De manière générale, les odeurs corporelles et notamment celle de la transpiration ont la réputation de nuire au ver à soie. Celle-ci serait responsable de la naissance irrégulière des vers, lorsque l'incubation e la graine est effectuée "au nouet", dans un contact intime avec le corps féminin. Un parfum trop prononcé, capiteux, peut également être mis en cause en cas de mauvaise réussite, aussi les séricicultrices préfèrent-elles interdire l'accès à leur magnanerie aux femmes parfumées. Mme T, séricicultrice à Mialet , a ainsi toujours refusé aux visiteuses sentant "la cocotte" la permission d'entrer dans sa magnanerie
Dans les représentations collectives , l’histoire de la soie coïncide étroitement avec celle des Cévennes; Certes le châtaignier, le protestantisme ont leur place dans la cosmographie cévenole, mais nous n’avons jamais perçu à leur propos une telle conjonction de désarroi et de passion. S’agissant de la soie les propos sont sous le régime de l’union des extrêmes, ils mêlent inextricablement, parfois dans la même phrase, l’expression d’une profonde mélancolie témoignant d’un affaiblissement du sentiment de soi , et un enthousiasme qui semble défier les aléas de l’histoire. Les mots se bousculent, l’émotion jaillit, embue parfois les regards. Les souvenirs, tantôt joyeux, tantôt douloureux, fusent : on évoque les grappes de jeunes-filles s’égayant à la sortie des filatures dans les ruelles animées des villages, mais aussi l’agonie d’une fileuse encore adolescente aux poumons rongés par l’humidité de l’atelier ; la fierté de la magnanière devant les hautes corbeilles d’osier remplies de la précieuse récolte mais également la fatigue i de l’aube , quand il fallait se lever dans la fraîcheur des premières lueurs pour cueillir le feuillage que les vers allaient engloutir tout au long du jour, ou encore le crissement monotone de leurs mandibules déchiquetant la feuille, son que chacun compare immanquablement au crépitement feutré d’une pluie d’orage.
Cinq jours après la naissance, les vers subissent leur première "maladie" autrement dit leur première mue. Plusieurs expressions sont indifféremment utilisées par les magnanières : on dit qu'ils "dorment" ou encore qu'ils "s'alitent".