus particulièrement, sa relation avec Lydia Delectorskaya, jeune orpheline russe échouée à Paris , mariée par intérêt dont la rencontre avec le peintre va changer la vie , leur vie.

Les 22 ans de collaboration sont ici narrés, entre maladie , épouse légitime , commandes de tableaux, érotisme avoué ou non , guerre, schisme familial et bien sur peinture .

On ne prend pas partie ici, on se contente de relater, d'étayer par des témoignages de biographes (on dirait du Vallejo raté !).

Au lecteur de se faire sa propre opinion . Amour , simple relation professionnelle , amenant la moitié des protagonistes à se désaper des heures devant l'autre moitié sans témoin, voyeurisme d'un vieux pervers , abus d'autorité ou au contraire escroquerie globale de la Delector, à vous de vous faire une opinion. Tout ça au milieu de la vie de Matisse , de ses œuvres dont la confection de certaines est ici détaillée.

C'est un roman , une bio, un essai , je n'en sais rien non plus, mais c'est très fort, remarquablement écrit et très dense culturellement .



Pour ceux qui seraient intéressés par la thématique , l'auteur s'est plongé au moins deux fois dans le monde de l'art avec @groom et @efface toute trace, deux autres brillantes réussites.

Merci à Babelio et aux éditions Viviane Hamy

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Fleur et Sang

C'est l'histoire de trois médecins, un éminent cardiologue contemporain Étienne Delatour. il opère, sonde les cœurs, pétrit les chairs , ouvre des centaines de poitrines, prêt à tout pour sauver ses patients, jusqu'à devenir chef de service à Paris....Un pére et son fils au XVII °siécle : ils visitent les fermes,arpentent la campagne, pansent les plaies, renouent, incisent, saignent, extraient,administrent des drogues, tentent de contenir les épidémies......

Mais à toute époque, les femmes peuvent venir infléchir ou détruire les parcours tout tracés.....Au XVII° siécle, voici Isabelle de Montchevreuil, fille de châtelain, méprisante, provocante, acariâtre qui s'habille en homme, manie le fouet et n'en finit pas de maltraiter ses gens.....Au XXI° siécle, voici Isabelle Saint Aubin, calculatrice, intrigante, sensuelle, menteuse, perfide ô combien,.....Elle calomnie, répand des rumeurs,manipule son amant cardiologue ....

Deux destins entrecroisés , entrelacés,deux époques oú les chirurgiens se nomment Delatour, oú les femmes entretiennent des rapports complexes avec leur pére, oú les rumeurs sont immuables.....

Quels liens mystérieux se nouent , se tissent par delà le temps entre ces deux vies exceptionnelles?

Un roman au souffle puissant, roman de l'amour, captivant,passionnant qui triomphe de la douleur et de la folie.....un écrit flamboyant aux formules imagées, au style méticuleusement travaillé comme un canevas....qui nous emporte , un ouvrage gourmand de mots, une plongée énergique et sensuelle au cœur de l'humain ....parfaitement construit au suspense haletant....

Je salue l'habileté démoniaque et le talent de François Vallejo, cet amoureux du style .....Par delà les époques des hommes de toutes conditions luttent et souffrent , tentent de maîtriser leur art sans toujours contenir les fascinations et les passions .....

Un ouvrage magnifique qui aurait pu s'appeler : " De l'influence des femmes sur le destin des hommes....."
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Un dangereux plaisir

Déjà, l’auteur prévient en disant : "C'est un roman de la Bouffe, de la Faim et de L'Appétit " !

Tout commence avec un petit garçon, Elie Elian, obligé chaque jour, à terminer son assiette par ses parents, alors que sa mère cuisine mal, et que les plats n’ont aucun goût.

L’enfant rêve d’odeurs, de saveurs alors qu’il est obligé de mâchouiller et surtout de ne pas tricher en vidant son assiette même avec beaucoup d’inventivité.

Il passe tous les jours en rentrant chez lui devant un restaurant réputé, mais son attirance va, non vers la vitrine, mais vers l’arrière de la boutique où s’affairent les commis, les cuisiniers…

Il veut être cuisinier plus tard, au grand dam de ses parents : si tu fais ce métier surtout n’utilise pas notre nom (ce serait déchoir !)

