La chronique de Gérard Collard - Prix Goncourt
Pour cette rentrée littéraire, notre chroniqueur-libraire Gérard Collard réagit à l'annonce de la première sélection de livres susceptibles de remporter le Prix Goncourt 2011. Pour information le jury de l'académie Goncourt est composé d'Edmonde Charles-Roux, Jorge Semprun, Régis Debray, Françoise Mallet-Joris, Robert Sabatier, Patrick Rambaud, Bernard Pivot, Françoise Chandernagor, Tahar Ben Jelloun, Didier Decoin. Voici leur sélection : rom@ de Stéphane Audeguy aux éditions Gallimard Limonov d'Emmanuel Carrère aux éditions POL Retour à Killybegs de Sorj Chalandon aux éditions Grasset Dans un avion pour Caracas de Charles Dantzig aux éditions Grasset Les Souvenirs de David Foenkinos aux éditions Gallimard L'Art français de la guerre d'Alexis Jenni aux éditions Gallimard Jayne Mansfield 1967 de Simon Libérati aux éditions Grasset Un sujet français d'Ali Magoudi aux éditions Albin Michel Du Domaine des Murmures de Carole Martinez aux éditions Gallimard Des vies d'oiseaux de Véronique Ovaldé aux éditions L'Olivier Le système Victoria d'Eric Reinhardt aux éditions Stock Monsieur le commandant de Romain Slocombe aux éditions Nil Tout, Tout de Suite de Morgan Sportès aux éditions Fayard La belle amour humaine de Lyonel Trouillot aux éditions Actes Sud Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan aux éditions JC Lattès
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Est-ce d'une rupture brutale de l'enchantement premier que naît le besoin d'écrire ? d'une fêlure dans l'enfance ? Le besoin d'écrire est-il adulte ? (p.21)
Il y avait quelque chose d’effrayant dans mon attirance pour Tamara, quelque chose de semblable à mon désir de vide en me penchant par la fenêtre, ou à celui de rencontrer en nageant dans le lac le tourbillon dangereux, « pour voir »…
D’année en année je suis devenue de plus en plus désordonnée. Je suis en retard de deux années pour mes impôts, de trois mois pour ma correspondance. Je pense de moins en moins à mes vieux jours et aux économies, alors qu’à vingt ans j’y pensais. J’invite des amis au restaurant à la fin du mois, je joue à la guitare tandis que le linge s’accumule, je fais avec mes enfants des « soirées poétiques » au cours desquelles, entourés de bougies, nous lisons tout, de Hugo à Cendrars, en croquant des biscuits, au lieu de leur faire répéter leur latin.
Vincent ( onze ans)
- tu sais,maman, pour que le monde soit parfait....
- oui?
- il faudrait supprimer les moustiques.
Gilles et Pierrette viennent dîner. Par hasard, j’ouvre un tiroir plein de lettres non ouvertes, factures, contraventions, impôts, quelques sommations d’huissier. « Je ne croyais pas que cela existait depuis Balzac », dit Gilles, avec un mélange d’admiration et d’horreur. Nous sommes un peu confus, comme quelqu’un qui se découvre un talent qu’il ignorait. Il ne faudrait pas donner dans l’affectation.
- Alors, Ada, et les affaires ?
- Excellentes, monsieur, excellentes, j'ose vous le dire, vous n'êtes pas le percepteur, n'est-ce pas ? Oui, j'ai pu faire quelques économies...
Tout était gris dehors, froid, pur, sous le vent qui s'était levé avec le petit matin, balayant les odeurs de bière, de friture, de poisson, d'iodoforme, toutes les vieilles, les rassurantes odeurs humaines, jusqu'à celle du lit, trempé d'une sueur d'angoisse.
Je me suis fait, très tôt, un arbre généalogique. Mieux : une Légende dorée des écrivains que j'aime. (...) une page, un vers, un tout petit personnage qui passe, suffisent souvent à me créer avec son auteur ce lien de parenté qui fait qu'on le défendra, quoi qu'il fasse. (p. 13)
Dans une rue déserte qui monte vers la gare, une dame un peu forte avance avec peine. Elle pense qu'elle a mal aux pieds, et que la première chose qu'elle fera en arrivant à la gare, ce sera de prendre un double cognac.
Nous avons tous un jour, une heure de sensibilité, de grâce, où une image nous atteint, où une note, un mot, résonne en nous..."