Le rythme est lent, Elie répète les mêmes erreurs chaque fois qu’il arrive à se faire une place dans un restaurant. On se croirait avec Pinocchio, et ses bêtises …

Bref, j’ai tenu tant que j’ai pu (les 2/3 ?) et fini par lâcher ma lecture, car les recettes un peu étranges, les mélanges des préparations style nouvelle cuisine, la cuisine et la bouffe en général ce n’est pas trop mon truc (en lecture du moins, mais je suis également incapable de suivre une émission culinaire et encore moins les toutes les shows : le meilleur pâtissier et ses dérivés)

C’est la première fois que je lis un roman de François Vallejo et je suis passée complètement à côté.





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Hôtel Waldheim

Mis en demeure de rendre des comptes sur des vacances alpines quand il avait 16 ans, un homme se voit contraint de décortiquer ses souvenirs pour répondre aux questions en procureur d’une improbable helvète qui cherche à comprendre les raisons de la disparition de son père, archives de la Stasi sous le coude.



Entre ronchonnements, attirance et beuveries, les deux protagonistes vont s’affronter en théories fumeuses possibles, agacements et disputes, et reconstituer le microcosme estival de l’hôtel Waldheim dans les années 70.



(Déjà ainsi, c’est compliqué à résumer)



Ce duo insolite va longuement malaxer un ronron indigeste où on mélange pêle-mêle Davos, ses hôtels et ses paysages, Thomas Mann, sa montagne et ses tuberculeux, les échecs et le jeu de go, la Guerre Froide, ses transfuges et ses espions.



Je ne sais pas ce qui ne fonctionne pas dans cette affaire, mais j’ai eu bien du mal à suivre cette histoire, gênée par des situations sans queue ni tête, des rapports humains décalés, un manque de crédibilité. L’auteur semble tirer avec effort la corde du mystère, en tentant d’emballer le tout d’un humour sarcastique. J’ai trouvé cet procédé à tiroirs bien long et bien bavard, peu convaincue par le montage narratif. Ça s’apparente plus à un exercice de style littéraire, qu’on peut reconnaître original mais pas forcément passionnant.



Juste mon avis.

Ce livre est retenu en première sélection du Goncourt 2018. Curieuse de voir sa trajectoire.

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Efface toute trace

Si l’art avait des limites ce ne serait plus de l’art.



Quand des cadavres de collectionneurs d’art contemporain sont retrouvés à intervalles réguliers aux quatre coins du globe, c’est tout un milieu microcosmique d’amateurs éclairés ou de spéculateurs invétérés qui s’affole.



Réunis au sein du « consortium de l’angoisse », ils chargent « l’Expert » d’enquêter sur ce qui s’apparente rapidement à une vengeance organisée, à moins que cela ne soit la énième variante d’un nouveau et morbide happening dont le milieu artistique est si friand.



Car le point commun reliant les victimes semble être le mystérieux artiste « jv », qui a fait de la destruction protocolée de ses œuvres un argument marketing propulsant sa côte au plus haut. Jusqu’à ce que certains acheteurs s’écartent du protocole…



François Vallejo ayant décidé de faire de « l’Expert » son narrateur, Efface toute trace est habilement construit autour des comptes-rendus de mission que celui-ci adresse à ses mandants du consortium. Un narrateur peu empathique, hautain et suffisant, constamment sur la défensive et l’interrogation sur les non-dits de sa mission.



Si l’écriture est élégante, l’enquête en elle-même perd malheureusement en intensité au fil du livre. Mais elle sert surtout de prétexte à une exploration fouillée et interrogative des travers et excès du milieu de l’art contemporain, qui pour exister – et se valoriser - semble devoir sans cesse repousser ses limites.



Et c’est bien là que le propos prend tout son intérêt, documenté et interpellant, nous ramenant à notre propre regard sur l’acceptabilité de la performance artistique, sur ce qui fait un artiste, sur ce qui nous fait sortir du basique « j’aime / je n’aime pas ». Ou sur ce qui nous fait expert. Ou pas.



Vallejo n’y répond pas, mais sa plume saillante laisse à l’Expert le soin de balancer quelques traits bien aiguisés à l’encontre des Tartuffe du milieu artistique. Et là, on touche au délectable !
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Efface toute trace

Dans cette période particulièrement sombre , où des lobotomisés islamistes se baladent en toute impunité couteau en main dans des rues truffées de molécules mettant la vie entre parenthèses voire entre quatre planches, côtoyer l'intelligence n'est pas un luxe. Et en lisant, la dernière production du prof de français du Havre, on est noyé sous l'intelligence , pour ne pas dire le génie.

Un expert en art est mandaté par des collectionneurs pour faire la lumière sur des disparations énigmatiques de collectionneurs, morts dans des circonstances pour le moins énigmatiques.

Quel bouquin ! Cette réflexion géniale sur l'art moderne, ou l'art en général, à travers une pseudo enquête policière est un pur délice. Livre érudit, intelligent, source de questionnement, de réflexion, chaque page nous interpelle. Le sujet est original, traité admirablement,laissant planer un certain suspens et tenant le lecteur en haleine.

Ah l'art moderne !Qui ne s'est pas arrêté devant une "oeuvre " en pensant : "Mais qu'est ce que c'est que cette merde"?!

Comme dans" les trois frères" où l'on côtoie un monochrome de Whiteman et un "Kundelich", sorte de porte manteau hideux. On a la culture qu'on peut !

Mais qu'est ce l'art ? Si Monsieur Vallejo n'y répond pas , il pose clairement les jalons de la réflexion.

La conception d'une oeuvre, sa finalité, les collectionneurs qui s'enrichissent sur le dos des artistes , le côté éphémère d'une oeuvre, les séries ...Mêler tout cela à une enquête policière est un trait de génie. Mais François Vallejo n'en est pas à son coup d'essai, il nous avait déjà bien manipulé avec Groom autour des œuvres de Soutine.

Alors, je mets un 5, un vrai pas comme à l'école où je suis obligé par mes employeurs à être bienveillant, même si on m'a refilé comme à tous mes collègues fonctionnaires des masques DIM toxiques qu'on me demande aujourd'hui de ne plus porter. Merci les guignols!
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Hôtel Waldheim

Jeff Valdera est un écrivain reconnu. Un matin il reçoit la carte postale de l'hôtel fin de siècle en Suisse où, adolescent, il passait le mois d' août en compagnie de sa tante célibataire, au verso un texte abscons.

Davos fin des années 70, un pan oublié de son adolescence lui revient rapidement. La machine à remonter le temps est en marche et Frieda Steigl, la fille d' un résident de l' hôtel Waldheim est aux commandes.



Commence alors une bataille de mémoires entre Jeff et Frieda. Cet été 1976, Jeff aurait informé involontairement des agents de la Stasi et entraîné ainsi le démantèlement d' un réseau de passeur entre la RDA et la Suisse.



Mais Jeff a, lui, d' autres souvenirs, il a seize ans et ne rêve que de jeunes filles en fleurs et cet été, dans cet hôtel morne, il trompe son ennui entre varappe et jeux de société, aveugle à l' affrontement d' un joueur d'échec et d' un joueur de go dans la salle de jeu de l' hôtel.

De la viande des Grisons à la place de la madeleine, le retour à Davos risque d' être âpre pour Jeff Valdera.

Formidable roman intime et politique.



Roman sur la fin de l'adolescence mais aussi roman d' espionnage à la Hitchcock, unité de temps et unité de lieu, le rideau de fer se déchire. François Vallejo s' amuse avec le lecteur, mais c'est aussi notre propre mémoire qu' il interroge.



Proust revu et corrigé par Graham Green et survolé par l' ombre de Thomas Mann. Un très bon roman.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Métamorphoses

Alix Théze apprend par un ami que son demi-frère qu'elle adore Alban Joseph s'est converti à l'Islam . Pourquoi 'Alban qui a toujours été si proche ne s'est-il pas confié à elle ?

Aussitôt , un souvenir d'adolescence lui revient , un jour dans un parc d'attractions , Alban n' pas pu s'arrêter de refaire la file sans relâche jusqu'à faire un malaise , dans une attraction de grande vitesse , ce jour-là qu'elle n'a pas oublié , Alix s'est rendue qu'Alban avait une attirance pour les extrêmes , qu'il n'arrive pas à contrôler .

Elle voit dans sa conversion à l'Islam l'ultime étape de son attrait pour les extrêmes et s'attend au pire .

Elle va tout faire pour ' sauver ' cer frère malgré lui ; mais lors de leurs rencontres c'est un bras de fer entre eux , une intellectualisation de la situation par Alban , qui trouve qu'Alix elle -même est une passionnée , qui travaille d'arrache-pied sur la rénovation de fresques religieuses , alors qu'elle était douée pour l'art .

Alix est troublée par l'analyse de son frère mais elle sent qu'il s'éloigne d'elle , qu'il est 'perdu ' pour lee et sa famille .

Elle va tout mettre en oeuvre pour le protéger , elle enquête sur sa nouvelle vie , jusqu'à le compromettre avec ses nouveuax amis .

Elle comprend qu'Alban a trouvé un sens à sa vie , une appartenance , un groupe d'amis et qu'elle est impuissante face à cela .

J'ai bien aimé ce livre , surtout la fin où Alban emporte ses derniers secrets , Alban qui s'est réconcilié avec sa soeur .

Un beau portrait de frère et soeur mais aussi une analyse non manichéenne des nouveaux convertis , souvent des jeunes gens en quête de sens mais aussi attirés par les extrêmes , nouveaux aventuriers du xxi ème siècle , peut-être avons -nous cru un peu trop vite que notre monde serait sans Dieu .

Malraux n'avait-il pas prédit que le xxi ième siècle serait religieux ou pas .

Une lecture qui fait réfléchir , qui pose des questions sans nécessairement donner de réponses , n'est-ce pas un des buts de la lecture ?
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Efface toute trace

François Vallejo a la particularité de trouver des sujets hors du commun et d’emmener le lecteur là où il ne s’y attend pas. Cette fois, c’est le domaine de l’art et de ses dérivés : copie, vol, arnaque, manipulation et même meurtres aux quatre coins du monde. Un expert de l’art va enquêter. On ne sait rien de lui, seulement la sensation qu’il nous apostrophe, nous lecteurs, ce qui m’a amusée. Des descriptions au scalpel sur des tableaux pour faire flamber les prix. Vrai ou faux ? Je pense qu’il y a toujours un peu de vrai dans le faux. Bref, l’art et l’originalité, ici, c’est l’écriture de l’auteur.
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Hôtel Waldheim

Le romancier François Vallejo n'a jamais obtenu de grand prix littéraire, bien que plusieurs de ses romans aient été retenus dans des compétitions, ce qui est déjà un vrai gage de qualité. Hôtel Waldheim, premier livre que je lis de lui, a figuré cette année dans les premières listes du Goncourt, mais n'a pas échappé à la malédiction de son auteur.



Le roman développe tour à tour deux intrigues corrélées, toutes deux subtilement liées aussi à l'histoire de la Stasi, la redoutable police secrète de l'ex République Démocratique Allemande, dissoute en 1990 après la chute du mur de Berlin.



La première intrigue se joue de nos jours entre Jeff Valdera, le narrateur, un quinquagénaire installé sur le littoral normand, et Frieda Steigl, une Zurichoise. Pourquoi donc cette femme a-t-elle tout fait pour entrer en relation avec lui ? Elle s'interroge sur le sort de son père, Friedrich Steigl, un homme né en RDA, disparu mystérieusement depuis plusieurs décennies. Elle a pu retrouver des éléments de son parcours, à partir d'archives de la Stasi, d'innombrables liasses de papier déchirées lors de son démantèlement, puis reconstituées grâce à un logiciel informatique. En épluchant ces documents, Frieda a acquis la certitude qu'en l'année 1976, à l'hôtel Waldheim de Davos, un dénommé Jeff Valdera avait joué un rôle – négatif ! – dans le destin de son père.



C'est justement en 1976 que la seconde intrigue prend place, à Davos, l'élégante station de montagne de la Suisse orientale, sur laquelle, tout au long du roman, plane l'ombre de la montagne magique, le chef d'oeuvre de Thomas Mann. Pour la quatrième année consécutive, Jeff, alors âgé de seize ans, séjourne en août à l'hôtel Waldheim. Adolescent mal dans sa peau, il observe avec une condescendance narquoise les clients allemands, autrichiens et suisses, de bons bourgeois plutôt âgés et conventionnels. Pour tromper son ennui, il va de l'un à l'autre en baragouinant un allemand scolaire, épiant les comportements, écoutant les discussions, colportant des ragots, ironisant sur chacun, tout en jouant régulièrement aux échecs avec certains pensionnaires et au jeu de go… avec un certain Friedrich Steigl.



Lorsqu'il rencontre Frieda, Jeff n'a plus aucun souvenir de ces événements qui datent de quarante ans. Ils réintègrent peu à peu sa mémoire sous la pression de Frieda et l’impact des noms qui figurent sur les documents d'archives en sa possession. Un travail de maïeutique de la mémoire qui fait balancer entre attirance et répulsion les sentiments qu'ils éprouvent l'un pour l'autre.



Pour ne rien arranger, Frieda démontrera à Jeff que les faits dont il se souvient ne sont qu'un trompe-l'oeil. Contrairement à ce qu'il présumait alors, il n'avait été qu'un pion manipulé sur un échiquier géopolitique ordinaire, par des adultes bien plus malins que lui. L'hôtel Waldheim était en fait le terrain d'un jeu du chat et de la souris entre des agents de la Stasi et un réseau s'efforçant d'aider des intellectuels est-allemands à passer à l'Ouest.



Tout est à la fois surprenant et cohérent – à défaut d'être crédible – dans la vérité qui se dévoile avec de plus en plus de précision au fil d'un texte curieux, au rythme lent, mais plutôt captivant, où se mêlent la narration de Jeff, ses conversations, ses souvenirs, ainsi que ses états d'âme tortueux, dont certains semblent exprimés à voix haute devant Frieda.



Un mot sur l'écriture, sur laquelle je me suis plusieurs fois arrêté pendant ma lecture. Je n'ai rien contre le français bancal que l'auteur prête à la zurichoise Frieda, bien que je ne sois pas certain que les germanophones s'expriment ainsi dans notre langue. Pour le reste, l'auteur semble avoir une prédilection pour les phrases longues, parfois alambiquées, un peu désuètes. Elles renforcent l'atmosphère étrange du roman en freinant la lecture. Pourquoi pas ! Mais c'est un parti littéraire qui risque de ne pas plaire à tout le monde.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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La Delector

La delector, c’est une jeune russe, Lydia Delectorskaya, entrée au service de Matisse en 1932 puis de son épouse à partir de l’année suivante comme garde-malade et dame de compagnie et qui avec le temps deviendra modèle, secrétaire, recruteuse de modèles, intendante… alors qu’à son embauche elle ne maîtrisait pas très bien le français et ne connaissait strictement rien à l’art. Elle va devenir si indispensable que malgré sa discrétion, Mme Matisse la prendra soudain en grippe au point de la chasser. Finalement c’est Mme Matisse qui s’en va et Lydia qui revient quelques mois plus tard à la demande de Matisse. Elle fut très discrète ce qui explique que François Vallejo n’ait pas vraiment écrit une biographie, car il le reconnaît, il brode, émet des hypothèses, pour combler les nombreux non-dits. Enigmatique, Lydia le restera après la mort du peintre en 1954. Elle écrira des livres sur lui, mais restera toujours muette sur sa relation personnelle avec le peintre, on ne saura jamais si elle fut sa maîtresse ou si ce fut seulement un fantasme. Cet ouvrage est donc à la croisée entre récit biographique et roman. François Vallejo explore toutes les hypothèses mais n’en choisit jamais aucune, laissant à la Delector son mystère. Il a le mérite de nous faire découvrir un pan de la vie de Matisse assez largement passé sous silence en France jusqu’à récemment. Et de nous décrire dans un style très agréable à lire des moments de la genèse de quelques œuvres : la version définitive de La Danse pour Albert Barnes, Les yeux bleus, Le jardin d’hiver, … dont certaines n’existent plus comme le Nu rose crevette qui faisait l’admiration de Bonnard. Un livre a mi-chemin entre essai, roman et biographie et d’une lecture très agréable qui nous fait découvrir le parcours incroyable d’une illustre inconnue, débarquée de Sibérie en France dans les années 20 via la Mandchourie. On peut dire au moins que sa vie fut un roman.
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Hôtel Waldheim

François Vallejo est en course pour le Goncourt avec un roman d’initiation qui se double d’un thriller se déroulant durant la Guerre froide. N’hésitez pas à monter dans le train rouge qui va jusqu’à Davos.



«Personne n’arriverait à croire qu’une survivance des moyens de communication les plus archaïques comme une carte postale puisse bouleverser un homme, moi, la vie d’un homme, la mienne; une carte postale.» Les premières lignes du nouveau roman de François Vallejo – que j’ai lu avec Un dangereux plaisir – nous en livrent d’emblée le programme. Le facteur vient d’apporter une carte postale représentant un hôtel à Davos et quelques lignes énigmatiques et anonymes qui doivent lui rappeler «queqchose». Une seconde carte reçue un peu plus tard va à peine être plus précise, mais déclencher chez son destinataire la machine à souvenirs: « Je laisse aller les images, ça ne s’arrête plus, qu’est-ce qui m’arrive? Un étranger non identifié a ce pouvoir, avec deux bouts de carton ringards, de déclencher chez moi une sorte d’enquête sur mes vacances de petit prétentieux minable de la fin des années soixante-dix. Et j’ai l’air d’y trouver mon plaisir. Des sensations auxquelles je ne pensais plus depuis longtemps m’agitent, alors qu’elles ont une valeur toute secondaire, l’ordinaire d’un adolescent en virée provisoire à l’étranger… »

Voilà Jeff à quinze ans dans le train de nuit qui va de Paris à Zurich en compagnie de sa tante Judith. Ensemble, ils se rendent à Davos respirer le bon air des Alpes suisses. Les deux jeunes Suissesses qui offrent à l’adolescent la vue de leur corps nu et son premier émoi amoureux suffiraient à son bonheur. Car pour le reste, hormis quelques impressions, le train rouge montant vers la station des Grisons, le plateau de viande séchée offert par l’hôtelier pour accueillir ses pensionnaires, il n’y a guère que quelques visages qui surgissent du néant. « Je fais le tour des visages de ce temps-là, à l'hôtel Waldheim, en premier le patron, Herr Meili, qui a pas mal compté pour ma tante, et aussi pour moi ; le personnel, oublié, sauf Rosa, sorte de gouvernante toujours en service, malgré son grand âge ; des ; des clients solitaires, des couples, des familles en vacances, tous installés dans la vie, à l’aise, de nationalités diverses (…) un noyau d’habitués, comme Mme Finke, le seul nom précis qui me revienne… »

Sauf que son mystérieux correspondant va finir par se dévoiler et lui permettre de se rafraîchir la mémoire. Frieda Steigl lui donne rendez-vous près de chez lui, à Sainte-Adresse, pour lui expliquer la raison de ses courriers et le mettre en face de ses responsabilités, car elle le croit coupable d’avoir aidé les espions de la Stasi et d’avoir provoqué un terrible drame. Car Frieda a pu remonter une partie de son histoire familiale grâce aux archives de la police politique de l’ex-RDA mise à disposition des personnes mentionnées ou de leurs descendants après la chute du mur. Si, sur les documents en sa possession, il se confirme que des espions étaient bien présents dans la station grisonne et que l’hôtel Waldheim servait bien de plaque tournante pour l’accueil de personnalités ayant pu franchir le rideau de fer et trouvé refuge à l’Ouest, Jeff n’aura du haut de sa jeunesse, de se candeur et de sa soif de découvertes n’été qu’un chien dans un jeu de quilles.

Pour lui, l’été à l’hôtel Waldheim se sont des jeux de go et d’échecs, des promenades en montagne, la découverte de l’œuvre de Thomas Mann, à commencer par La Montagne magique qui s’impose dans le lieu même où se situe le sanatorium décrit par l’auteur de Mort à Venise et Les Buddenbrook, ainsi que l’éveil de la sensualité. Il a bien observé et espionné, mais pour son propre compte plus que pour répondre à la demande de Herr Meili.

Mais Frieda Steigl ne l’entend pas de cette oreille et finira par mener son interlocuteur sur les lieux de son soi-disant forfait. C’est là que François Vallejo va lever le voile sur ce roman d’initiation qui éclaire une époque, celle de la Guerre froide.

Un roman prenant comme un bon thriller, une écriture précise et soucieuse de n’omettre aucun détail. Bref, une œuvre que le jury du Goncourt a bien raison de sélectionner pour son prestigieux prix littéraire.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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